Bois d'oeuvre : une crise sur fond de croissance


Édition du 12 Mai 2018

Bois d'oeuvre : une crise sur fond de croissance


Édition du 12 Mai 2018

Par Pierre Théroux

La reprise économique au sud de la frontière a alimenté la demande pour le bois d’œuvre canadien, qui profite ainsi d’une importante hausse des prix. [Photo : Produits forestiers Résolu]

Les producteurs d'ici ont continué d'exporter avantageusement sur le marché américain en dépit du conflit du bois d'oeuvre. Depuis janvier, toutefois, les États-Unis ont décidé d'imposer des droits compensateurs et antidumping à 10 usines de papier non couché au Québec. Une mesure qui menace directement la santé financière de papetières et de scieries dans la province.

C'est devenu l'un des différends commerciaux les plus durables entre le Canada et les États-Unis. Les deux pays s'affrontent en effet pour la cinquième fois depuis les 35 dernières années sur l'épineuse question du bois d'oeuvre. La dernière dispute, entre 2002 et 2006, avait entraîné la perte de milliers d'emplois au pays et coûté environ 1 milliard de dollars à l'industrie canadienne du bois.

Les droits compensateurs et antidumping de 20 % en moyenne imposés depuis l'an dernier sur le bois canadien utilisé dans la construction de la charpente de maison ou encore dans la fabrication de produits destinés à la construction ou à la rénovation résidentielle sont un autre coup dur pour les scieries du pays. Le marché américain représente près de 75 % des exportations canadiennes de bois d'oeuvre. Celles-ci ont totalisé 7,5 G $ en 2016.

D'ici la fin de 2018, le géant Produits forestiers Résolu aura versé près de 130 M $ en droits compensateurs (14,70 %) et antidumping (3,20 %) sur le bois d'oeuvre. « La facture est salée. Ce sont des sommes considérables qui quittent les coffres de l'entreprise. Ça fragilise grandement notre capacité d'investir pour innover et développer de nouveaux produits », commente Karl Blackburn, directeur principal, Affaires publiques et relations gouvernementales chez Résolu, qui exporte son bois d'oeuvre principalement aux États-Unis. En ajoutant les autres droits compensateurs et antidumping imposés récemment par les États-Unis sur le papier journal et autres papiers non couchés, ainsi que sur le papier surcalandré depuis 2015, dont Résolu est aussi un grand producteur, l'entreprise aura versé près de 240 M $ d'ici la fin de l'année.

« Les taxes grugent nos bénéfices », constate également Denis Bérubé, PDG de Bois d'oeuvre Cedrico. L'une des plus importantes scieries de l'est du Québec, qui exploite deux usines, à Price et à Causapscal, en Gaspésie, Cedrico exporte entre 50 % et 60 % de sa production de bois d'oeuvre.

Forte demande américaine

Malgré l'imposition de ses tarifs, l'industrie du bois d'oeuvre continue d'exporter alors qu'elle profite d'une conjoncture économique favorable. Le Québec a expédié 2,91 milliards de pieds-planche aux États-Unis en 2017, en hausse d'environ 1,4 %, selon des données compilées par le Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ).

« On a la chance de profiter de bonnes conditions économiques. Les constructeurs américains ont besoin de bois. Sinon, la taxe de 20 % ferait encore beaucoup plus mal », souligne M. Bérubé, en précisant que l'entreprise familiale, fondée en 1977, ne compte pas ralentir sa cadence de production. L'entreprise Produits forestiers Résolu, qui profite également de la forte demande pour le bois d'oeuvre, ne prévoit pas non plus freiner sa production.

Le dernier conflit, qui avait débuté en 2001 et s'était réglé en 2006, a immédiatement été suivi de la crise financière et économique de 2008 qui a duré jusqu'en 2012 et continué à affaiblir l'industrie forestière. Cedrico, qui a déjà employé plus de 700 personnes, en compte aujourd'hui 250.

Cependant, la reprise économique au sud de la frontière, ces dernières années, a alimenté la demande pour le bois d'oeuvre canadien, qui profite ainsi d'une importante hausse des prix. L'année en cours ne devrait pas faire exception. Les mises en chantier aux États-Unis devraient passer de 1,2 million d'unités en 2016 à 1,7 million en 2018, prévoit le Conference Board du Canada. Cette croissance est aussi attribuable aux efforts de reconstruction engendrés par les ouragans et autres catastrophes naturelles qui ont frappé certaines régions des États-Unis en 2017.

Les incendies de forêt qui ont touché l'an dernier la Colombie-Britannique, le principal exportateur de bois d'oeuvre canadien, ont raréfié la quantité de bois offert sur le marché nord-américain et aussi contribué à des hausses de tarifs. Résolu et Cedrico s'inquiètent toutefois d'une éventuelle diminution de la demande et des prix. « Le conflit risque de s'éterniser encore plusieurs années, comme lors de la dernière crise. Il n'est pas dit que les bonnes conditions économiques vont durer pendant tout ce temps », indique M. Blackburn.

La situation serait d'autant problématique que les producteurs québécois exportent la majorité de leur bois d'oeuvre aux États-Unis et peinent à diversifier leurs marchés. « Les producteurs de la Colombie-Britannique ont réussi à développer le marché asiatique, en particulier la Chine, grâce à leur proximité. Pour les producteurs d'ici, cependant, ce n'est pas rentable de vouloir exporter dans d'autres marchés comme l'Asie ou l'Europe », estime M. Blackburn.

Autre constat : ces dernières années, les principaux producteurs de l'Ouest canadien ont fait l'acquisition d'une quarantaine de scieries en sol américain, dont la capacité de production totale équivaut à celle du Québec. Ces acquisitions leur ont aussi permis de diversifier leur production.

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