La création d’emplois décevante aux États-Unis et la détérioration généralisée de l’activité manufacturière un peu partout dans le monde, en septembre, ont moins ébranlé les marchés qu’on ne l’aurait crû.
Après le pire trimestre depuis 2011 pour les actions mondiales et le S&P 500, l’indice américain s’est apprécié de 1,4% vendredi.
Le scénario dominant demeure que la Bourse soit dans une phase de repli, qui pourrait se prolonger, pendant laquelle le S&P 500 devrait revisiter ou même défoncer le creux de 1867 atteint en août.
Si octobre est un mois qui a souvent connu des chutes spectaculaires, dans le passé, on peut espérer que le plongeon du mois d’août et du troisième trimestre a peut-être un peu devancé les évènements, indique la firme de recherche Bespoke Investment.
Mais pour que le mouvement de repli de 12% du S&P 500 ne devienne pas un marché baissier (chute de 20% et plus), plusieurs astres devront s’aligner, disent les stratèges.
Les données valident la prudence de la Fed
La bonne tenue de la Bourse américaine vendredi en dépit de la création d’emplois nettement plus faible que prévu en juillet, en août et en septembre tient peut-être à un changement de perception envers la Fed, qui était critiquée de toutes parts pour ne pas avoir haussé son taux directeur en septembre ou encore pour les déclarations contradictoires de ses gouverneurs.
Certains avaient aussi déploré que la Fed devienne en quelque sorte le banquier central du monde en se préoccupant du ralentissement chinois et de la fuite des capitaux des marchés émergents, au lieu de respecter son propre mandat.
Or, la création d’emplois de 29% inférieure aux prévisions en septembre, ainsi que la révision à la baisse des emplois créés en août, un mois qui bénéficie habituellement de révisions à la hausse, valident en quelque sorte l'attentisme de la Fed, en septembre.
Surtout que les données de l’emploi ont été accompagnées d’un recul de 50,2 de l’indicateur PMI de l’activité manufacturière à un plancher de deux ans et d’une chute à 50,1 des commandes manufacturières, soit leur plus faible niveau depuis novembre 2012.
Après les données de l’emploi, du secteur manufacturier et du commerce international, Barclays prédit désormais que l’économie américaine aura progressé de seulement 1,2% au troisième trimestre, toute une glissade par rapport au rythme de 3,9% du deuxième trimestre.
Les économistes espèrent tous que l’économie américaine reprendra du mieux après la période actuelle de dé-stockage, qui succède à la production élevée du deuxième trimestre.
La Chine et l'Inde stimulent
La Chine et l'Inde stimulent
Les observateurs s’attendent aussi à ce que le plus récent train de mesures de relance en Chine freine sa décélération, et que la baisse plus prononcée que prévu du taux directeur en Inde cette semaine stimule cette économie tout en donnant l’exemple à d’autres banques centrales de cette région du monde.
Larry Hu, de Macquarie Research, s’attend notamment à ce que les mesures instaurées en Chine, - les cinq baisses de taux, la réduction de la mise de fonds pour l’achat d’une première maison, une diminution de moitié des taxes pour l’achat d’un petit véhicule – fassent passer la croissance économique chinoise de 6,8 à 7,2%, du troisième au quatrième trimestre.
Paradoxalement, le ralentissement américain peut aussi être perçu comme une «bonne nouvelle» car il freine déjà l’appréciation du dollar américain, qui fait tant de mal aux cours des premières premières et aux devises des pays émergents.
Le nouveau recul des taux américains de 10 ans et du dollar américain, ainsi qu’une Fed en suspens, donneront aux pays émergents l’espace dont ils ont besoin pour stimuler leur économie en abaissant leurs taux, sans trop craindre une rechute de leur monnaie et une nouvelle fuite des capitaux, explique Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.
«Il est primordial que les devises et les obligations des pays émergents se stabilisent pour que la Bourse rebondisse après avoir revisité son creux du mois d’aôut», écrit-il.
Autre source d’espoir pour les analystes techniques est l’approche de la meilleure saison de l’année pour la Bourse, qui coure de novembre à avril. En moyenne, le Dow Jones gagne 7,6% pendant cette période de l’année, depuis 1950.
Les bénéfices seront-ils au rendez-vous ?
Les bénéfices seront-ils au rendez-vous ?
L’évaluation plus modeste des actions américaines est aussi un facteur qui favorise un rebond potentiel, mais encore faut-il que les bénéfices soient au rendez-vous, note Vincent Delisle, stratège de Banque Scotia.
Le multiple d’évaluation du S&P 500 est passé de 17,1 fois les bénéfices prévus en février à 15,4 fois, au 30 septembre, mais les prévisions de bénéfices sont encore trop élevées par rapport aux signaux qu’envoient les indicateurs économiques, craint-il.
Un multiple cours-bénéfices peut en effet rapidement grimper si les bénéfices dans l’équation se mettent à décliner.
Pour l’instant, le portrait des bénéfices reste embrouillé. Les analystes prévoient un recul de 5%, au troisième trimestre, et de 0,5% au quatrième, rapporte Lindsey Bell, de S&P Capital IQ.
En revanche, 78% des 18 entreprises du S&P 500 ayant déjà donné un aperçu ont indiqué que leurs résultats surpasseront les prévisions, ajoute-t-elle.
Alcoa ouvre le bal des résultats américains le 8 octobre. Canadien Pacifique amorcera la saison canadienne, le 20 octobre.
Après le test des résultats du troisième trimestre et celui des perspectives fournies pour le quatrième, les yeux se tourneront rapidement vers les bénéfices de 2016.
Le consensus table encore sur un fort rebond des bénéfices en 2016 : soit une hausse de 5% au premier trimestre, de 6,8%, au deuxième, de 14,8% au troisième et de 14,1% au quatrième.