Ces professionnels qui révolutionnent leur métier grâce aux nouvelles technologies


Édition du 13 Octobre 2018

Ces professionnels qui révolutionnent leur métier grâce aux nouvelles technologies


Édition du 13 Octobre 2018

Kathy ­Baig, présidente de l’Ordre des ­ingénieurs du ­Québec

Si l'ensemble des professions, y compris celles des secteurs réglementés, est touché par la numérisation croissante des milieux de travail, force est de constater que certaines ont pris le virage plus rapidement que d'autres. Parmi les précurseurs, on trouve notamment le Barreau, les notaires et les CPA, mais aussi les secteurs de la construction ou de la santé, où les nouvelles technologies se sont peu à peu imposées au quotidien, et qui vont parfois jusqu'à se regrouper pour traiter ces enjeux de manière commune.

Si les professions réglementées doivent, par leur statut particulier, respecter un certain nombre d'exigences et de règles en vue de garantir la protection du public, cela ne rend pas pour autant l'innovation impossible. Bien au contraire : «Certaines professions ont d'ailleurs commencé», dit Josée Beaudoin, responsable du développement des projets d'innovation du CEFRIO.

Alors que plusieurs études suggèrent que l'avènement de l'intelligence artificielle (IA) pourrait menacer jusqu'à 40 % des emplois actuels au cours des 10 à 20 prochaines années, certaines professions en ont profité pour se questionner sur leurs pratiques et s'appuyer justement sur la technologie.

Au Collège des médecins du Québec, le PDG, Charles Bernard, rappelle les avancées réalisées par le Dossier santé Québec (DSQ), qui regroupe les rapports d'imagerie et de laboratoire, ainsi que par le Carnet santé Québec, tout juste lancé. «La médecine est l'une des professions qui a le plus changé avec l'essor des TIC, que ce soit sur le plan des investigations, des dossiers médicaux ou de la télémédecine. Nous avons également soumis une modification réglementaire afin que l'ensemble des médecins s'informatise dans les cinq ans à venir. Mais ce projet est encore en attente d'acceptation.»

Le virage vers le numérique est aussi devenu l'une des priorités stratégiques de l'Ordre des CPA du Québec, qui a vu certaines de ses tâches remplacées, comme la tenue de livres, au profit de données plus larges permises par l'arrivée de nouveaux logiciels qui facilitent ses procédures d'audit. Pour accompagner les professionnels dans cette transition, l'Ordre a publié un livre blanc expliquant les changements attendus, et développé un guide qui référence les meilleures pratiques en matière de cybersécurité, de stockage des données, etc.

Vers une dématérialisation de la justice

C'est également dans cette voie que se sont engagés le Barreau, la Chambre des notaires et l'Ordre des CPA, en s'associant pour proposer, dès cet automne, une offre commune comprenant un portail d'information nuagique ainsi que des adresses courriel sécurisées à leurs membres, en vue d'assurer la protection des données personnelles.

«Nous voulions pallier le fait que certains professionnels travaillaient avec une adresse courriel Gmail ou Hotmail où la sécurité n'est pas parfaite, avec un hébergement des données se trouvant souvent hors Québec. Nous nous sommes donc assurés de proposer des offres qui respectent les plus hautes normes de sécurité», résume Paul-Matthieu Grondin, le bâtonnier du Québec.

Le Barreau n'en est pas à son coup d'essai puisqu'il a déjà fait entériner une première série de modifications à son règlement visant, par exemple, à autoriser l'utilisation de la signature numérique. La dématérialisation de la profession devrait encore s'accélérer, avec l'enveloppe de 500 millions de dollars annoncée en avril dernier par le gouvernement québécois afin de numériser l'ensemble des documents des palais de justice d'ici cinq ans. «Les avocats n'auront ainsi plus à se déplacer à la cour pour déposer une requête», rappelle le bâtonnier.

Du côté des notaires, des évolutions ont aussi vu le jour depuis la tragédie de Lac-Mégantic en 2016, qui a entraîné la perte de plus de 100 000 documents notariés. «Cet événement nous a encouragés à passer à une solution de stockage plus sécuritaire que le papier», explique François Bibeau, président de la Chambre des notaires du Québec, qui rappelle que la Chambre avait déjà adopté la signature numérique et lancé l'informatisation des registres fonciers dans toute la province. Désormais, elle se bat pour que la valeur légale d'un document numérique soit reconnue au même titre que sa version papier. «Nous avons fait la démarche pour que la copie électronique devienne une preuve de loi d'ici un à deux ans, mais nous sommes tributaires des instances gouvernementales pour son adoption.»

Le secteur de la construction emboîte le pas

À l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), la présidente Kathy Baig annonce que la façon de faire du génie a complètement changé au cours de la dernière génération. «Nos champs de spécialisation sont devenus très diversifiés et sont accompagnés de nombreux outils technologiques, et nécessitent de travailler de manière pluridisciplinaire.»

De plus, ses membres sont désormais encouragés à faire la transition du papier vers le numérique, en intégrant de nouveaux outils tels que la signature numérique ainsi qu'une gestion des documents informatisée.

«Les ingénieurs n'effectuent plus leurs calculs à la main, mais doivent comprendre comment le logiciel les réalise et en interpréter les résultats, dit-elle. Ils peuvent ainsi se concentrer sur d'autres volets, comme l'analyse des impacts environnementaux d'un projet.»

Pour encourager ses membres à franchir le pas, l'OIQ a développé un guide de pratiques qui passe au crible les règles liées au numérique, et propose aussi une formation en ligne sur la conservation des documents numériques. «Le plus gros défi n'est pas d'avoir accès aux outils, mais de former les gens à en avoir une meilleure compréhension», rappelle la présidente de l'OIQ.

Du côté des architectes, le passage vers le numérique est déjà bien entamé.

«Les architectes utilisent des salles de conférence virtuelles comme Skype, partagent des documents dans le nuage et utilisent parfois même des caméras sur les chantiers. Sans parler de la révolution qu'engendre le BIM (Building Information Modeling), en permettant de travailler sur des maquettes numériques et collaboratives, hébergées dans le nuage», note Sébastien-Paul Desparois, directeur de la pratique professionnelle de l'Ordre des architectes du Québec.

Toutefois, si les outils utilisés par les architectes évoluent, «les responsabilités de ces derniers ainsi que les attentes des clients demeurent les mêmes. Nous avons juste infiniment plus d'outils qu'avant», résume-t-il.

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