Faire de l'huile un carburant, c'est tout bénéfice pour la Chine

Publié le 27/10/2017 à 05:00, mis à jour le 23/12/2017 à 13:19

Faire de l'huile un carburant, c'est tout bénéfice pour la Chine

Publié le 27/10/2017 à 05:00, mis à jour le 23/12/2017 à 13:19

ÉCONOMIE CIRCULAIRE - Prenant d’énormes risques sanitaires, des restaurateurs, en Chine, préparent des plats avec de l’huile de cuisson illégalement recyclée. MotionECO propose un moyen propre et sûr de régler ce problème d’huile usagée.

Par Ma Yifei, Yicai Global

Connue pour ses raviolis frits, boulettes, pâtés impériaux et autres classiques de sa gastronomie, la Chine est le premier pays consommateur d’huile de cuisine. Et donc le premier à devoir s’en débarrasser une fois utilisée : cela se compte en millions de tonnes chaque année. Bien que ce soit illégal, des entrepreneurs peu scrupuleux filtrent l’huile de friture récupérée dans les restaurants, égouts et autres collecteurs de graisse, puis l’écoulent auprès de vendeurs de rue ou de petites gargotes, qui la réutilisent. Appelée huile de caniveau ou huile de gouttière, elle ne répond évidemment pas aux critères standards de l’huile de cuisine, contenant notamment des éléments cancérigènes ou pouvant causer de graves maladies. Mais elle détient un avantage incontestable : elle coûte moins cher que la bonne huile.

Shutong Liu a fondé MotionECO pour combattre ce problème en proposant une meilleure utilisation de l’huile de friture recyclée. L’aventure remonte à 2011, lorsqu’il est encore étudiant aux Pays-Bas. Cette année-là, KLM Royal Dutch Airlines inaugure entre Amsterdam et Paris un vol utilisant du bio-kérosène produit par SkyNRG, le spécialiste du biocarburant pour avions. Impressionné, Shutong Liu part travailler chez SkyNRG, tout en terminant sa thèse de master sur « le potentiel du biocarburant et des déchets en Chine ».

« Quand j’ai pris conscience de ce qui se faisait en Europe, il existait déjà une manière sophistiquée de faire du biocarburant à partir d’huile de cuisine usagée dans une optique de transports publics durables. Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander pourquoi nous ne ferions de même chose en Chine », se souvient Shutong Liu.

Les avantages sont évidents : le carburant produit à partir des déchets peut aider à réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre tout en limitant radicalement la pollution de l’air par les particules, le dioxyde de soufre et autres polluants qui s’échappent des avions. Souvent, les biocarburants sont plus attractifs que d’autres formes d’énergie propre, car peu voire aucun investissement n’est nécessaire pour mettre à jour les moteurs. Le processus, gagnant-gagnant, fournit également une manière plus sûre et fiable de se débarrasser de l’huile de cuisson usagée.

Persuadé qu’un marché existe en Chine, Shutong Liu fonde MotionECO à son retour au pays, en mars 2015. L’année suivante, l’entreprise est finaliste pour la Chine au concours international The Chivas Venture, qui chaque année distingue des entrepreneurs sociaux faisant de leur activité une force au service du bien.

Shutong Liu a découvert que l’un de ses plus grands défis sera de rendre efficace la collecte des huiles alimentaires usagées. Aucun système n’est encore en place. Quelqu’un peut vendre un jour à un vrai recycleur d’huiles, et avoir affaire à un trafiquant d’huiles de caniveau le lendemain. Afin d’attirer des fournisseurs fiables et loyaux, MotionECO a établi un processus public, transparent et traçable de la production aux ventes. Cela plaît aux chaînes de restaurants, qui ne veulent pas risquer leur réputation en vendant leurs huiles usagées à des gens sans scrupules. C’est également un plus pour certaines grandes entreprises, qui prennent en compte dans leurs chartes la confiance du consommateur et les questions environnementales, en plus des considérations de rentabilité.

Le prix est un autre obstacle de taille. L’huile de caniveau se vend plus cher que le biocarburant ; les vendeurs illégaux peuvent donc débourser davantage que les recycleurs honnêtes pour s’approvisionner. Que l’huile de caniveau soit hors la loi importe peu aux revendeurs, surtout lorsqu’il s’agit de PME aux marges minuscules. « Notre équipe et nos partenaires doivent s’armer de patience », reconnaît Shutong Liu. Cela évoluera, car « La sécurité alimentaire est essentielle pour tous ».

Le climat général s’améliore maintenant que le gouvernement chinois sévit contre les revendeurs d’huile de caniveau. Il a mis en place un système de traçabilité alimentaire et incite les restaurants à vérifier de plus près ce que deviennent leurs huiles usagées. De son côté, MotionECO a établi une « ligue de l’huile sûre » qui vérifie et certifie ses membres, espérant accroître ses sources d’approvisionnement et instaurer de bonnes relations avec les restaurants.

MotionECO obtient aujourd’hui la plupart de ses huiles alimentaires usagées dans la région de Chongqing, dans le Sichuan, à l’ouest de la Chine, et à l’embouchure de deux grands fleuves, le Yangzi Jiang (Fleuve bleu) et le Zhu Jiang (Rivière des Perles). Shutong Liu a visité des sites de collecte d’huile parmi les plus crasseux qui soit en Chine afin de comprendre leur fonctionnement. Il prétend pouvoir reconnaître la provenance d’une huile alimentaire rien qu’à sa couleur : rouge comme le ragout épicé des alentours de Chongqing, sombre comme la sauce de soja dont raffolent les habitants de l’embouchure du Yangzi Jiang, plaisante-t-il.

Les avantages d’une économie du recyclage étant de plus en plus reconnus dans le pays, Shutong Liu a commencé de collaborer avec des gouvernements locaux. Ainsi, un accord de partenariat va débuter fin 2017 entre MotionECO et la ville de Nankin. Lors de la première phase du projet, appelé Green Oilfield, les bus municipaux et les cars touristiques fonctionneront au biocarburant produit localement à partir des huiles de cuisine usagées.

MotionECO compte aujourd’hui cinq collaborateurs et semble bien parti pour réaliser un chiffre d’affaires de 3 millions CNY (€ 381 000) cette année. Shutong Liu dit ne pas avoir de calendrier de développement pour son entreprise. Sa patience n’a d’égale que sa détermination, ancrée dans l’importance qu’il accorde à cette croisade. Comme il l’a récemment expliqué lors d’un TED talk, il « continuera de promouvoir le développement du biocarburant en Chine en recyclant l’huile de caniveau, faisant ainsi d’un grand problème de société une solution à un autre problème ».

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