Pourquoi ArcelorMittal doit accroître sa production

Offert par Les Affaires


Édition du 23 Avril 2016

Pourquoi ArcelorMittal doit accroître sa production

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Édition du 23 Avril 2016

L’usine de bouletage d’ArcelorMittal à Port-Cartier. [Photo : Valérian Mazataud]

Report du projet Mine Arnaud, abandon du projet de FerroAtlántica à Port-Cartier, fermeture temporaire et mises à pied à Rio Tinto Fer et Titane... Décidément, les bonnes nouvelles se font attendre sur la Côte-Nord, une région frappée de plein fouet par la faiblesse du cours des matières premières et le retrait des investissements miniers. Dans ce contexte extrêmement incertain, il devient crucial qu'ArcelorMittal, principal pilier de la région, tienne le coup.

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À la mi-mars, les dernières données démographiques de l'Institut de la statistique ont confirmé ce que plusieurs craignaient : 1 340 personnes ont quitté la Côte-Nord en 2015, soit plus de 1 % de la population. Une tendance qui risque de s'aggraver si les entreprises de la région ne réembauchent pas rapidement le millier de travailleurs mis à pied depuis 2013.

Malheureusement, les bonnes nouvelles des derniers mois ne sont pas de nature à améliorer la situation à court terme. Ainsi, Champion Iron a racheté en décembre la mine de lac Bloom pour 10,5 millions de dollars, mais n'a pas l'intention de la rouvrir de sitôt. «L'entreprise propose dans l'offre d'achat de garder la mine fermée pendant deux ans», dit Nochane Rousseau, leader, secteur minier, de PwC Canada.

«Elle s'est acheté une option, pour deux ans, sur un revirement du prix du fer.» Rien pour retenir les 450 employés mis à pied en décembre 2014 et qui attendent toujours un rappel.

Quant à l'acquisition par Québec, en février, des installations de Pointe-Noire, la reprise des activités n'a toujours pas été annoncée. Le gouvernement investira 66,75 M$ dans une société en commandite afin d'acheter les équipements ainsi que les droits liés aux opérations ferroviaires, d'entreposage, de bouletage et de transbordement dans le secteur de Pointe-Noire. Environ 130 employés attendent impatiemment un signal de la nouvelle entité. «Notre inquiétude, c'est que si les travailleurs ne sont pas rappelés rapidement, ils quitteront la région à la fin des classes en juin», dit Nicolas Lapierre, coordonnateur du Syndicat des Métallos sur la Côte-Nord.

Avec l'abolition de 70 postes à Rio Tinto Fer et Titane, de Havre-Saint-Pierre, et le report sine die du projet Mine Arnaud, les choses paraissent bien ternes pour 2016. «On ne voit même plus de lueur d'espoir», dit M. Lapierre. Par contre, il semble qu'ArcelorMittal, le principal employeur de la région avec plus de 2 000 travailleurs, tienne résolument le coup.

Dans le cercle vicieux des surplus

Au moment où le marché mondial du fer nage toujours dans d'importants surplus, les mines de fer n'ont paradoxalement pas d'autre choix que d'accroître leur production si elles veulent survivre à la faiblesse des prix.

ArcelorMittal n'échappe pas à cette réalité et prévoit de nouveaux investissements pour augmenter sa production dès 2017. Après une expansion majeure et un sévère programme de réduction de coût, la minière a réussi à abaisser son coût unitaire sous la barre des 30 $ la tonne en 2015 et vise maintenant «passablement plus bas que 30 $», dit Pierre Lapointe, président et chef de direction.

Le projet d'expansion, annoncé au complexe de Mont-Wright en 2011, en même temps que le Plan Nord, avait progressivement fait passer la production de concentré de 16 à 24 millions de tonnes (Mt), mais celle-ci a continué d'augmenter depuis. «L'année dernière, on a terminé à 26 Mt, et cette année, on vise 27 Mt», mentionne M. Lapointe.

La diminution de 40 % de ses coûts de production a mis ArcelorMittal à l'abri de la chute de 65 % qu'a connue le prix du fer depuis février 2013 et qui a emporté la mine de lac Bloom. Après avoir dégringolé sous les 40 $ la tonne en décembre dernier, le cours du concentré a remonté la pente en 2016 jusqu'à repasser le cap des 50 $. ArcelorMittal maintient malgré tout sa prévision de prix pour les prochaines années à 40 ou 45 $ la tonne.

Le processus a en revanche entraîné l'abolition de 600 postes depuis 2013, tant chez les employés que chez les cadres. En février, la société a demandé à ses travailleurs syndiqués de renoncer à la dernière augmentation de salaire prévue à leur convention collective. La demande a été rejetée presque à l'unanimité.

Une concurrence féroce

Si ArcelorMittal souhaite poursuivre son expansion, des investissements majeurs seront toutefois nécessaires pour accroître la production à la mine de Fire Lake et poursuivre le développement au complexe Mont-Wright, près de Fermont. «Le projet de Fire Lake nous permettrait soit d'augmenter la production totale de concentré, soit de bénéficier d'un matériel de meilleure qualité [que celui de Mont-Wright] afin de réduire nos coûts», dit M. Lapointe.

Dans l'environnement actuel, l'accès au capital demeure limité. «Les deux projets totalisent un investissement de 200 M$», dit M. Lapointe. «Et pour maintenir nos opérations dans les prochaines années, il faudra lever encore 150 M$ afin de se conformer aux normes environnementales.» Des analyses sont en cours pour étudier différentes sources de financement.

La faiblesse combinée des coûts des carburants et du dollar canadien représente une bouffée d'air frais pour les sociétés minières, mais reste nettement insuffisante pour compenser la chute du prix du fer. «Dans notre budget cette année, c'est une réduction de 80 M$, dit M. Lapointe. Toutefois, il faut mettre ça en perspective : pour assurer nos opérations, on dépense de 750 à 850 M$, en excluant les investissements pour les projets d'expansion, de même que le maintien de nos actifs, qui coûte 200 M$ par année.»

Par ailleurs, si la qualité du concentré d'ArcelorMittal - riche à 66 % plutôt que 62 % - en a fait un produit de niche sur le marché mondial, la concurrence pourrait rapidement devenir plus féroce. «À moyen terme, de nouveaux gisements entreront en exploitation. Ils produiront exactement le même concentré, avec les mêmes spécifications, mais à 60 % de notre coût», explique M. Lapointe.

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