Blogue. Quelle est la portée de l’entente survenue vendredi au sommet européen? Une bonne nouvelle, mais préparons nous quand même pour une récession.
D’abord, un coup d’œil sur ce qui a été convenu entre les pays signataires.
-Un engagement de ramener leur déficit à 0,5% du PIB nominal. L’horizon sur lequel cela doit survenir est à déterminer. On a entendu ce matin sur CNBC l’horizon 2016, mais ce n’est pas à l’entente.
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-Chacun adoptera des mécanismes prédéterminés de correction automatique des finances publiques si la cible n’est pas atteinte.
-Dans l’éventualité où le déficit dépasserait 3% du PIB nominal, il y aura des pénalités. Celles-ci ne sont pas précisées.
-Les programmes d’atteinte du déficit zéro (ou 0,5% du PIB) des pays en situation précaire devront être approuvés par le Conseil et la Commission européenne qui, croit-on comprendre, auront aussi le pouvoir de forcer un gouvernement à modifier ses budgets (le deuxième volet n’est pas clair).
-Le Mécanisme de stabilité européen (MSE), ce fonds qui doit venir en relais au Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour aider les pays en difficultés, entrera en force en juillet 2012. Les deux fonds combinés disposeront de 500 G d’euros (670 G$ US).
-Une enveloppe de 270 G$ US sera ajouté au Fonds monétaire international.
-Il se trouve une déclaration à l’effet que les mesures prises concernant la dette grecque sont uniques. On se rappellera que les créanciers avaient dû prendre une perte de 50% sur leur dette. La déclaration laisse entendre que l’on s’engage ici à ne pas appeler les créanciers des États à contribuer à la restructuration. On notera cependant que cela peut aussi être interprété comme une déclaration d’intention « pour l’instant ».
Qu’en penser?
Qu'en penser?
La nouvelle est bonne et c’est la chose à faire. Il faut mettre de l’ordre. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir. Il serait très étonnant que l’on échappe à une récession. Et pas étonnant que l’on ait un jour à amener la banque centrale européenne à la rescousse et que l’on demande un petit effort à certains créanciers.
On est allé relire les dernières prévisions budgétaires de la Commission européenne. Ce n’est pas très rose.
L’Irlande par exemple, dont on ne parle plus parce qu’elle a réussi certaines de ses réformes, a tout un défi devant elle. Son déficit représentera en 2011 10,5% de son PIB. En 2012, ce sera 8,8%. On a bien dit « du PIB », pas « du budget », il faut bien mesurer l’ampleur du chemin à parcourir.
En Espagne, on est à 6,3% du PIB et on sera l’an prochain à 5,3%. Au Portugal, on est à 5,9% et 4,5%. C’est heureusement un peu moins pire pour l’Italie, où le déficit sera de 4% cette année et 3,2% en 2012.
Même chez les pays « riches », la route ne s’annonce pas facile. La France est à 5,8% et ne sera qu’à 5,3% l’an prochain. La Grande-Bretagne est à 8,6% et ne sera qu’à 7% dans douze mois. Bien qu’elle ne soit pas signataire de l’entente, elle n’a pas vraiment le choix de converger vers la cible de l’équilibre, sinon ce sont ses créanciers qui l’y amèneront.
Pour donner un peu de perspective, en incluant sa part dans le déficit fédéral, le Québec affichait un déficit autour de 5% du PIB au début 2009 (selon une étude du ministère des finances).
Ca n’a pas été si pire, est-on tenté de dire.
D’abord, il est possible que des méthodes comptables différentes fassent en sorte que l’on compare des pommes avec des oranges en amenant la statistique.
Ensuite, nous ne sommes pas encore rendus à destination et il s’en vient d’autres mesures (il vaut mieux faire vos achats avant le 1er janvier, car la TVQ grimpera d’un autre point de pourcentage).
Finalement et surtout, on a jusqu’à maintenant été chanceux. Notre économie s’est bien comportée parce que les États-Unis continuaient à dépenser largement plus qu’ils ne récoltent.
Tout cela prendra bientôt fin. Au lendemain des élections américaines cet automne, la nécessité d’un rééquilibre budgétaire deviendra plus éminente. Monsieur Bachand a sans doute quelques chapelets sur la corde à linge pour que ça ne frappe pas trop durement.
L’Europe ne bénéficiera pas de ce gros voisin pour tirer son économie. Il serait surprenant que les revenus soient au rendez-vous. À noter en effet que les ratios présentés plus haut sont fondés sur une prévision de croissance du PIB (réel) de 1,8% en 2012 pour l’Europe. C’est optimiste. Et, si le PIB recule, les déficits des États se creuseront bien davantage en pourcentage.
N’écartons pas le recours à la banque centrale
Une récession apparaît donc se dessiner. Pas nécessairement pour 2012, mais on avancerait pas mal nos jetons sur 2013.
On n’écarterait pas non plus que la banque centrale européenne doive un jour intervenir (ce que lui interdit pour l’instant le traité de l’Union). Et que les créanciers ne soient appelés à rouler dans le temps leur créance, à des taux d’intérêt inférieurs.
Vrai, c’est prématuré. Il vaut cependant mieux ne pas relâcher la prudence.