«Pour favoriser un virage entrepreneurial, il faut soutenir ceux qui ont des idées» - Yves Lacroix, président de FAB 3R

Offert par Les Affaires


Édition du 04 Juin 2016

«Pour favoriser un virage entrepreneurial, il faut soutenir ceux qui ont des idées» - Yves Lacroix, président de FAB 3R

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Édition du 04 Juin 2016

Yves Lacroix (à gauche) et Martin Magny ont investi 8 millions de dollars pour acquérir le fonds de commerce et les équipements de GLV Fabrication (rebaptisée FAB 3R), en compagnie de leur associée Chantal Rochette. [Photo : Olivier Croteau]

Quand l'entreprise de Trois-Rivières où il travaillait depuis 20 ans a été menacée de fermeture en 2013, Yves Lacroix s'est retroussé les manches. Il a convaincu deux de ses collègues, Chantal Rochette et Martin Magny, de se joindre à lui pour l'acheter.

«Il y avait 150 emplois en jeu, dit le pdg de FAB 3R. La région avait déjà subi plusieurs pertes d'emploi ces dernières années avec la fermeture de la centrale nucléaire et de grandes entreprises comme Aleris et Norsk Hydro. Nous ne pouvions pas laisser faire ça.»

FAB 3R, auparavant GLV Fabrication, se spécialise dans la restauration, la fabrication et le montage mécanique d'équipements lourds et de pièces de grandes dimensions pour les pâtes et papiers et diverses autres industries, dont les mines, l'hydroélectricité et le transport. Son origine date de 1908 avec la création d'une division mécanique par Canada Iron Foundry. Au moment de son rachat par Yves Lacroix et ses associés, elle faisait partie de GLV depuis 1989.

«L'usine ne cadrait plus avec la stratégie de GLV, indique Yves Lacroix. Et il y avait peu d'acquéreurs potentiels pour une entreprise manufacturière dont les produits, comme des pompes et des arbres de turbine, pèsent entre 80 et 100 tonnes.»

Les trois collègues, tous originaires de Trois-Rivières, ont investi 8 millions de dollars pour acquérir le fonds de commerce et les équipements. Somme amassée grâce à une mise de fonds personnelle de chacun, une marge de crédit de Desjardins, une garantie de prêt d'Investissement Québec et un prêt sans intérêt du Fonds de diversification économique du Centre-du-Québec et de la Mauricie. «Nous sommes allés rencontrer les gens du ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation, et nous avons plaidé pour sauvegarder 150 emplois au lieu d'attendre d'en créer le même nombre», explique M. Lacroix.

Les dirigeants de GLV, pour leur part, ont accepté d'échelonner les paiements, sensibles au fait que la multinationale a pris naissance à Trois-Rivières. De leur côté, les employés ont signé une entente de paix industrielle jusqu'en 2020.

Vision d'avenir

Depuis le rachat de FAB 3R, il y a deux ans et demi, le volume d'affaires a augmenté de 15 %. «Notre priorité a été de consolider notre base de clients en leur démontrant que nous étions solides et capables de fournir la même qualité qu'avant», dit son pdg.

Les nouveaux propriétaires ont aussi investi 400 000 $ dans l'implantation d'un progiciel de gestion intégré. «L'ancien datait des années 1980 et fonctionnait sous respirateur artificiel, décrit M. Lacroix. Le remplacer était une nécessité pour améliorer la productivité et diminuer les frais d'exploitation. Il ne permettait même pas de suivre l'efficacité de nos processus !»

Cela fait, l'entreprise s'attaque maintenant à la deuxième phase de sa stratégie : développer de nouveaux marchés. Elle prévoit élargir sa gamme d'équipements et de pièces fabriqués sur plans et devis pour les manufacturiers d'origine. De plus, elle envisage de concevoir ses propres produits, une nouvelle avenue de croissance qui pourrait lui ouvrir les portes de l'international.

Front commun pour la région

Si Yves Lacroix a levé la main pour sauver FAB 3R, il met aussi l'épaule à la roue pour assurer l'avenir économique de sa région. «C'est un hyperactif des causes régionales», lance Mario De Tilly, directeur général d'Innovation et développement économique (IDÉ) Trois-Rivières. La preuve : il est à la fois mentor d'un jeune entrepreneur, deuxième vice-président de l'association Manufacturiers Mauricie Centre-du-Québec, administrateur d'IDÉ Trois-Rivières et membre du comité d'implantation d'un créneau d'excellence Accord, consacré à la conception et à la fabrication de machines. «Ce créneau mettra de la vitamine dans le terreau d'un secteur critique pour notre région», juge-t-il.

L'entrepreneur de 52 ans est aussi l'un des collaborateurs de la première heure de GROUPÉ (Partenariat économique Mauricie + Rive-Sud), qui réunit des gens d'affaires désireux de prendre en main le développement économique de la région. L'idée de ce regroupement s'inspire de la relance de Cleveland aux États-Unis et émane de Frédéric Laurin, professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières et chercheur à l'Institut de recherche sur les PME. «Les régions qui ont du succès misent sur le réseautage et l'entraide entre entreprises, souligne celui-ci. À Drummondville par exemple, les entreprises se soutiennent. Cette attitude était moins présente ici, car l'économie était surtout fondée sur la grande entreprise. Mais elle devient cruciale maintenant que les PME prennent de plus en plus le relais.»

Yves Lacroix a été l'un des premiers à adhérer à cette vision, aux côtés de Jean-Luc Bellemare, du Groupe Bellemare, de Luc Vermette, de Johnston-Vermette, et d'autres. «Il ne compte pas son temps, et son dynamisme a eu un effet d'entraînement», dit M. Laurin.

«Mon orgueil régional a été piqué au vif par les chiffres présentés par Frédéric Laurin, confie le principal intéressé qui préside le comité de gestion du GROUPÉ. Qu'en matière de performance économique, la Mauricie se retrouve au dernier rang de toutes les régions du Québec, c'est désolant et il faut changer ça.»

Créé il y a un an, le GROUPÉ rassemble une centaine d'entreprises de la Mauricie et de sa Rive-Sud, et vient d'embaucher un coordonnateur dont le salaire est versé par les membres. Il se compose de huit tables sectorielles représentant autant de secteurs porteurs : énergie ; transformation alimentaire ; arts et culture ; transport ; technologies de l'information ; produits métalliques et fabrication de machines ; meubles ; gaz, pétrole et industrie chimique.

Le GROUPÉ collabore notamment avec le Centre d'entrepreneuriat Alphonse-Desjardins de Shawinigan pour implanter la plateforme de sociofinancement La Ruche, offerte jusqu'ici seulement dans la région de Québec. L'initiative vise l'émergence de projets dynamisants pour la région. «Pour favoriser un virage entrepreneurial, il faut soutenir ceux qui ont des idées», insiste M. Lacroix.

« Les régions qui ont du succès misent sur le réseautage et l’entraide entre entreprises. » – Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheur à l’Institut de recherche sur les PME.

Une région de plus en plus techno

La table des technologies de l'information (TI) du GROUPÉ, la première à se structurer, est particulièrement active. Les entreprises qui en font partie partagent les coûts de formation de leur main-d'oeuvre. Elles ont d'ailleurs organisé un jam de formation pendant toute la saison hivernale. Aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre, elles planifient aussi des actions pour attirer des candidats dans la région et intéresser les jeunes aux carrières en TI.

«La Mauricie possède un pôle technologique florissant, mais méconnu, indique Frédéric Laurin. Seulement en TI, une quinzaine d'entreprises sont prêtes à embaucher 100 personnes demain matin.»

Et cela, sans compter les quelque 220 embauches que prévoit réaliser d'ici deux ans le centre d'excellence de CGI. Installé à Shawinigan depuis un an, il compte déjà 80 employés. Ancienne ville industrielle, Shawinigan se positionne comme le troisième pôle numérique québécois, après Montréal et Québec.

«C'est l'un des créneaux sur lesquels nous misons pour diversifier notre économie, dit Luc Arvisais, responsable du développement économique de la municipalité. À part CGI, nous avons plusieurs belles entreprises technos comme SIM, Cognibox et ICO Technologies. Et nous avons notre DigiHub.» Créé par la ville, le DigiHub, qui est doté d'un espace de travail collaboratif et d'un incubateur, entend favoriser l'innovation et le développement de start-up dans le secteur numérique. Il s'est même associé au fonds de capital de risque V3 pour offrir du financement aux entreprises qu'il incube.

Trois-Rivières n'est pas en reste, elle qui vient tout juste d'inaugurer un incubateur en TI, en télécommunications et en systèmes électroniques dans son parc Micro Sciences. Cet investissement de 5,6 M$ résulte d'une collaboration entre IDÉ Trois-Rivières et le Cégep de Trois-Rivières. La ville disposait déjà d'un incubateur dans le domaine des bioprocédés. Il affiche complet.

«C'est avec l'innovation et les produits à valeur ajoutée que nous allons réussir la transformation économique de notre région», conclut Mario De Tilly, d'IDÉ Trois-Rivières.

Deux voisines qui s'entraident 

Fait inusité dans le monde municipal, Trois-Rivières fait de la prospection pour Bécancour, sa voisine de l'autre côté du fleuve. Les deux villes ont signé en début d'année une entente de partenariat en développement économique qui se traduit par le partage des ressources humaines d'IDÉ Trois-Rivières. Plutôt que de tirer la couverture chacune de leur côté, elles misent sur la complémentarité de leurs forces. «Cela démontre une grande maturité politique», souligne le directeur général d'IDÉ, Mario De Tilly.

L'électrification des transports, un bon filon 

Ancien berceau de la grande entreprise, Shawinigan a effectué un virage entrepreneurial au cours des dernières années. Elle compte notamment sur le créneau de l'électrification des transports.

«C'est ici que sont installées AddÉnergie et Elmec, les deux seuls fabricants de bornes de recharge pour les autos électriques au Québec, dit Luc Arvisais, responsable du développement économique de la Ville. Nous avons aussi le Laboratoire des technologies de l'énergie d'Hydro-Québec. Et bientôt, l'usine pilote de Nemaska Lithium, qui créera 100 emplois.»

Le lithium que Nemaska produira entre dans la fabrication des batteries au lithium, utilisées entre autres dans les autos électriques. Pour accueillir l'entreprise, la Ville a acquis l'ancienne usine de Produits forestiers Résolu à Grand-Mère et en a vendu une partie à Nemaska. Elle compte convertir le site industriel pour favoriser l'arrivée d'autres entreprises.

CES GENS QUI FONT UNE RÉGION

Série 2 de 3. Certains entrepreneurs ont un impact important sur leur région en contribuant à revitaliser son économie. Portraits de ces catalyseurs d'énergie locale.

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