«J'aimerais siéger à un comité de l'ONU» - Jean-François Archambault, de La Tablée des Chefs, lauréat du prix Leadership au concours Créateurs d'avenir

 

Jean-François Archambault, de La Tablée des Chefs, lauréat du prix Leadership au concours Créateurs d’avenir. [Photo : Gilles Delisle]

Dominique Froment

Jean-François Archambault, de La Tablée des Chefs, lauréat du prix Leadership au concours Créateurs d’avenir. [Photo : Gilles Delisle]

Horrifié par la quantité phénoménale de nourriture qui était jetée après les banquets, Jean-François Archambault a voulu faire quelque chose. Mais il ne s'attendait pas à y consacrer 70 heures par semaine au tiers de son salaire.


Par Dominique Froment


Diplômé en gestion hôtelière de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec et titulaire d'un MBA, M. Archambault décroche un premier emploi en 1997, à l'hôtel Château Vaudreuil. Il suit un peu les traces de son père, conseiller juridique des chefs.


Quand il commence à sensibiliser les chefs et les gestionnaires d'hôtel à tout ce gaspillage pendant que les banques alimentaires québécoises crient famine, ceux-ci se rebiffent ; ils craignent les poursuites pour intoxication alimentaire.


En 2000, la mort de sa mère, à 49 ans, le fouette. Il pèse sur l'accélérateur et fonde La Tablée, en 2002, tout en conservant son poste de directeur des ventes pour l'Est du Canada de la chaîne d'hôtels Fairmont et de directeur des ventes et du marketing de Marriott. En 2005, l'équipe qu'il dirige sera choisie Meilleure équipe des ventes parmi 150 hôtels Marriott en Amérique du Nord.


Mais la peur des poursuites paralyse toujours le milieu hôtelier. Il suffira d'un appel de Pierre Boivin, alors président du Canadien de Montréal, pour dénouer l'impasse. Les propriétaires des 134 loges du Centre Bell font des pressions pour qu'on récupère les surplus de nourriture. Aujourd'hui, la Mission Bon Accueil, dans le quartier Saint-Henri, reçoit 60 000 repas par année du Centre Bell. «Ça m'a donné une crédibilité immédiate», lance M. Archambault, âgé de 36 ans.


Aujourd'hui, il rêve gros: «J'aimerais un jour siéger au comité de l'Organisation des Nations Unis pour l'alimentation et l'agriculture et avoir mon mot à dire sur les grands enjeux alimentaires de la planète.»


Nouvelle mentalité


Fin 2005, Gisèle Desrochers, alors vice-présidente exécutive, ressources humaines, à la Banque Nationale et présidente de la campagne de financement de La Tablée, fait comprendre à M. Archambault qu'il est temps que l'organisme ait une permanence. Même si sa carrière chez Marriott a le vent en poupe, il opte pour le poste de directeur général de La Tablée des Chefs.


Entre-temps, il a une révélation : si, au lieu de faire entrer toujours plus de nourriture dans les banques alimentaires, on apprenait aux gens à se passer de ces banques ! «Avec une bonne planification et des connaissances, on peut nourrir une famille de deux adultes et deux jeunes enfants avec 70 $ par semaine.»


De cette réflexion est née l'idée d'enseigner aux jeunes l'indépendance alimentaire. Trente chefs dispensent gratuitement des cours à des élèves du secondaire de milieu défavorisé et dans le réseau des centres jeunesse.


Et pour aider à son financement, La Tablée organise des camps d'été culinaires d'une semaine au coût de 350 $ par semaine destinés à des jeunes de familles aisées. Le reste de l'année, ses cuisines servent à des cours à des adultes et des activités de consolidation d'équipe pour les entreprises.


La Tablée récupère 300 000 repas par année, dont 100 000 proviennent de 14 centres de formation culinaire, dont l'ITHQ. Son budget annuel est de deux millions de dollars. «Je passe 80 % de mon temps à chercher du financement ; ça ne me laisse pas beaucoup de disponibilité pour gérer», se désole le jeune homme.


La Tablée vient de commencer à récupérer la nourriture à Calgary et a reçu une bourse d'une organisation américaine, Americas Business Council, pour implanter au cours des prochains mois son service à Miami, à Mexico et à Bogota, en Colombie.


UNE ERREUR QU'IL NE REFERAIT PAS...


Lancer un projet de financement grand public sans avoir la reconnaissance du public.


POURQUOI IL REFUSE L'ARGENT DE CENTRAIDE ?


«Quand un organisme est subventionné par Centraide, il ne peut solliciter le milieu des affaires pendant sa campagne, soit de septembre à décembre. Comme La Tablée des Chefs est en forte croissance et que nous ne pourrions espérer que Centraide augmente son aide au même rythme, nous serions perdants si nous acceptions son aide.»

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