«Après ce que j'ai vécu, je ne peux pas être normale» - Chia-Yi Tung, présidente fondatrice d'Orchimédia

 

Chia-Yi Tung, présidente fondatrice d'Orchimédia [Photo : Gilles Delisle]

Dominique Froment

Chia-Yi Tung, présidente fondatrice d'Orchimédia [Photo : Gilles Delisle]

À six ans, Chia-Yi Tung vivait seule en appartement à Taipei, capitale de Taïwan. À sept ans, elle travaillait en usine. Abandonnée bébé par des parents «trop intelligents» et dysfonctionnels, la présidente fondatrice de l'agence de communication marketing asiatique Orchimédia doit sans cesse lutter pour garder son équilibre.


«Mon père a possédé plusieurs entreprises. À certaines périodes de sa vie, il a été très riche ; à d'autres, il a dormi dans la rue. Ma mère, professeure, était trop brillante aussi pour avoir une vie normale», raconte Mme Tung.


À sa naissance, ses parents, ne sachant que faire d'elle, selon ses propres mots, la confient à sa grand-mère paternelle. Alors qu'elle a six ans, celle-ci tombe malade. La petite Chia-Yi vit seule en appartement à Taipei pendant un an. «Quand ma grand-mère est revenue, je me suis trouvé un emploi dans une usine de chaussures pour l'aider», dit Mme Tung, 36 ans. Elle a 12 ans quand sa grand-mère décède. Chia-Yi retourne chez son père, et à 14 ans, elle lui demande de l'argent pour acheter un livre ; il refuse parce qu'il n'en comprend pas l'utilité. «Son contact avec la réalité était limité. C'est là que j'ai compris que je ne pourrais jamais compter sur lui», relate Mme Tung.


«Avec l'enfance que j'ai eue, je ne pense pas que je puisse être une personne normale. Je suis constamment à la recherche d'outils pour atteindre l'équilibre. Mais je me débrouille comme ce n'est pas possible. Et j'ai une motivation indéfectible à toujours voir la vie du bon côté.»


La bonne fée


Brillante et acharnée, Chia-Yi Tung réussit durant ses études à grappiller quelques-unes des rares bourses d'excellence offertes par le système d'éducation taïwanais. «J'ai toujours terminé première de mon école», précise la jeune femme.


Alors qu'elle étudie la littérature française à l'Université de Taïwan, une professeure signale à Chia-Yi Tung qu'il y a un concours pour aller étudier à Montréal. La jeune femme doit décliner la proposition, n'ayant pas l'argent pour payer les frais d'adhésion. «Le lendemain, la professeure est venue me voir ; elle avait trouvé l'argent pour acquitter les frais», raconte la jeune femme en pleurant.


C'est ainsi que Mme Tung débarque à Montréal à 20 ans. Au bout d'un an, elle retourne à Taïwan avec son copain québécois qui finit par la convaincre un an plus tard, en 1999, de retourner à Montréal pour s'y établir.


Après une maîtrise en communications, son premier travail dans un bureau d'architectes l'amène à se rendre en Chine. «C'est là que j'ai compris le potentiel d'exporter l'expertise québécoise en Chine», explique la mère d'une petite fille de cinq ans. Et c'est pour faire rayonner le Québec sur la scène internationale qu'elle fonde Orchimédia, en 2004, à Montréal.


Une extraordinaire créativité


«La culture asiatique valorise la mémoire et la discipline. Ici, au Québec, il y a une extraordinaire créativité que je voudrais faire connaître partout dans le monde.» Orchimédia dresse la liste des forces et des faiblesses de ses clients en matière de communication marketing, détermine les ressources manquantes (humaines, financières, etc.), fixe les objectifs, conçoit le plan stratégique, mesure les résultats, etc.


L'an dernier, Sid Lee lui a demandé de faire le rebranding d'Imax en Chine, à Taïwan et à Hong Kong. Avec des résultats éclatants : Imax a signé en un an des ententes pour ouvrir 226 salles de cinéma en Chine.


Orchimédia a uniformisé l'image du Cirque du Soleil, que les médias chinois avaient affublé d'une quinzaine de noms différents. La PME du Vieux-Montréal a aussi fait des relations publiques en Asie pour Bombardier et la formation d'employés de Camoplast partout dans le monde à la suite d'une acquisition en Corée du Sud.


En 2013, Mme Tung, unique actionnaire d'Orchimédia, souhaite avoir moins de clients, mais des mandats plus importants. «Nous allons concevoir la stratégie de marque d'une industrie canadienne en Chine, un contrat du gouvernement fédéral», a-t-elle précisé sans vouloir en dire plus. Et dans cinq ans, Orchimédia, qui emploie quatre personnes, aura des bureaux dans plusieurs villes d'Amérique du Nord.


Un souhait


«Que les Québécois aient davantage confiance en eux.»

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