Six provinces et territoires canadiens sur 13 sont gouvernés par des femmes. Plus de 50 % des diplômés universitaires sont des femmes. Et la proportion des femmes aux conseils d'administration des sociétés d'État est passée de 27,5 % à 52,4 % de 2006 à 2011, à la suite d'une réforme de la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État adoptée par le gouvernement Charest. Pourtant, dans le secteur privé, la situation stagne.
Selon les données du Conseil du statut de la femme, à peine 15,8 % des membres des conseils d'administration des 100 plus grandes entreprises québécoises sont des femmes. Autre donnée : 28 % de ces entreprises sont administrées exclusivement par des hommes.
Militant depuis plus de 25 ans pour l'entrepreneuriat féminin, Louise Champoux-Paillé dit cependant que, même si le plafond de verre n'a toujours pas cédé, d'énormes pas ont été franchis. La présidente du conseil d'administration du Cercle des administrateurs de sociétés certifiés pense que le fruit est mûr pour accentuer le mouvement, notamment en revoyant les critères des comités de sélection.
«Si on avait des critères tenant compte de l'expérience dans des champs spécifiques ou de haute direction, on pourrait inclure dans le réservoir de référence des femmes qui ont toutes les compétences et les connaissances voulues pour siéger aux conseils d'administration», soutient-elle, et non seulement celles qui ont été présidentes ou vice-présidentes dans une grande entreprise, ce qui est relativement rare.
Elle estime que l'idée d'imposer un quota de femmes est mal perçue, tant du côté des membres de CA que chez un bon nombre de femmes. «Un quota avec un horizon de 8 ou 10ans, qui s'inscrit dans le cadre du renouvellement naturel des CA, pourrait être intéressant», ajoute celle qui a siégé aux conseils de l'Université du Québec à Montréal, de Loto-Québec et du Forum canadien des autorités de réglementation du marché financier, entre autres.
Développer le leadership féminin
«Même si je ne suis pas une fervente, je dois avouer que ça marche», reconnaît quant à elle Nathalie Francisci, présidente de l'Institut des administrateurs de sociétés, section Québec.
«Mais plus que des quotas, ce que je voudrais voir, ce sont des entreprises qui développent le leadership féminin au sein de leurs organisations. Il faut mettre des femmes en position d'autorité, les rendre visibles dans des postes de leadership, ce qui aiderait à régler une partie du problème», croit Mme Francisci, également membre de l'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec.
Pour Ahmed Benbouzid, directeur, innovation sociale et diversité de la Conférence des élus de Montréal, cela nécessite un changement de mentalités. La pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et le remplacement d'administrateurs à la retraite rendront nécessaire l'ouverture de postes d'administrateurs. «C'est une question de valorisation des talents, dit-il. Il faut répondre aux arguments un à un lorsqu'on nous dit qu'on ne sait pas où chercher pour trouver des femmes qualifiées. Cela nous fait plaisir, quant à nous, de rappeler que nous avons un répertoire contenant plus de 250 portfolios de femmes d'expérience.»
Mais en ce qui concerne les quotas, il hésite, puisque la discrimination n'est pas qu'entre les hommes et les femmes au sein du milieu des affaires : «Les personnes immigrantes se heurtent, elles aussi, à des freins.»