BLOGUE - Le débat sur le Régime des rentes du Québec risque de s’échauffer d’ici l’été. On se rappellera qu’en 2010, le ministre Flaherty, avec ses collègues du Québec et de la Saskatchewan, avait souligné les difficultés causées par la récession pour rejeter les demandes syndicales visant à augmenter les versements des rentes du Régime de pensions du Canada et de la Régie des rentes. Reconnaissant le besoin d’inciter les travailleurs à épargner plus pour leurs vieux jours, il avait plutôt proposé des régimes volontaires (au Québec, le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER)) incitant les travailleurs à mettre de l’argent de côté en vue de leur retraite. Malheureusement, les autres provinces n’ont pas suivi et ont donc effectivement bloqué cette avenue. De son côté, le fédéral veut aligner la démographie (à cause de l’augmentation de l’espérance de vie) avec le régime de pensions en repoussant l’âge d’admissibilité à la retraite à 67 ans mais seulement à compter de 2023 et même là, ce changement sera introduit graduellement sur une période de 6 ans.
Les syndicats n’ont pas lâché le morceau et la récente rencontre des ministres des finances sur l’avenir du Régime de pensions du Canada ne laisse rien présager de bon pour les employeurs et pour l’économie canadienne. Par exemple, la FTQ propose de faire passer la cotisation basée sur le salaire de 4,6% à 7,1% après sept années (une hausse de 54%). La centrale syndicale propose aussi d’augmenter le revenu sur lequel les cotisations sont calculées de 50 100 $ à 66 000 $. Ces mesures feraient doubler la rente annuelle à 17 760 $ pour un salarié gagnant 37 575$.
Évidemment, la FTQ oublie que l’argent ne pousse pas dans les arbres. Si on doublait les prestations, chaque employé et chaque employeur devrait verser 1 300 $ de plus par an en cotisations. Les propriétaires de petites entreprises et les travailleurs autonomes paieraient, eux aussi, un montant additionnel de 2 600 $ chacun! Ces augmentations de cotisations pourraient entraîner des pertes d’emploi et un ralentissement de la croissance économique.
Déjà, selon l'étude "Point de vue sur la compétitivité fiscale" publiée en 2007 par la Fédération canadienne des entreprises, le Québec se classe au dernier rang canadien au niveau des charges sociales. C’est au Québec qu’il en coûte le plus cher parmi toutes les provinces à ce chapitre. Le Québec prélève environ 34 % de plus de taxes sur la masse salariale que l’Ontario et 45% de plus que la moyenne canadienne. En 2008, 50 % des impôts sur la masse salariale prélevés par les provinces canadiennes ont été prélevés par le gouvernement du Québec, alors que le Québec ne compte que pour 20 % de l’économie canadienne.
Une taxe sur la masse salariale augmente le coût d’un salaire pour l’employeur et diminue le salaire net pour l’employé. En 2009, un salaire de 40 000 $ représentait dans les faits une dépense de 45 831 $ pour l’employeur alors que l’employé ne recevait que 37 457 $ avant impôt, soit 82 % de ce qu’il en coûtera à son employeur. Notons que l’employé constate l’impact des contributions qu’il verse sur son talon de paie, mais ne voit pas ce que verse l’employeur.
Les taxes sur la masse salariale et les contributions sont prélevées sur la rémunération du travail et constituent une taxe sur le capital humain. Les ponctions fiscales sur la masse salariale sont régressives dans leur nature car elles sont plus lourdes à porter pour les plus petites entreprises, relativement plus intensives en travail qu’en capital. Elles sont prélevées indépendamment de la performance des entreprises. En ce sens, elles sont fixes et ne respectent pas le principe fondamental de la capacité de payer. Elles renchérissent le coût du travail et exercent un arbitrage en défaveur de l’augmentation des salaires. Elles réduisent les incitatifs à l’embauche, accentuent les problèmes de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, elle-même responsable de pressions salariales à la hausse et elles diminuent ainsi le dynamisme du marché du travail. Les ponctions fiscales sur la masse salariale pénalisent les investissements en capital humain car elles haussent le coût du travail et les coûts des heures de formation. Les ponctions fiscales sur la masse salariale réduisent également les investissements en capital physique, puisque la modernisation des équipements et l’intégration des nouvelles technologies doivent être faites de manière concomitante avec l’évolution des compétences et des qualifications. Enfin, les ponctions fiscales sur la masse salariale réduisent globalement la capacité des entreprises à augmenter leur productivité.
Au lieu de tondre encore plus le contribuable pour résoudre le problème, on pourrait s’inspirer de ce qui s’est fait au Chili et dans une trentaine d’autres pays. Le Chili éprouvait des problèmes semblables aux nôtres il y a trois décennies. Ce pays entreprit alors une réforme misant sur les vertus de la responsabilité individuelle. Le ministre du Travail de l’époque, José Piñera (titulaire d’un doctorat en économie de l’Université Harvard, président-fondateur du International Center for Pension Reform), remplaça le système public de régime de retraite par un système de capitalisation et de comptes d’épargne-retraite individuels, où chaque travailleur dispose de son compte, géré par le secteur privé. Des gestionnaires privés de fonds communs de placement sont autorisés à gérer ces comptes d’épargne-retraite dans le cadre de règles strictes fixées par l’État. Le travailleur choisit librement ses fonds et ses administrateurs parmi ceux qui ont été approuvés, en fonction de sa tolérance au risque, de son âge, de sa sécurité financière, de sa famille, etc. Aujourd’hui, 95 % des travailleurs chiliens sont couverts par le nouveau système. Au cours des 26 premières années suivant son entrée en vigueur, le rendement annuel des épargnants, en tenant compte de l’inflation, s’est élevé à 10,3 %.
À la lumière des sociétés progressistes qui ont attaqué le problème sous un nouvel angle, on peut se demander si la meilleure façon de garantir l’avenir de l’épargne-retraite des jeunes Québécois d’aujourd’hui ne serait pas – tout en garantissant les prestations des retraités actuels comme l’a fait le Chili – de donner la liberté aux travailleurs toujours actifs de choisir d’investir pour leurs vieux jours dans leur propre compte d’épargne-retraite plutôt que de les forcer à dépendre de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
---
À propos de ce blogue. Adrien Pouliot, un avocat de formation, est un homme d’affaires qui a œuvré en communications d’abord à CFCF Inc. où il en est devenu le président puis comme propriétaire et président d’Entourage solutions technologiques. Il est actuellement président de Capital Draco Inc., un fonds d’investissement privé. M. Pouliot a siégé sur de nombreux conseils d’administration d’entreprises publiques et privées et d’organismes en santé et en éducation. Il a présidé le conseil de l’Institut économique de Montréal et de la Ligue des contribuables et il a été, en 2011, vice-président de la Commission politique de l’ADQ.