Les cinq travaux du dirigeant d’aujourd’hui

Publié le 02/10/2017 à 14:51

Réal Jacob –M. Ps. (psychologie industrielle), C.E.A. (sciences du travail), professeur titulaire à HEC Montréal et au programme EMBA McGill-HEC Montréal . Il est directeur pédagogique et animateur de formations à l’École des dirigeants HEC Montréal.

Le monde est aujourd’hui VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu). Révolue, l’époque où le dirigeant pouvait adopter la posture du capitaine de croisière, menant son paquebot paisiblement sur les flots dociles d’une mer d’huile! Le dirigeant de 2017 est à la barre d’un catamaran, les vents et les courants sont puissants et la mer est changeante! Autres temps, autres mœurs, et autres manières de diriger…

Quels sont les défis qui se posent au dirigeant d’aujourd’hui? Vers où ce dernier doit-il porter ses énergies? Voilà des questions d’actualité que nous avons posées à Réal Jacob, professeur et directeur du programme «Penser, contribuer et agir comme un dirigeant», offert à l’École des dirigeants, de HEC Montréal. En sa qualité de coauteur du livre Paroles de PDG: comment 75 grands patrons du Québec vivent leur métier, Réal Jacob a pu sonder le cœur et l’âme de nombre de dirigeants d’entreprises. Le professeur Jacob livre ici ses réflexions sur les préoccupations de ces derniers et mentionne cinq défis d’importance qu’ils auront à surmonter dans un futur... qui est déjà présent!

Gagner en pensée stratégique

«C’est probablement l’un des plus grands défis pour les dirigeants. Lorsqu’on les interroge, ils se disent souvent dépassés par la cadence du monde des affaires et par la rapidité des changements, surtout technologiques. Pensez seulement aux mégadonnées ou à l’intelligence artificielle, et aux changements que ces avancées ouvrent comme nouvelles occasions d’affaires et comme nouveaux modèles de gestion. Gagner en pensée stratégique, cela signifie entre autres élargir son horizon d’analyse, devancer les tendances lourdes, s’ouvrir aux apprentissages tirés d’autres secteurs de l’économie et connecter son entreprise sur les producteurs de signaux faibles que sont, par exemple, les centres de recherche. On dit souvent que la stratégie est la seule responsabilité que le PDG ne peut pas déléguer. De ce point de vue, gagner en pensée stratégique, c’est aussi, pour le dirigeant, apprendre à voir son environnement d’affaires avec de multiples paires de lunettes!»

Innover au sein de son modèle d’affaires

«Les entreprises et les organisations ont un modèle d’affaires établi, qu’ils tentent de conjuguer avec les tendances actuelles. Nombre de dirigeants cherchent à répondre à cette simple question: “Comment mieux répondre aux besoins de nos clients en proposant des produits ou des services à plus forte valeur?”, et c’est très bien. Mais il existe d’autres voies! Par exemple, les dirigeants peuvent aussi identifier les principaux atouts de leur modèle d’affaires et chercher à voir de quelle manière ils peuvent être déployés dans d’autres domaines d’activités qui n’ont a priori rien de commun avec ce qu’ils font à l’heure actuelle. C’est un principe qu’Ubisoft Montréal a appliqué à merveille. Le studio s’est associé avec l’Université McGill afin de créer Dig Rush, un jeu vidéo thérapeutique employé dans le traitement de l’amblyopie, un trouble oculaire. Il fallait y penser!»

S’ouvrir à l’innovation ouverte et collaborative

«On a encore tendance à considérer l’innovation comme un processus fermé, presque secret. Mais le paradigme de l’innovation collaborative est bien réel aujourd’hui, et c’est une avenue prometteuse! Prenez Frank And Oak, par exemple. L’entreprise s’est construite sur le principe de la communauté en ouvrant des espaces collaboratifs réels et virtuels où les clients, les designers et les sympathisants de Frank And Oak contribuent à définir ce que sera leur prochaine génération de produits. L’innovation sort donc des murs de l’organisation! Ubisoft, une fois de plus, a montré qu’elle est à l’avant-garde avec la création d’InnoBahn, une série d’événements où des start-up s’attaquent à un problème apporté par une grande entreprise. Idem pour le CHU Ste-Justine qui développe de nouvelles pratiques en humanisation des soins avec la Société des arts technologiques de Montréal. Il faut favoriser la création d’espaces innovants au-delà des frontières naturelles de l’organisation.»

Veiller à l’alignement stratégique

«Découvrir de nouvelles potentialités au sein de son modèle d’affaires, s’ouvrir à l’innovation… Ce sont là de beaux projets, mais ils doivent absolument être en phase avec la capacité réelle de l’organisation. Est-ce que l’équipe de gestion a les compétences pour mettre en place et soutenir un modèle d’affaires basé, par exemple, sur l’agilité et l’innovation? Est-ce que les rôles et les responsabilités des acteurs-clés ont été redéfinis en ce sens? Est-ce que l’entreprise possède les bons outils de gestion et d’accompagnement pour épauler les gestionnaires et leurs employés? Est-ce que notre culture organisationnelle peut “accueillir” ce nouvel état d’esprit? Bref, est-ce que notre organisation est alignée pour soutenir la transformation de notre modèle d’affaires? Il faut y réfléchir sérieusement!»

Déployer le leadership en T

«Partons d’un constat brutal: les équipes de direction sont souvent celles qui fonctionnent le moins en équipe! Si on veut transformer son organisation, il est impératif que tous les membres de la direction soient sur la même longueur d’onde. Dans la pratique, les dirigeants ont souvent tendance à prêcher pour leur paroisse et à favoriser la fonction dont ils ont la responsabilité. C’est un réflexe normal. En ce sens, leur orientation demeure très verticale. Mais si on veut aller dans le sens du changement qu’on évoque, on doit absolument développer l’“horizontalité” de sa fonction et être plus transversal. Il y a donc tout un exercice d’introspection à faire, dans le but de s’interroger sur le fonctionnement de son équipe dirigeante. Notre équipe de direction est-elle une vraie équipe? Lorsque l’on parle de l’intérêt supérieur commun de l’organisation, avons-nous la même vision de la chose?

En somme, c’est la capacité à changer de l’équipe dirigeante, tout comme celle de l’organisation, que l’on doit cultiver!»

Réal Jacob et Louis Roquet sont directeurs pédagogiques de la formation ci-dessous. Ils sont accompagnés de professeurs chevronnés et de 9 dirigeants renommés :

Autres formations animées par Réal Jacob à l’École des dirigeants HEC Montréal :

 

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