«J'aime mieux parler fiscalité que rouge à lèvres»- Ève Laurier, vice-présidente, relations stratégiques, RSM Richter Chamberland

 

Ève Laurier, vice-présidente, relations stratégiques, RSM Richter Chamberland [Photo : Gilles Delisle]

Dominique Froment

Ève Laurier, vice-présidente, relations stratégiques, RSM Richter Chamberland [Photo : Gilles Delisle]

Ève Laurier s'occupait du compte de L'Oréal à l'agence Publicis. Jeune, pimpante, blonde aux yeux bleus, le mariage aurait pu être parfait. Sauf que les produits de beauté l'ennuient à mourir. «Tout le monde trouvait que j'avais le job idéal... sauf moi !» C'est pourquoi elle a accepté il y a huit ans le défi de «ramener sur terre» le cabinet de comptables RSM Richter Chamberland.


Fondé à Montréal en 1926, Richter restait mal connu malgré son âge vénérable. Installé à Westmount loin du quartier des affaires, très associé à la communauté anglophone et juive, le cabinet avait une image furtive.


Puis, des entrepreneurs francophones ont commencé à venir chez Richter, à la recherche d'un esprit d'entreprise qu'ils ne trouvaient pas chez les concurrents, selon Mme Laurier. Richter s'est donc mis à recruter des comptables parlant français et a embauché, en 2004, une jeune femme de 28 ans pour propager la «bonne nouvelle» de son ouverture au marché francophone. Ouverture qui s'est confirmée en 2009 par la première fusion de son histoire avec le cabinet Chamberland Hodge. Et tout récemment par son déménagement dans le quartier des affaires, avenue McGill College.


«Au lieu de parler de rouge à lèvres, je parle de fiscalité et de stratégie d'entreprise ; j'adore ça !» lance la jeune femme de 36 ans.


Des alliés dans l'entreprise


Fille d'un ex-associé directeur du cabinet-conseil Arthur Andersen [emporté plus tard par le scandale Enron], Ève Laurier est titulaire d'un baccalauréat en administration des affaires, avec spécialisation en marketing, et plus récemment d'un EMBA McGill - HEC Montréal. Malgré ce curriculum, elle a dû affronter le scepticisme de certains éléments de ce cabinet de 450 employés.


«Une fille de marketing, quand ça entre dans un cabinet de comptables, ça déplace de l'air. Certains se demandaient vraiment ce que je faisais là», raconte en riant celle qui aime tellement la grande nature qu'elle rêvait d'avoir un chum chasseur et pêcheur (incidemment, son compagnon est un Huron-Wendat qui a ces deux activités dans le sang).


Heureusement, quelqu'un lui a donné le conseil de trouver quelques alliés parmi les 46 propriétaires de Richter Chamberland. «Il y en a toujours avec qui tu sens que tu as plus d'affinités, explique Mme Laurier. Tu vas les voir et tu leur dis : "Je ne connais rien à votre business ; si j'ai besoin d'aide, est-ce que je peux compter sur vous ?" Je connais peu de gens qui vont refuser.»


Sans ses alliés, Mme Laurier affirme qu'elle aurait quitté Richter. «Ils t'évitent bien des erreurs. Ils te conseillent de présenter ton projet d'une autre façon pour qu'il ait de meilleures chances d'être accepté. Ils te disent d'attendre quelques mois pour le présenter, parce que le moment est mal choisi. Et plein de conseils du genre.»


Prêcher la tolérance


Ève Laurier n'est pas du genre à défendre 56 causes, mais celle dont elle s'occupe, l'intimidation en milieu scolaire, lui tient très à coeur. Depuis plus d'un an, elle siège au conseil de la Fondation de la tolérance.


«J'ai moi-même été victime d'intimidation, explique la jeune femme. Au primaire, j'ai changé quatre fois d'école en six ans à cause de déménagements. Ce qui fait que je n'ai jamais eu ma gang. L'intégration a été très difficile. J'étais toujours à part des autres. J'ai même reçu un coup de boîte à lunch derrière la tête de la part d'un garçon qui m'en voulait de ne pas m'intéresser à lui.


«Le drame est que même si j'ai des parents formidables, je ne leur en ai jamais parlé, parce que je pensais que c'était de ma faute. L'intimidation en milieu scolaire a toujours existé, poursuit Mme Laurier, mais je pense que c'est pire aujourd'hui. Avec les médias sociaux, tu peux te faire niaiser à grande échelle dans le temps de le dire.»


Une erreur


«J'ai attendu trop longtemps pour me bâtir une équipe. J'avais peur que les autres me ralentissent.»

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