BLOGUE. Mardi, le Michigan est devenu le 24e État américain à implanter le « right-to-work ». Cette loi rend l’adhésion à un syndicat non obligatoire. Elle permet aussi à des employés travaillant pour une entreprise syndiquée de ne pas payer de cotisations tout en profitant des avantages que le syndicat tirera de la négociation collective.
Vous me direz que c’est une non-nouvelle, qu’il y a déjà 23 États où cette loi est appliquée. Et bien non ! Le Michigan a beau être le 24e États à joindre ce mouvement, son adhésion change tout. Au Michigan il y a Détroit. Et Détroit, c’est le berceau de l’industrie automobile et, par extension, un château-fort du mouvement syndical américain. La nouvelle est donc importante.
Le « right-to-work » est une mesure populaire dans les États du Sud. Elle vise à rendre un État plus attirant pour les entreprises locales et étrangères. Cela s’’inscrit dans le même esprit que les baisses de taxes ou les congés fiscaux.
On a tendance à conclure que cette mesure crée des emplois. C’est d’ailleurs ce qui explique le nom étrange que celle-ci porte. La réalité est plus complexe. Les États « right-to-work » sont d’emblée généreux et conciliants avec les entreprises. Il devient donc difficile d’isoler l’effet d’une mesure particulière, comme le « right-to-work ». C’est plutôt l’environnement d’affaires général qu ‘ont créé ces États qui agit comme un aimant sur les entreprises.
Derrière le « right-to-work » se profile l’enjeu américain par excellence : la liberté individuelle. Cette mesure préserve ce que les Américains ont de plus cher, leur liberté. Et, comme le résume l’avocat Richard D. Kahlenberg sur le site « The New Republic », les partisans de cette loi défendent les libertés individuelles alors que ses détracteurs prônent la solidarité. Évidemment, cela donne lieu à un dialogue de sourds.
Le Sud des États-Unis, c’est loin du Canada et du Québec. Mais, le Michigan… On pouvait donc lire dans les page du Globe & Mail un reportage intitulé: « Will right-to-work law puncture Ontario’s factories ? » ( La loi right-to-work videra-t-elle les usines ontariennes ?) Et, ce matin, lors de l’émission « Ça commence bien », mon collègue René Vézina a évoqué la possibilité que le vent du « right-to-work » souffle sur le Québec.
Droits individuels, solidarité collective… il s’agit d’un débat très idéologique. Et d’un clou de plus dans le cercueil du mouvement syndical déjà passablement affaibli. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Un syndicat qui défend tout le monde mais recueille son financement auprès d’une poignée n’aura pas les reins très solides. Moins d’argent pour effectuer des recherches, étayer ses propos, présenter un argumentaire solide. Bref, il deviendra un vis-à-vis plus faible.
Certains diront que les syndicats étaient trop forts, que cette force a permis d’arracher des concessions insoutenables.
Ce que je retiens de tout cela ? Même s’il faut garder la Chine et les autres pays émergents à l’œil, il serait temps de surveiller le comportement de notre voisin du Sud de plus près. On dirait bien qu’il se comporte de plus en plus comme un pays émergent. Peut-être que c’est ainsi qu’il se sent.
Hier, je vous parlais d’Arnaud Montebourg le ministre français du Redressement productif qui milite pour la réindustrialisation de la France et la démondialisation. Le « right-to-work » s’inscrit dans cet esprit. C’est une arme dans la guerre des emplois. Une arme à deux tranchants.
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