BLOGUE. On apprend aujourd’hui la départ de Tom Albanese, le pdg de Rio Tinto. Il écope pour une dépréciation de 3G$ des mines de charbon de Rio Tinto au Mozambique. Depuis l’acquisition d’Alcan par Rio Tinto par Alcan, la dépréciation totale des actifs atteindrait 20 G$.
Tom Albanese est loin d’être le seul pdg d’une société minière au « chômage ». Ils tombent tous les uns après les autres. En octobre dernier, Cynthia Carroll, pdg de la minière britannique Anglo American – le plus grand producteur de platine au monde- cédait sa place. BHP Biliton a très clairement annoncé qu’elle cherche un successeur à Marius Kloppers. Il en a pour moins d’un an, dit-on. Mick Davis, l’ex pdg de Xstrata cherche aussi du boulot.
Pourquoi les pdg du secteurs miniers quittent-ils les uns après les autres?
Je me suis entretenue cette semaine avec l’économiste zambienne Dambisa Moyo qui a étudié le secteur des ressources naturelles en profondeur. Elle est l’auteure du livre « Winner takes it all : China’s race for resources and what it means for the world ». Vous pourrez lire l’entrevue dans une prochaine édition de ma chronique dans Les Affaires. En attendant, voici quatre facteurs annonçant une fin de cycle dans ce secteur et qui expliquent la relève de la garde à laquelle nous assistons:
1-La Chine, principal consommateur de ressources naturelles depuis une décennie passe d’une économie de sous-traitance à une économie de consommation. Ses besoins évoluent, sa demande en ressources aussi.
2-Il faut se rendre de plus en plus loin, dans des zones de plus en plus instables, pour combler nos besoins en ressources naturelles. Ce qui augmente les coûts financiers mais aussi les risques. Cela exige un autre type de gestion et un autre type de gestionnaire. D’où une relève de la garde. La question : existe-t-il suffisamment de gestionnaires à l’aise et expérimentés avec la gestion en zones « fragiles » ? Et, par extension, des administrateurs capables de composer avec des enjeux d’une telle complexité ?3-On assiste à une montée du nationalisme associé aux ressources naturelles. Les États riches en ressources réclament une relation plus égalitaire. Ils veulent une part plus importante du gâteau et des retombées plus immédiates. Et ce, pour calmer le jeu auprès des citoyens et réduire les risques de conflits. Encore une fois, cela nous amène à une relève de la garde et à la quête de dirigeants capables de naviguer dans l’incertitude.
4-On a toujours traité les ressources naturelles de façon unilatérale, chaque État y allant de sa gestion autonome. Cela fonctionne de moins en moins. L’intégration entre les États est telle qu’une gestion multilatérale s’impose. Tout comme l’OMC encadre le commerce international dans son ensemble, Dambisa Moyo estime que les enjeux découlant de l’exploitation des ressources naturelles sont tels ( instabilité, conflits, hausse des prix, etc) qu’il est urgent de créer un organisme international se préoccupant uniquement de cette question. Il faut forcer les États à s’asseoir et discuter.
L’industrie des ressources naturelles n’est pas facile. Elle est cyclique. Sa matière première s’épuise. Elle exige d’énormes investissements en infrastructures. Mais surtout, elle doit composer avec une notion dont on entendra de plus en plus parler : « la fragilité ». On parle de plus en plus de « zones fragiles » . Un concept utilisé, entre autres, par la Banque Mondiale, pour décrire les régions qui peuvent basculer à tout moment. On tente de développer des mesures de cette instabilité pour aider ceux qui y vivent et ceux qui y font du commerce. Les minières sont certainement parmi les plus exposées aux aléas des zones fragiles. Mais, elles ne sont pas seules. Les entreprises veulent toutes étendre leurs marchés et elles repoussent sans cesse leur terrain de jeu. Les vicissitudes des minières devraient leur ouvrir les yeux.
ME SUIVRE SUR TWITTER : diane_berard