Innover sans dévoiler ses secrets


Édition du 27 Octobre 2018

Innover sans dévoiler ses secrets


Édition du 27 Octobre 2018

Ubisoft a créé La Forge, un laboratoire dirigé par Yves Jacquier, où 20 employés et 20 universitaires collaborent dans le but de créer des prototypes basés sur les résultats de recherche universitaire.

Le milieu des affaires peut donner énormément de valeur aux résultats de la recherche. Toutefois, établir une fructueuse collaboration université-entreprise comporte son lot de défis. Voici comment les relever.

Les chercheurs détiennent le savoir. Les entreprises, elles, ont le besoin. Une belle occasion de collaborer, donc. Le hic ? Les chercheurs doivent publier leurs travaux alors que les entreprises désirent garder secrètes leurs façons de faire. Comment construire une collaboration université-entreprise de telle sorte à favoriser l'innovation sans révéler tous ses secrets d'affaires ?

Ubisoft connaît la réponse. Il y a deux ans, elle créait La Forge, un laboratoire où travaillent 20 employés et 20 universitaires dans le but de créer des prototypes basés sur les résultats de recherche universitaire.

Autrement dit, il s'agit d'un espace de R-D qui permet à l'entreprise de profiter de l'expertise des chercheurs pour tester la valeur d'innovations technologiques. Les sujets de recherche sont variés. Ils vont du rendu à l'animation en passant par l'intelligence artificielle, l'audio et la physique.

Quel genre d'innovation ce laboratoire a-t-il permis à ce jour ?

Par exemple, Wahab Hamou-Lhadj, professeur à l'Université Concordia, et Mathieu Nayrolles, architecte technique chez Ubisoft, se sont penchés sur l'historique des erreurs et les solutions associées, trouvées dans les programmes et les codes des jeux de l'entreprise. Ils ont ensuite développé un module d'intelligence artificielle qui signale aux programmeurs d'Ubisoft la probabilité que leur code contienne un bogue, leur épargnant ainsi jusqu'à 20 % de leur temps.

Derek Nowrouzezahrai, un professeur au Département de génie électrique et informatique de l'Université McGill, travaille actuellement sur un projet visant à trouver une façon de reproduire plus fidèlement les mouvements de tissu à l'écran, comme ceux d'une cape que le vent fait glisser sur un personnage.

Certains modèles mathématiques permettent déjà d'y arriver, explique M. Nowrouzezahrai, sauf qu'ils sont si complexes qu'ils prennent 10 secondes pour un ordinateur à résoudre. «Il faudrait le faire en une milliseconde. Comment faire ? Nous avons utilisé des techniques d'apprentissage machine pour trouver une façon plus efficace d'obtenir un résultat similaire», précise-t-il.

Un modèle gagnant-gagnant

Qu'y gagnent Ubisoft et ses collaborateurs universitaires ? Ubisoft y découvre des solutions innovatrices à ses problèmes alors que les universitaires, eux, ont accès à une infrastructure, à des simulateurs et à des données auxquels ils pourraient difficilement avoir accès autrement.

«La quantité et la complexité des données dont dispose Ubisoft sont incomparables à ce qui nous est normalement accessible en tant qu'universitaires», dit M. Nowrouzezahrai.

Maintenant, comment faire en sorte que la collaboration demeure bien gagnant-gagnant et que les innovations développées à La Forge ne se retrouvent pas immédiatement chez une entreprise concurrente ?

Ubisoft a établi un cadre en fonction duquel les chercheurs vont travailler dans ses bureaux et ont accès à tout ce qui peut faciliter leurs recherches : employés, jeux, infrastructure, technologie. En revanche, l'entreprise leur demande l'exclusivité dans le domaine du jeu vidéo, c'est-à-dire qu'elle conclut avec eux une entente selon laquelle il leur est interdit de réutiliser ailleurs dans l'industrie les résultats obtenus et les prototypes mis au point dans le cadre de la collaboration.

«S'ils veulent lancer leur start-up pour exploiter l'idée dans le domaine de l'imagerie médicale, par contre, ça nous va, c'est même fantastique», dit Yves Jacquier, le directeur exécutif de La Forge.

Théorie et sauce secrète

La Forge permet à ses collaborateurs universitaires de publier leurs résultats. Cela ne pose-t-il pas un problème à Ubisoft ? N'est-ce pas là mettre au jour ses secrets ? «Publier de la recherche, c'est long. Il faut écrire l'article, le soumettre, attendre une décision, le réviser et finalement, attendre la parution. Tout ça prend des mois. Quand l'article paraît, ça fait donc déjà longtemps que nous travaillons sur des versions améliorées de ces technologies», répond M. Jacquier. L'entreprise préserve donc ainsi son avantage concurrentiel.

Un concurrent peut certes implanter l'idée ensuite s'il lit l'article, s'il le comprend et s'il trouve les ressources pour l'implanter.

«Mais ça fait beaucoup de "si"«, dit M. Jacquier. C'est sans compter qu'il existe toujours un fossé entre la théorie et la pratique, une différence entre connaître un résultat théorique et s'en servir dans une application pratique.

«C'est pour ça qu'on demande l'exclusivité à nos collaborateurs universitaires, explique M. Jacquier. Passer de la théorie à la pratique requiert une sauce secrète que seul le chercheur connaît.»

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