Il ne devrait pas y avoir meilleure reconnaissance pour un entrepreneur et chef d’entreprise que de voir son action s’apprécier le jour où il annonce qu’il passe le flambeau à une nouvelle génération de cadres.
L’action d’Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B, 86,70 $) a en effet gagné 2 % et neuf analystes consultés sur onze ont accru leur cours-cible, le jour où Alain Bouchard a dévoilé qu’il confiera la direction de son entreprise au chef de l’exploitation Brian Hannasch, le 24 septembre prochain.
Après avoir propulsé son entreprise à une valeur boursière de 16,4 milliards de dollars, avec 12 600 dépanneurs dans 21 pays, en 34 ans, voilà que M. Bouchard ajoute un plan de succession bien ficelé et une transition en douceur à ses nombreuses réalisations.
M. Bouchard avait préparé le terrain, ayant confié qu’il souhaitait jouer un nouveau rôle dans l’entreprise, en approchant de l’âge habituel de la retraite.
L’analyste Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale, avait évoqué cette possibilité, dans un rapport en juillet 2013.
De plus, M. Hannasch était déjà pressenti comme le dauphin désigné, pendant les préparatifs à la succession menés par le conseil d’administration pendant deux ans.
M. Bouchard est aussi bon joueur déclarant que M. Hannasch, 47 ans, est bien meilleur gestionnaire que lui à bien des égards. « Il est le meilleur pour prendre la direction et diriger une entreprise présente dans 21 pays», a-t-il dit en entrevue.
Son seul soupçon de regret : ne pas avoir trouvé un M. Hannasch québécois.
La chasse aux acquisitions à temps plein
La chasse aux acquisitions à temps plein
Il n’est pas tout à fait juste de dire que la hausse de l’action d’Alimentation Couche-Tard salue le plan de succession de M. Bouchard.
C’est plutôt le fait que M. Bouchard demeurera un président du conseil exécutif et actif, et qu’il consacrera presque tout son temps au démarchage de futures acquisitions, qui plaît le plus aux analystes dont Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.
« Une acquisition de taille doit faire surface pour que le titre puisse soutenir son évaluation boursière actuelle », indique aussi David Hartley, analyste de Credit Suisse.
La croissance de 8,5 % des bénéfices qu’il prévoit en 2016 est un peu mince pour justifier un multiple d’évaluation de 19 fois les bénéfices prévus dans 12 mois, dit-il.
M. Bouchard reste aussi l’actionnaire de contrôle. Ses intérêts restent donc alignés avec ceux des autres actionnaires, note aussi Keith Howlett, de Marchés des capitaux Desjardins.
Voici ce qu’avaient à dire les analystes au lendemain du dévoilement de son successeur.
Des cours-cible jusqu'à 105 $
Des cours-cibles jusqu'à 105 $
Michael Van Aelst, de TD Valeurs mobilières, hausse son cours-cible de 100 à 105 $ :
« D’ici 12 mois, l’action devrait retrouver le multiple d’évaluation de 17 à 18 fois les bénéfices qu’elle avait entre 2001 et 2007 (par rapport à 16,8 fois actuellement), une époque où Alimentation Couche-Tard multipliait les acquisitions aux États-Unis, un nouveau marché pour elle », écrit-il.
La croissance soutenue de ses bénéfices augmentera le rendement que lui procurent ses flux de trésorerie excédentaires de 7,4 % à 8,5 %, entre 2015 et 2016.
Les synergies de l’intégration de la Norvégienne Statoil Fuel and Retail seront plus importantes à partir du premier semestre de 2015 et dépasseront l’objectif de 150 à 200 M$ US, en décembre 2015.
Les investisseurs vont aussi donner de la valeur à l’imminence de nouvelles acquisitions.
Keith Howlett, de Marchés des capitaux Desjardins, fait passer son cours-cible de 85 à 100 $ :
« Avec l’industrie des dépanneurs et des stations d’essence dans une période active de changement de propriétaires, les actionnaires seront bien servis avec la séparation des rôles (de MM. Bouchard et Hannasch) », écrit l’analyste.
Alimentation Couche-Tard se retrouve parmi les grands de ce monde dans l’industrie des dépanneurs aux côtés de 7-Eleven, Family Mart et Lawson’s.
Des occasions se présentent dans les marchés plus mûrs de l’Europe et les marchés émergents de l’Asie.
« Peu sont aussi bien aguerris que M. Bouchard pour bien évaluer ces occasions. Le jugement et le discernement d’Alain Bouchard seront entièrement dirigés vers la prochaine étape de l’ascension de l’entreprise», ajoute-t-il.
Vishal Shreedhar, de Financière Banque Nationale, hausse son cours-cible de 90 à 97 $ :
« Nous estimons que la société peut financer des acquisitions d’au moins 2 milliards de dollars, sans avoir à émettre d’actions. Aussi, la société améliore constamment son efficacité ce qui devrait gonfler davantage son rendement sur le capital (il est passé de 11,7 à 13,3 % de 2012 à 2013) », explique M. Shreedhar.
L’analyste mentionne que le titre de la société pourrait remplacer Shoppers Drug Mart dans l’indice S&P/TSX 60.
Le principal facteur de risque concerne la volatilité trimestrielle des résultats qui fluctuent en fonction des marges d’essence, des taux d’imposition et de la cadence des synergies des acquisitions.
Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, augmente son cours-cible de 83 à 95 $ :
Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, augmente son cours-cible de 83 à 95 $ :
« Alimentation Couche-Tard est l’acquéreur de choix de dépanneurs des deux côtés de l’Atlantique. Le contexte lui est favorable avec la hausse de son multiple d’évaluation, la hausse du dollar américain et des marges d’essence élevées », écrit M. Caicco.
La hausse mondiale de l’évaluation des exploitants de dépanneurs, le potentiel d’acquisitions, le taux de change et les bonnes marges d’essence pourraient pousser son titre à 100 $, mais M. Caicco préfère miser sur 95 $ pour compenser pour le fait que ces facteurs sont des hypothèses.
Ce cours-cible représente un multiple de 20 fois les bénéfices prévus dans 12 mois, une évaluation inférieure à celle de 24 fois pour ses semblables américains, dit-il.
L’analyste va jusqu’à identifier une cible d’acquisition potentielle, le groupe israélien Delek Group (Tel Aviv, DELEKG), qui est en discussions pour vendre Delek Europe.
« Il est possible que l’acquéreur soit un fonds d’investissement, mais Alimentation Couche-Tard examine certainement ce dossier », dit-il.
Delek exploite 2 100 dépanneurs et 1 200 stations d’essence dans plusieurs pays européens dont la Belgique, les Pays-Bas et la France.
L’achat par endettement de Delek pout 1,14 milliard serait exactement le multiple de 6,9 fois qu’a payé Alimentation Couche-Tard pour Statoil. Une telle transaction ajouterait 6 % au bénéfice annuel.
« C’est en Europe et non aux Etats-Unis où l’action se passe, avec les groupes pétroliers qui veulent monétiser leurs dépanneurs », dit-il.
Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP, hausse son cours-cible de 92 à 95 $
«Alimentation Couche-Tard peut continuer à croître ses bénéfices à un rythme levé de 27 % d’ici 2015, grâce entre autres à l’accélération des synergies de Statoil, et le transfert de ses compétences », note l’analyste.
Deux ans à peine après l’achat de Statoil pour 3,6 milliards de dollars américains, la société a déjà assaini son bilan. Sa dette équivaut à seulement 2,5 fois son bénéfice d’exploitation, comparativement à un ratio de 3,5 fois après l’achat de Statoil.
Son cours-cible de 95 $ repose sur une croissance de 14 % du bénéfice en 2016, sans tenir compte des acquisitions potentielles.