Avoir un compte bancaire rempli d'or plutôt que d'argent, avec lequel vous pourriez acheter des produits en ligne ou en magasin. Ça vous tente ?
L'idée est celle d'une nouvelle société, BitGold (XAU, 4,35 $), entrée à la Bourse de croissance du TSX à la mi-mai, et dont le cours a depuis explosé.
À un prix d'émission de 0,90 $, le titre de BitGold se négocie aujourd'hui à plus de 4 $, après avoir atteint 8 $.
Qu'est-ce que BitGold ?
C'est en premier lieu une société qui offre des services de stockage d'or dans des voûtes situées à Toronto, Zurich, Singapour, Hong Kong, Londres et Dubaï.
Grâce à la récente acquisition de la société GoldMoney pour 51,7 M$, la société compte maintenant 22 000 comptes aurifères d'une valeur totale de 1,2 G$ US.
L'histoire ne se trouve cependant pas dans les activités de stockage de la société.
L'intérêt vient plutôt de la plateforme de paiement d'or que compte mettre en place l'entreprise et qui permettra d'utiliser le métal précieux comme devise.
Bien que son nom soit apparenté au bitcoin, BitGold n'est pas une devise virtuelle. Le système s'appuie sur un actif physique. Le compte bancaire est en grammes d'or avec une valeur en dollar américain. Cette valeur reflète les fluctuations du métal précieux détenu. La direction de BitGold veut implanter différentes fonctionnalités au cours des prochains mois.
Cet été, elle doit offrir une carte de débit liée au compte et une carte de crédit MasterCard prépayée. Les deux outils permettront aux clients de faire des achats en ligne ou en magasin (à partir d'une conversion en devise). Il y aura un coût. Noel Atkinson, de Clarus Securities, note que BitGold s'attend à générer des frais nets par transaction de 1 % sur la carte de débit et de 2 % sur la carte de crédit.
La société entend aussi mettre en place dans un délai non défini un service où les marchands pourront, un peu comme avec PayPal, accepter des paiements en ligne en BitGold (cette fois en grammes d'or, plutôt qu'en devise comme c'est le cas avec la carte de débit ou de crédit) à des frais de 1 % de la valeur de la transaction. L'avantage du système pour le client, pour ce type de transaction, est qu'il n'aura aucuns frais à payer. Le 1 % sera facturé au commerçant, des frais similaires ou inférieurs à ceux qu'il doit payer pour des opérations par carte de crédit.
Le système peut-il fonctionner ?
On s'est longuement trituré les méninges.
Les sources de revenus de BitGold semblent résider à trois ou quatre endroits.
> Lorsqu'un client procède à un achat par carte de débit ou de crédit et que des frais de 1 % et 2 % sont facturés.
> Lorsqu'un client procède à un achat en ligne chez un marchand et paie en grammes d'or et que le commerçant verse 1 % de la valeur de la transaction.
> Lorsque des virements de fonds internationaux en or sont effectués entre détenteurs de comptes, et que des frais de 2 % s'appliquent.
> Enfin, il semble y avoir des frais (0,12-0,18 %) sur la valeur des actifs détenus, mais ce n'est pas tout à fait clair.
Pour que le système fonctionne, il faut que de l'or arrive en plus grande quantité dans les chambres fortes de BitGold. Mais surtout qu'il se promène et soit utilisé comme intermédiaire de marché pour faire des achats et des transferts.
Qui a avantage à utiliser le service ?
L'investisseur ? Peut-être. Un fonds négocié en Bourse (FNB) aurifère coûte environ 0,3 % en frais de marketing et 0,4 % en coût de fiduciaires, selon Clarus. Ces frais sont annuels, alors que le 1 % à payer en convertissant l'or dans un compte traditionnel ne survient qu'au moment du rapatriement. Si l'or est conservé plus d'une année, ça peut être intéressant.
Le consommateur ? Hum... À 1 % de frais par transaction de débit et 2 % pour celles par carte de crédit, on ne voit pas trop pourquoi le consommateur sortirait son argent des banques dont les frais de transaction sont nettement plus faibles. Peut-être pourrait-il être intéressé si les marchands adoptent le système de paiement d'or en ligne, car il n'aurait alors aucuns frais de transaction à payer. Mais les marchands doivent l'adopter, et, malgré cela, le consommateur fera toujours face au risque d'une dévaluation du métal jaune sur le marché. Or, la majorité de la population est de nature prudente.
L'expatrié ? C'est le meilleur créneau. Les transferts entre comptes aurifères à l'étranger coûtent 2 % de la valeur transférée. Ajoutons 1 % pour la conversion éventuelle en devises. Le pourcentage reste inférieur à ce que facturent plusieurs services de virements entre pays. La Western Union est souvent à plus de 8 %. Le marché est significatif : 440 G$ US ont été ainsi transférés en 2013 dans le monde, selon Clarus.
Que faire ?
BitGold a de bons appuis financiers, avec au capital Soros Brothers. Elle dit se conformer aux réglementations bancaires. Elle est assez présente dans le monde, mais n'offrira pas le service de paiement aux États-Unis, préférant attendre que la législation se précise quant à son modèle d'entreprise.
En l'absence du marché américain, avec toute l'incertitude relativement à la force des sources de revenus, et avec un aperçu plus ou moins clair des coûts d'exploitation et des investissements nécessaires, on resterait sur les lignes de côté. L'expérience sera cependant intéressante à suivre.