La limite de séjour de quatre ans : pourquoi faut-il y mettre fin ?

Publié le 13/05/2016 à 08:38

Changements climatiques, concurrence étrangère, pénurie de main-d’œuvre... Comme si ce n’était pas suffisant, les entreprises agricoles doivent composer avec un autre écueil : la limite de quatre ans imposée par le gouvernement fédéral au séjour des travailleurs étrangers temporaires (TET).

La pénurie de main-d’œuvre n’est un secret pour personne dans le secteur agricole. Les travailleurs canadiens ont déserté depuis longtemps les fermes, préférant des emplois moins « éreintants ». Une réalité qui, dès les années 1960, a forcé les agriculteurs à se tourner vers la main-d’œuvre étrangère.

Reconnaissant la gravité de la situation, le fédéral gère deux programmes gouvernementaux : le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS), réservé aux travailleurs du Mexique, de la Jamaïque et des Antilles, et le volet agricole du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), auquel tout travailleur étranger est admissible.

Or, depuis 2011, Citoyenneté et Immigration Canada limite à quatre ans la durée totale du séjour d’un travailleur étranger temporaire. Cette mesure ne s’applique qu’au PTET, puisque le PTAS ne peut être modifié qu’avec l’accord des pays membres.

On peut douter de la pertinence de cette limite dans un contexte où la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole primaire est explicitement reconnue par le gouvernement fédéral. Cette interrogation vient à point, ne serait-ce que parce que la réforme adoptée par le gouvernement fédéral, nommée « Les Canadiens d’abord », a même prévu de réduire la durée totale du séjour à deux ans.

Une rotation contre-productive de la main-d’œuvre

Comme dans tout autre secteur économique, un taux de roulement trop élevé de la main-d’œuvre nuit à la rentabilité. Il suffit de penser aux coûts de formation et au temps requis avant qu’un nouveau travailleur soit pleinement productif.

Pour le secteur agricole, cette perte de profitabilité peut carrément entraîner la fermeture de l’entreprise si on y ajoute des conditions climatiques défavorables et la pression exercée par la concurrence des entreprises étrangères.

Bien que le gouvernement considère les TET comme une main-d’œuvre non spécialisée, ils acquièrent année après année une plus grande connaissance de notre agriculture et nécessitent moins de supervision.

En 2013, le nombre de départs avant la fin du contrat pour des raisons autres que familiales était de 20 % plus élevé chez les TET en première année que chez les autres travailleurs étrangers. En outre, la nature saisonnière de leur emploi et le fait qu’ils n’ont de toute façon pas droit à la résidence permanente rendent cette limite de séjour inutile.

Une disparité créée entre les travailleurs saisonniers

Au Québec, les employeurs agricoles ont recours autant au PTAS qu’au PTET. En 2015, 52 % des emplois ont été occupés par des travailleurs mexicains, 45 %, par des travailleurs guatemaltèques, et 3 %, par des travailleurs originaires des Antilles, du Honduras et du Nicaragua, selon des données de la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’œuvre agricole Étrangère (FERME). Cette limite de séjour donne lieu à un traitement différent des TET, qui effectuent pourtant le même travail, très souvent dans une même exploitation agricole.

Certaines entreprises, notamment en serriculture et en production laitière, où la production est à l’année, n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers le PTET, puisque le PTAS limite le séjour à huit mois et contraint les travailleurs à partir au plus tard le 15 décembre.

De plus, de nombreux producteurs agricoles québécois ont massivement recours aux travailleurs du Guatemala, d’abord parce que la main-d’œuvre locale boude ces emplois, mais aussi parce que la petite taille de ces travailleurs les rend physiquement bien adaptés aux travaux des champs, particulièrement pour les cultures maraîchères du Québec.

Le remplacement d’un travailleur du Guatemala toutes les trois ou quatre saisons, c’est-à-dire lorsqu’il atteint la limite cumulative de quatre ans désormais imposée, constituerait une entrave majeure à la productivité et mettrait en péril la rentabilité des entreprises.

De plus, un travailleur temporaire qu’on ne rappelle pas pour le seul motif d’un changement de programme pourrait peut-être invoquer un congédiement sans cause juste et suffisante en vertu de la Loi sur les normes du travail.

Le gouvernement a reconnu depuis longtemps déjà le statut particulier de l’agriculture en raison de la pénurie chronique de travailleurs agricoles non spécialisés. Cette reconnaissance de la spécificité du secteur agricole devrait également se concrétiser en lui permettant de se soustraire à cette limite de quatre ans afin d’assurer un travail égal pour tous les travailleurs agricoles étrangers et la stabilité de la main-d’œuvre.

 

 

Références :

Rapport de recherche : http://www.cisainnovation.com/wp-content/uploads/2014/02/rapport_complet-TMT-2014.pdf

Statistiques de FERME : http://www.fermequebec.ca/programme-de-travailleurs-etrangers-temporaires/#bilan

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2015/04/21/002-reforme-federal-travailleurs-temporaires-chambres-commerce.shtml

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2015/05/15/002-travailleurs-etrangers-temporaire-reforme-federal-entreprises.shtml

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