«Tout a commencé par une réunion très inhabituelle avec le roi», évoque Usama Fayyad. Dans la foulée de l'acquisition de Maktoob, lui et une dizaine d'autres Jordaniens avaient été convoqués par le roi Abdallah II afin qu'ils lui soumettent un plan pour reproduire des succès comme celui de Maktoob. Cette réunion allait déboucher sur la création d'Oasis 500, dont Usama Fayyad est aujourd'hui le président exécutif.
L'initiative du roi, grand amateur de Star Trek, s'inscrivait dans la continuité de ses efforts pour moderniser l'économie de la Jordanie. L'un des premiers gestes qu'il a faits après être monté sur le trône, en 1999, a été de mettre en place REACH, une stratégie nationale visant à favoriser l'émergence de l'industrie jordanienne des TI par des initiatives en matière de formation, d'infrastructure et de réglementation.
Entre autres mesures, le monopole Jordan Telecommunications a été privatisé en 2000, de manière à favoriser la libre concurrence dans le secteur et à faire baisser les prix. Le pays a également procédé à une réforme de son système d'éducation en rendant obligatoires l'anglais et l'initiation à l'informatique dès le primaire. Les cours d'informatique ont également été priorisés dans les universités ; 31 des 33 universités du pays (pour une population inférieure à celle du Québec) offrent aujourd'hui des programmes d'informatique.
Depuis le lancement de l'initiative, le secteur des TI a connu une croissance moyenne annuelle de 25 %. Il représente 14 % du produit intérieur brut jordanien, par rapport à seulement 2 % en 2000. Son PIB était de 6 000 $ US par habitant en 2012.
Le comité informel créé par le roi allait se réunir plusieurs fois par la suite. «L'une des règles était qu'il n'y aurait aucune participation de près ou de loin du gouvernement», explique Usama Fayyad, selon qui le roi voulait ainsi accélérer le processus. Ses membres, du reste, étaient pour la plupart issus du secteur privé. M. Fayyad, pour sa part, venait de rentrer au pays après une fructueuse carrière aux États-Unis. Le docteur en informatique a travaillé à la NASA, chez Microsoft et chez Yahoo, où il a occupé le poste de vice-président des données de 2004 à 2008.
Le premier constat du comité informel a été qu'il y avait un manque de financement, mais il est vite apparu que la création d'un fonds serait loin de suffire. Si la Jordanie avait une abondance de bons ingénieurs, peu d'entre eux savaient par où commencer afin de mettre sur pied une start-up. Aussi a-t-il été convenu qu'il faudrait mettre sur pied un incubateur inspiré de Y Combinator, de Mountain View, en Californie.
Avec quelques ajustements, toutefois. Contrairement aux incubateurs occidentaux, où les candidats doivent généralement poser leur candidature par courriel, les entrepreneurs qui souhaitent se joindre à Oasis 500 doivent participer à ses bootcamps. «Cette étape serait inutile aux États-Unis, mais ici, nous devons expliquer les bases : comment faire une présentation aux investisseurs, comment présenter des états financiers, à quoi s'attend un investisseur en capital de risque, etc.», explique Usama Fayyad.
Une fois le processus de sélection terminé, les start-ups retenues reçoivent généralement un investissement de 30 000 $ US en échange de 20 % des actions. À titre de comparaison, l'incubateur montréalais FounderFuel offre 50 000 $ CA en échange d'une participation de 9 %.
«Au cours des discussions que nous avons eues avec le roi, j'ai insisté sur le fait qu'il fallait changer la culture du pays, car plus de la moitié de la population travaille pour le gouvernement. Le roi m'a demandé ce que cela signifiait. Je lui ai répondu qu'il fallait frapper l'imaginaire en finançant un grand nombre d'entreprises. Il m'a demandé combien. Je lui ai répondu 500 et il s'est exclamé : ''Ah, 500, c'est bien !"».
Oasis 500 avait dorénavant un nom et c'est grâce à un chèque de 100 000 $ US du Fonds du roi Abdallah II pour le développement que l'incubateur a pu démarrer ses activités. Les investisseurs privés ont pris le relais, si bien qu'Oasis 500 a aujourd'hui une capitalisation de sept millions de dollars américains.