Trois jeunes fonceuses en Abitibi

Publié le 11/06/2015 à 08:00

Trois jeunes fonceuses en Abitibi

Publié le 11/06/2015 à 08:00

Elles sont trois jeunes Abitibiennes dans le vent. Elles ne dépareilleraient pas dans un bureau du centre-ville de Montréal. Leur site internet est des plus modernes. Mais ce n’est pas en ville qu’elles ont décidé de se lancer en affaires. Elles ont plutôt choisi de rester dans leur région même si le manque de main-d’œuvre qualifiée pourrait être un frein au développement de leur agence de conseil en gestion, vente/marketing et service à la clientèle, Horizon Stratégie humaine.

Sur le même thème, lisez notre dossier "Ces régions qui attirent les jeunes"

Trois jeunes femmes aux longs cheveux noirs, ongles manucurés apparaissent sur le site internet d’Horizon Stratégie Humaine. La page Facebook de l’agence, qui compte six (bientôt sept) employés dont les trois associées, invite les clients à un petit jeu : les huit premières personnes qui se rendaient au cabinet le 20 avril dernier gagnaient des places pour assister à une conférence de Danièle Henkel.

Rien ne laisse croire qu’il s’agit d’une entreprise d’Amos et que ses trois associées – Mélanie Grenier, 35 ans, fondatrice de l’entreprise, Anahée Carreau, 24 ans, et Véronique Carignan, 34 ans- n’ont jamais quitté leur région même pour leurs études, qu’elles ont toutes faites sur place. «On se doit d’offrir le même design, la même modernité ici que dans les grands centres sinon ce serait facile pour les sociétés des villes de venir s’établir ici », affirme Anahée Carreau.

Enracinées

La ville, ce n’est pas pour elles. Ou plutôt si, mais seulement pour les vacances ou les week-ends. Lancer une entreprise ailleurs qu’en Abitibi, ce n’était même pas concevable pour ces filles originaires de la région et attachées à leur territoire. Mélanie, qui a de la famille à Québec, a quand même bien hésité quelque peu. « Je sais que ce genre d’entreprises fonctionnent très bien dans les grands centres. Mais, d’une part, j’étais déjà connue et reconnue dans mon domaine d’activité ici ; d’autre part, je connais les villes et j’aime beaucoup mieux la qualité de vie que l’on a en Abitibi», explique la mère de famille.

Pouvoir élever leurs enfants «dans la sécurité, dans un environnement où les gens se connaissent, se soutiennent, où les rapports humains sont chaleureux », note Anahée, est important pour les jeunes femmes. Quant à leur entreprise, elles ont choisi un créneau de niche –le coaching de gestion et la formation vente et service clientèle ainsi que des diagnostics marketing et des activités de team building pour les concessionnaires automobiles et récréatifs- et leur concurrence vient des cabinets des centres urbains. Elles couvrent toute l’Abitibi-Témiscamingue, soit un territoire de près de 20 000 km2, de 175 000 habitants qui leur offre un potentiel de 500 entreprises-clientes. Un défi dans les déplacements mais «quand on fait une heure de voiture, on roule durant tout ce temps, on n’est pas pris dans le trafic», souligne Anahée Carreau.

Avantage de la proximité

En étant sur place, leurs avantages concurrentiels sont nombreux. «Les grandes firmes urbaines se déplacent et leurs tarifs sont donc supérieurs aux nôtres et nous, nous sommes présentes et prêtes à intervenir en permanence, ça nous donne une longueur d’avance», reconnaît Mélanie. «Comme on connaît bien les réalités des entreprises d’ici, notre service est plus adapté. Par exemple, on peut donner des statistiques sur nos clients d’ici, fixer des objectifs liés à notre expérience locale », ajoute Anahée. Autre atout de taille sur lequel les trois associées bâtissent leur stratégie : la préférence de l’achat local.

Le succès est au rendez-vous. L’entreprise, créée en 2011 et à laquelle se sont jointes Véronique et Anahée en 2013, a vu son chiffre d’affaires augmenter de 55 % depuis deux ans et le bénéfice net de 75 %. Elle sert 75 clients.

Mais entreprendre en région comporte également des enjeux différents parfois de ceux des villes. Horizon Stratégie Humaine, en pleine phase de croissance, est confronté au manque de ressources humaines qualifiées dans son domaine. «On offrait un service de remplacement de directeurs commerciaux à nos clients en cas d’arrêt maladie ou de vacances. Mais nous avons dû arrêter alors qu’on avait 60 clients potentiels et des demandes pour 72 semaines de remplacement : on ne trouvait pas suffisamment de ressources qualifiées de haut standard pour former une équipe volante», regrette Mélanie. La rareté entraînait aussi des demandes salariales élevées.

Partenariat pour élargir la gamme de services

Pour faire croître leur entreprise, les partenaires en affaires ont, par conséquent, analysé plusieurs voies. Même celle d’accepter des contrats dans les grands centres urbains puisqu’elles reçoivent aujourd’hui des demandes. «On a essayé mais on travaillait la plupart du temps par Skype ou téléphone et comme notre marque de fabrique, c’est la proximité, ça ne nous convenait pas», résume Mélanie, qui, en tant que mère de famille et comme ses associées, ne souhaitait pas non plus avoir trop de déplacements à faire.

Elles ont donc trouvé une autre voie de développement : elles sont en pourparlers avec des entreprises de Montréal et de Québec spécialisées dans la comptabilité et le service après-vente pour nouer des partenariats afin d’offrir des services complémentaires à leur gamme actuelle. «Pour les services dont nous n’avons pas les compétences, les professionnels de Montréal viendraient, au début du processus, faire le diagnostic et établir la stratégie et nous, en restant sur place, on s’occuperait du suivi et de l’accompagnement», explique Mélanie. Les trois associées souhaitent également augmenter leurs parts de marché dans leur créneau traditionnel –les concessionnaires- et pénétrer d’autres secteurs d’activité comme le commerce de détail. «Beaucoup de commerces ont joui de leur monopole pendant des années mais aujourd’hui, avec la possibilité de commander certains produits en ligne, ils sont obligés d’évoluer. Il y a donc des perspectives intéressantes de ce côté-là », estime Mélanie.

Les jeunes femmes sont optimistes pour l’avenir. Leur objectif de croissance d’ici trois ans est d’augmenter leur chiffre d’affaires de près de 70 %, d’acquérir une centaine de clients supplémentaires, ce qui nécessitera certainement l’embauche de deux personnes spécialisées dans le diagnostic interne, le fer de lance de l’agence.

Lisez notre dossier: Ces régions qui attirent les jeunes

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