Tourisme : la chaleur d’aujourd’hui apportera la crise de demain

Publié le 18/11/2015 à 00:01

Tourisme : la chaleur d’aujourd’hui apportera la crise de demain

Publié le 18/11/2015 à 00:01

L’Espagne craint de perdre sa part du marché mondial du tourisme et de voir réduire son nombre d’estivants, qui s’orienteront vers d’autres destinations ayant des climats plus agréables. Sur la photo, la plage de Teguisse, aux îles Canaries.

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Par Teresa Ruiz-Tapiador, Cinco Dias (Espagne)

TOURISME DURABLE – Les statistiques climatologiques ne laissent aucun doute : l’été de 2015 a été le plus chaud depuis 40 ans. En réalité, toutes les températures depuis qu’il existe des registres en Espagne ont été dépassées, et le tourisme semble être le seul bénéficiaire des vagues de chaleur répétées qui ont touché le pays. Du moins, pour le moment.

Le climat extrême est accompagné de saisons estivales beaucoup plus longues, d’estivants dès avril sur les plages espagnoles, de baignades agréables dans des eaux bien plus chaudes que leur température habituelle, d’hôtels bondés... Il vaut mieux ne pas penser au reste. Aux pluies dévastatrices de l’automne, aux espèces marines menacées ou à un avenir noir qui nous concerne tous. Mais « profiter des changements climatiques dans un esprit de court terme est une grave erreur », selon Greenpeace.

C’est là une question qui, en outre, coûte à l’Espagne, d’après ce même organisme, plus de 100 millions d’euros (142 M$ CA) par an, destinés à la réparation des ports, des promenades maritimes et des jetées après les tempêtes.

« Le secteur touristique est le plus touché et le plus vulnérable aux effets des changements climatiques », souligne Elvira Carles, directrice de la fondation Empresa y Clima.

Agri tout de suite

Elvira Carles a coordonné il y a deux ans l’une des études les plus importantes, avec celle de l’Université de Barcelone, qui aient été menées sur le réchauffement mondial.

« En Espagne il y a trois processus principaux qui risquent de survenir comme conséquences des changements climatiques : une augmentation des extrêmes atmosphériques (pluies torrentielles et sécheresses) ; une réduction des précipitations et des volumes d’eau disponibles ; et la perte du confort dans le sud et l’est de la péninsule, due aux températures estivales élevées », détaille Elvira Carles.

Devant ce panorama, les prévisions augurent une situation difficile pour le tourisme espagnol, alors que ce secteur représente 10 % du PIB, mais aussi mondial. C’est là une situation qui, si rien ne vient y remédier, entraînera une perte de richesse et de compétitivité.

« L’Espagne perdra sa part du marché mondial et verra réduire son nombre d’estivants, qui s’orienteront vers d’autres destinations ayant des climats plus agréables », explique la directrice.

En raison de quoi, « il est de toute nécessité de prendre des mesures tout de suite », estime Mme Carles. Elle pense qu’« il faut changer le modèle énergétique du transport et consacrer beaucoup plus de travail à l’aménagement du territoire ». Il faut également offrir des activités à longueur d’année, « et non pas seulement en été ». La fondation Empresa y Clima lance une invitation, entre autres, à changer les sports d’hiver « en tourisme de montagne toute l’année », en gardant toujours en tête le principe selon lequel « mieux vaut prévenir que guérir ».

Mais le rapport entre changements climatiques et développement touristique est symbiotique. La protection de l’environnement est fondamentale à une époque caractérisée par l’expansion du tourisme de masses. Et les organisations non gouvernementales, les gouvernements et le secteur lui-même y travaillent.

Complexes touristiques à la limite de la légalité environnementale

María José Caballero est directrice de campagne de Greenpeace Espagne. L’organisation consacre une grande partie de ses efforts à promouvoir un tourisme durable et elle assure qu’ « on a beaucoup avancé sur le plan national et l’engagement des entreprises est optimal ». De grandes chaînes hôtelières comme NH et Melià affichent déjà que la totalité de leur électricité provient de sources durables.

Cependant, il reste encore beaucoup à faire à l’échelle de la planète. « De grandes entreprises construisent hors de nos frontières des complexes touristiques qui sont dans de nombreux cas à la limite de la légalité environnementale », assure Mme Caballero.

C’est le cas de Cabo Cortés, un site mexicain de la péninsule de Basse Californie (côte Pacifique), où la société espagnole Hansa Urbana a projeté de construire un complexe touristique de plus de 3 800 hectares. « Il se situe dans une aire limitrophe avec le Parc national de Cabo Pulmo, et ne respectait ni la diversité biologique ni l’économie locale », explique la directrice.

L’effet conjugué de la mobilisation citoyenne et du manque d’argent qui résultait de la crise financière, ont empêché la poursuite de ce méga projet qui visait une étendue semblable à celle de toute la ville touristique de Cancún, au Mexique.

« Nous croyons que le tourisme de masse n’est pas incompatible avec le respect de l’environnement, mais il est essentiel que ce tourisme se plie à une série de règles », déclare la porte-parole de Greenpeace. Elle invite aussi le voyageur à être « responsable et choisir ses destinations de façon appropriée.

Certaines directives de Greenpeace incitent à « voyager vers des destinations touristiques qui respectent les lois environnementales, soutiennent l’économie locale et s’impliquent dans la protection de la flore et de la faune », explique Mme Caballero.

Par ailleurs, elle invite à s’interroger sur les complexes hôteliers qui offrent des formules tout inclus, car « très rarement, il y a des bénéfices locaux pour les habitants des régions où ces hôtels se trouvent ».

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