Rémi Marcoux, Jean Coutu, Cora Tsouflidou... Avec le recul, on se dit que tous ces grands entrepreneurs avaient ça dans le sang. Qu'ils avaient le sens des affaires comme nul autre. Qu'ils étaient, en quelque sorte, hors du commun. Et donc, que rares seront ceux qui les égaleront, un jour.
Mais, cette vision colle-t-elle à la réalité ? Certains sont-ils prédestinés à être de grands entrepreneurs, et pas les autres ? Bref, l'entrepreneuriat est-il vraiment dans les gènes ?
La réponse est «non».
Un savant mélange
«Le sens des affaires n'est ni totalement inné, ni entièrement acquis, mais est un savant mélange des deux. En fait, ceux qui l'ont sont des personnes comme tout le monde, à cette différence près qu'elles ont développé certains talents qui les ont incitées à devenir entrepreneures», explique Pedro Nueno, professeur d'entrepreneuriat à l'école de commerce IESE (Barcelone, Espagne), dans son livre Emprendiendo hacia el 2020 (L'entrepreneuriat en 2020).
Quels talents, au juste ? M. Nueno l'explique dans un autre de ses ouvrages, Cartas a un joven emprendedor (Lettres à un jeune entrepreneur), dans lequel il prodigue quelques conseils pratiques pour qui entend exploiter le sens des affaires qui sommeille en lui. Par exemple, un bon entrepreneur sait reconnaître une occasion lorsqu'elle se présente, il sait chercher autour de lui les ressources dont il a besoin pour mener à bien un projet, il sait s'ajuster aux circonstances et sait encore quand renoncer à un projet qui n'en valait pas la peine.
Autant de compétences que l'on acquiert, ou pas, dès la tendre enfance. «Le sens des affaires se développe surtout chez ceux qui fonctionnent par essais et erreurs, c'est-à-dire chez ceux qui ne craignent pas de rater, se disant qu'ils feront mieux la prochaine fois», souligne le professeur de l'IESE.
Maintenant, certains peuvent avoir le profil de l'entrepreneur, mais ne jamais le devenir. Il est donc pertinent de se demander pourquoi des personnes font le saut dans l'aventure, et pas d'autres. C'est justement ce à quoi se sont attelés un autre professeur de l'IESE et un collègue de l'école de commerce Darden, de Charlottesville, aux États-Unis, soit respectivement Ramakrishna Velamuri et Sankaran Venkataraman.
Volonté de relever un défi
Les deux ont épluché différentes études pour déceler ce qui motivait quelqu'un à devenir entrepreneur. Ils ont découvert que ce n'était pas du tout l'espoir de devenir riche et célèbre, mais la volonté de relever un défi, combinée au désir d'être autonome dans sa vie professionnelle.
À cela s'ajoute la nécessité d'un élément déclencheur. Un événement extérieur est la plupart du temps ce qui va permettre d'oser bouleverser sa vie, comme un changement de fonction imposé au travail ou un licenciement. Mais attention à une chose, prévient M. Nueno : ne jamais se lancer à la suite d'une frustration professionnelle, car cela mène souvent droit à l'échec. Pourquoi ? Parce qu'on n'est pas alors vraiment prêt, la décision a été précipitée.
«Ceux qui ont le sens des affaires sont avant tout des rêveurs, mais des rêveurs qui ont tout de même les pieds sur terre», résume le professeur de l'IESE.