Un battement d'aile de papillon à Paris peut provoquer quelques semaines plus tard une tempête sur New York... Cette image qui décrit l'effet papillon tel qu'il a été mis en évidence par le météorologue Edward Lorenz pourrait désormais s'appliquer à l'ensemble des activités de notre planète, quelle qu'en soit la nature.
Alors que l'Écosse réclame très démocratiquement son indépendance, l'Ukraine perd de la sienne un peu plus chaque jour. Alors que le terrorisme islamique met tout en oeuvre pour gagner du terrain, on assiste à la formation d'une incroyable coalition internationale pour le combattre. Alors que, dans les laboratoires, la recherche scientifique fait des découvertes majeures, le virus Ebola prend des proportions devenues très préoccupantes pour tous. Alors que certains pays affichent des croissances considérées comme improbables il y a quelques années, d'autres sont plongés dans des crises économiques qui les paralysent depuis de nombreux mois.
Pendant ce temps, le Québec, au travers des informations que veulent bien développer bon nombre de médias, semble vouloir opter pour la politique de l'autruche. Voilà des mois et des mois qu'on ne cesse de commenter les débats de la commission Charbonneau. Incroyable téléréalité qui a bénéficié de milliers d'heures de diffusion, de commentaires, d'analyses et d'autant de pages écrites. Pendant ce temps, on s'indigne de primes mirobolantes touchées par certains médecins ou par le salaire de tel ou tel dirigeant sans même sourciller face aux sept ou huit millions de dollars versés chaque année à un joueur de hockey. Pendant ce temps, plutôt que de trouver des solutions aux vrais problèmes de notre société et de nos entreprises, on cherche des coupables, on montre du doigt et on incite à la délation. On fonctionne un peu comme si nos petites frontières étaient parfaitement hermétiques aux problèmes du monde et que nous étions miraculeusement à l'abri de ce qui s'y passe, y compris économiquement. Et pourtant !Nous allons devoir nous habituer à vivre la mondialisation, avec ses avantages et ses inconvénients. Le moindre événement, même s'il se passe à l'autre bout du monde, peut désormais avoir un impact sur notre vie, sur notre paix et sur ce petit confort sur lequel nous avons tendance à nous reposer les yeux fermés, sans même être conscients du bonheur que nous avons à vivre dans un pays libre et démocratique, même si non exempt de problèmes profonds.
Pour l'instant, je vous avoue que mes préoccupations ne sont pas de savoir si M. Accurso a fait, ou pas, un chèque à M. Duchesneau, ou si c'est une bonne solution d'avoir nommé quatre assistants plutôt qu'un capitaine pour le Canadien de Montréal, même si je reste attentive à l'actualité. J'aimerais plutôt que nos journalistes fassent un peu moins d'investigation et donnent un peu plus d'information. J'aimerais savoir quels sont les moyens mis en oeuvre au Québec s'il y avait un cas d'Ebola. J'aimerais aussi connaître les dispositions qui seraient déployées en cas d'attentat terroriste et être rassurée sur les actions réelles du gouvernement pour redynamiser les affaires et le marché de l'emploi sans attendre les conclusions d'interminables études qui, même si elles coûtent des millions, n'aboutissent pas toujours à des solutions concluantes. Transports en commun peu développés ou déficients, travaux interminables et congestions permanentes aux heures de pointe, futur pont à péage ou encore augmentation des frais de garderie incitent déjà des entreprises à déménager leurs activités en banlieue, et bon nombre de femmes remettent actuellement en question l'intérêt de travailler ou même d'entreprendre ! C'est très préoccupant, d'autant qu'elles sont devenues un moteur important de notre dynamisme économique. Si ces quelques inconvénients sont pour la plupart applicables à Montréal et à sa région, il n'en reste pas moins qu'il existe une multitude de préoccupations pour l'ensemble des travailleurs et entrepreneurs de la province, et que certains d'entre eux vivent actuellement de grandes incertitudes.Et si nous redorions notre blason ?
Le Québec bénéficie de richesses incroyables, d'entrepreneurs créatifs, d'entreprises innovantes et d'un savoir-faire mondialement reconnu dans bon nombre de domaines. Même les plus jeunes se tournent de plus en plus vers l'entrepreneuriat et, pour l'avoir moi-même constaté un peu partout dans la province, la relève s'annonce impressionnante.
Beaucoup ont compris qu'ils n'ont pas grand-chose à attendre des différents gouvernements, dont certaines mesures ne peuvent que freiner leur créativité, leur ambition et leur volonté de réussir. Désormais, la solidarité est de mise, et plutôt que de s'affronter dans les dédales d'une concurrence devenue stérile, ils préfèrent se regrouper au sein d'associations et de corporations dans le seul but de promouvoir leurs activités et de s'ouvrir à de nouveaux marchés. Même certaines municipalités, qui ont compris l'intérêt que représentent ces entreprises pour leur rayonnement, s'investissent de plus en plus pour contribuer à leurs réussites.
C'est de ces gens-là que j'aimerais entendre parler, de ces entreprises, de ces municipalités, de ces corporations. De tous ces entrepreneurs, dont les projets uniques et les réussites parfois spectaculaires restent d'une discrétion décevante dans un Québec qui préfère débusquer des «affaires», sortir des squelettes du placard et trouver des coupables. Plutôt que d'offrir au monde l'image d'une province corrompue, toujours en travaux et soumise à des lourdeurs administratives déplorables, peut-être pourrions-nous redorer notre blason grâce à la créativité, le savoir-faire et l'esprit novateur de nos entreprises qui ont compris depuis longtemps, par la force des choses, les conséquences d'une mondialisation devenue incontournable dans tous les domaines. Car l'effet papillon n'est pas que météorologique !
Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle est juge à l'émission Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.