Le transfert d'entreprise pour protéger les sièges sociaux

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Avril 2017

Le transfert d'entreprise pour protéger les sièges sociaux

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Édition du 22 Avril 2017

Normand Chouinard, premier ­vice-président aux investissements du ­Fonds de solidarité FTQ

Le départ à le retraite d'un entrepreneur peut rendre son entreprise vulnérable à un rachat par des actionnaires étrangers. Le transfert d'entreprise joue donc un rôle crucial pour éviter de trop diluer la propriété québécoise.

«Vu le vieillissement des entrepreneurs, il est essentiel de nous donner les moyens d'assurer un transfert harmonieux des entreprises québécoises à la prochaine génération d'entrepreneurs d'ici pour maintenir les sièges sociaux au Québec», prévient Stéphane Forget, PDG de la Fédération des chambres du commerce du Québec (FCCQ).

En l'absence d'un plan de relève structuré, beaucoup de PME sont mal préparées au départ à la retraite de l'entrepreneur. Or, si celui-ci n'a pas organisé la transition, le marché le fera pour lui. Certaines entreprises fermeront, et d'autres seront vendues à des étrangers.

«Que des entreprises soient rachetées par des étrangers n'est pas nécessairement une mauvaise chose pour le Québec, dans la mesure où les nouveaux propriétaires ont à coeur de continuer de les développer et de les faire croître ici, nuance Stéphane Forget. Toutefois, il y a toujours le risque de perdre l'entreprise à court, à moyen ou à long terme. Cela peut avoir des effets dévastateurs, en particulier en région, où la perte d'une PME affecte fortement le marché de l'emploi et la dynamique économique.»

Ottawa suivra-t-il Québec ?

Largement favorable à l'ouverture des marchés, le gouvernement québécois n'est tout de même pas complètement insensible au maintien de centres décisionnels sur son territoire. En février dernier, il dévoilait un plan stratégique visant notamment à aider les PME à se développer afin de devenir de grandes entreprises à leur tour. Parmi les trois axes mis de l'avant par le gouvernement, on compte une volonté de modifier la fiscalité, afin de favoriser le transfert d'entreprise et d'encourager les dirigeants à rester au Québec.

Selon Éric Dufour, vice-président régional et leader national en transfert d'entreprise chez Raymond Chabot Grant Thornton, ces changements seront d'autant plus intéressants si le gouvernement fédéral emboîte le pas. «L'entrepreneur québécois va essayer d'attendre que le fédéral agisse comme le provincial avant de conclure sa transaction et de concrétiser son gain en capital, croit-il. Toutefois, pendant ce temps, certaines de ces entreprises seront courtisées par des repreneurs étrangers, et la propriété québécoise risque de se diluer encore davantage.»

Celui qui préside la table entrepreneuriale de la FCCQ espère que la nouvelle politique de l'entrepreneuriat, qui devrait être dévoilée en mai prochain par Dominique Anglade, fera une place respectable au repreneuriat, notamment pour accompagner les cédants.

«Il faut un grand chantier au Québec pour écouter les entrepreneurs et les aider à préparer des plans de relève solides, juge Éric Dufour. C'est comme ça que les occasions se créeront, et cela aidera à conserver nos entreprises.»

Le transfert aux employés

Pour le Fonds de solidarité FTQ, assurer la présence de sièges sociaux au Québec est une priorité stratégique. Normand Chouinard, premier vice-président aux investissements du Fonds, rappelle que l'on voit assez régulièrement des cas comme celui de la chaîne de restauration St-Hubert, vendue à l'ontarienne Cara en mars 2016 alors que la fille du propriétaire avait naguère été identifiée comme sa successeure.

Non pas que la reprise par des actionnaires étrangers soit toujours une catastrophe. Le Fonds de solidarité était d'ailleurs devenu actionnaire de Van Houtte lors de son acquisition par le fonds Littlejohn & Co, du Connecticut. Les nouveaux actionnaires ont activement développé l'entreprise et créé plusieurs emplois au Québec avant de la revendre en 2010 à Green Mountain Coffee Roasters.

«Cependant, nuance M. Chouinard, tous les cas sont différents, et la vente à des étrangers représente généralement une perte d'influence et de pouvoir décisionnel pour l'entreprise, ainsi qu'une perte de revenu indirecte pour le Québec.»

Afin de prévenir cela, le Fonds s'intéresse notamment au transfert d'une entreprise vers ses propres cadres dirigeants. C'est un changement pour le Fonds, qui misait davantage sur les transferts familiaux au début des années 2000. «Nous pouvons jouer un rôle important dans ce type de transfert, car les jeunes membres de la direction n'ont pas toujours les moyens financiers de racheter l'entreprise», explique Normand Chouinard.

Le Fonds oeuvre donc davantage du côté des repreneurs, qu'il finance lorsqu'ils adhèrent au plan de développement de l'entreprise et surtout lorsqu'ils ont la capacité de le mener à bien. L'organisation est très active en région. «Ces dernières années, nos fonds régionaux ont financé plus de 50 dossiers de transfert d'entreprise d'une valeur de moins de trois millions de dollars», précise M. Chouinard.

Se mettre à jour

Pour éviter les échecs des transferts d'entreprise, notamment familiaux, et conserver nos sièges sociaux, il faudra aussi nous mettre à la page et faire évoluer nos interventions auprès des cédants et des repreneurs, affirme Denise Paré-Julien, directrice du Centre des familles en affaires Deschênes-Molson-Lesage de HEC Montréal. Les entreprises familiales sont nombreuses au Québec et certaines sont très grandes. On peut penser à Aldo, Bombardier, Vêtement Peerless, Saputo, Pharmascience, etc.

Or, les transitions ne s'y passent plus comme avant. «Les chefs d'entreprise veulent bien identifier la relève, mais ils ne se perçoivent pas nécessairement comme des cédants, explique Denise Paré-Julien. Ils travaillent de plus en plus longtemps, de sorte que les entreprises, plutôt que de passer rapidement d'une génération à la suivante, restent longtemps multigénérationnelles. Les entrepreneurs veulent conserver un rôle et des parts dans l'entreprise, alors que les plus jeunes veulent vite avoir des responsabilités et une part de la propriété. Si l'on veut contribuer à des transferts harmonieux, il faut comprendre comment cela se vit et quels sont les modèles émergents.»

Par exemple, poursuit-elle, les recherches montrent qu'environ 40 % des chefs d'entreprises familiales envisagent de transférer le pouvoir à une équipe de codirection plutôt qu'à un seul repreneur. Elle cite l'exemple de Bio-K, coprésidée par Isabèle et François-Pierre Chevalier, dont le père Claude Chevalier, le fondateur, reste le président du conseil.

Le transfert peut aussi passer par une période de transition, au cours de laquelle un gestionnaire prend la direction le temps que la génération suivante soit prête. Aldo, par exemple, avait embauché Patrik Frisk pour la diriger pendant quelques années et préparer l'arrivée à sa tête de David Bensadoun, fils du fondateur. Le passage du flambeau a eu lieu en avril 2017.

Bref, s'il est nécessaire d'intervenir et d'accompagner les entrepreneurs dans les processus de transfert d'entreprise pour augmenter les chances de conserver des propriétés québécoises, il faut le faire avec des approches innovantes correspondant aux nouvelles réalités vécues dans ces milieux.

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