Financer une commande record

Publié le 03/06/2013 à 00:00

Financer une commande record

Publié le 03/06/2013 à 00:00

Par Didier Bert

Imaginez l'euphorie, le jour où votre PME accède au carnet de commandes d'une grande entreprise ! Mais dès la célébration du contrat terminée, il faut pouvoir répondre à la question : comment payer les ressources nécessaires à l'exécution de la commande ?

1 Quand devrait-on se pencher sur le financement ?

Le plus tôt sera le mieux ! Bien entendu, il ne s'agit pas de se vanter de la commande avant qu'elle ne soit signée. Cependant, le montage financier prend toujours plus de temps que prévu. C'est pour cela qu'il est préférable d'informer sa banque qu'une bonne nouvelle pourrait arriver.

«Les financiers n'aiment pas les surprises, prévient Nicolas Marcoux, leader national du groupe Transactions chez PwC. Présentez-vous le plus tôt possible avec quelque chose de concret, une bonne estimation de ce qu'il vous faut. Si vous révisez vos besoins de financement chaque semaine, on ne vous prendra pas au sérieux.»

De plus, en étant prévoyant, vous aurez du temps pour contacter des financiers supplémentaires si le besoin s'en fait sentir. «Ne sous-estimez pas le délai nécessaire pour mettre le financement en place, poursuit Nicolas Marcoux. On voit des entrepreneurs coincés entre leurs fournisseurs et leur client, parce que le financement n'est pas arrivé aussi vite qu'ils le pensaient.»

Enfin, le coût du financement doit être intégré au prix de revient. Il est donc important d'avoir une idée de ce montant avant la signature de la commande.

2 À qui s'adresser d'abord ?

La sagesse veut qu'on se tourne d'abord vers sa banque habituelle. En effet, une simple augmentation de la marge de crédit peut suffire... à condition qu'elle corresponde aux besoins de financement de la commande. «On n'a pas toujours besoin d'une augmentation permanente. Cela peut se limiter à quelques mois quand la production est saisonnière», précise Patrice Bernard, premier vice-président, Financement et consultation, à la Banque de développement du Canada (BDC).

3 Pourquoi la marge de crédit ne suffirait-elle pas ?

La transaction peut dépasser les capacités de l'entreprise à obtenir une marge de crédit. «Habituellement, une PME peut disposer d'une marge de crédit équivalant à 75 % du montant de ses comptes clients, indique Micheline Renault, professeure à l'École des Sciences de la gestion de l'UQAM et spécialiste en financement et en croissance des PME. Mais si les besoins en financement sont très élevés par rapport au volume d'affaires habituel, la marge de crédit ne suffira pas à financer une occasion d'envergure qui se présente de façon soudaine.»

4 Quel type de financement doit-on privilégier ?

Tout dépend de la nature du besoin. «Si le projet implique des pertes à court terme, la règle de base est de financer ces déficits avec des capitaux propres, explique Nicolas Marcoux. On évite ainsi d'exercer de la pression sur les ratios financiers de l'entreprise.» L'entreprise doit alors trouver des investisseurs prêts à renforcer ses capitaux propres. L'entrepreneur devra accepter de partager ses profits futurs... et ses pertes, ce qui diminue son exposition au risque.

Par contre, les besoins en fonds de roulement devraient être financés avec de la dette, souvent obtenue auprès des banques, comme la marge de crédit, poursuit Nicolas Marcoux. Enfin, l'acquisition d'équipements devrait être payée par un mélange de capitaux propres et de dette.

Certaines institutions proposent également du financement subordonné, qui a pour avantage d'être remboursable au fur et à mesure des capacités de l'entreprise, sans occasionner d'entrée au capital.

5 Comment mettre les fournisseurs à contribution ?

Ils peuvent accorder des délais de paiement, en les alignant sur ceux du client final. «Les fournisseurs ont un intérêt dans la réalisation du contrat», rappelle Patrice Bernard. «Prévenez-les de la possibilité de recevoir prochainement une commande importante, précise-t-il. Assurez-vous qu'ils suivront, et négociez des tarifs avec des conditions améliorées.»

6 Comment ne pas mettre en jeu la survie de la PME ?

L'entreprise peut choisir de créer une filiale qui se consacrera exclusivement à la livraison d'une commande particulièrement importante et prometteuse. «Les capital-risqueurs privés peuvent participer à la création d'une personne morale distincte de l'entreprise, qui sera chargée de réaliser le contrat», suggère Micheline Renault, de l'UQAM. Cela présente l'avantage de ne pas ouvrir le capital de l'entreprise elle-même, mais de partager les profits et les risques liés à cette seule commande. «Le poids du financement n'est pas soutenu par l'actif de l'entreprise, explique-t-elle. Si l'opération se solde par un échec, toute la société n'est pas mise en péril.»

À plus grande échelle, la PME peut envisager de développer des partenariats. «Cela permet de diminuer le risque, ce qui est apprécié des institutions financières, poursuit Micheline Renault. Les PME ont le réflexe d'agir seules. Pourtant, même les grandes entreprises ne réalisent pas les contrats majeurs toutes seules !»

7 Où trouver des investisseurs ?

Le contexte a rarement été aussi favorable au financement de projets. «Le coût des capitaux est très bas, et le financement disponible est abondant», constate Nicolas Marcoux, de PwC. Le capital de risque vise plutôt les entreprises innovantes, où les perspectives de gains peuvent être considérables. Dans les secteurs traditionnels, l'entreprise peut se tourner vers les capital-risqueurs privés et les fonds spécialisés, qui offrent généralement des solutions adaptées aux différentes industries. De plus en plus, les investisseurs apportent également une expertise en matière de gestion.

Le client peut-il participer au financement ?

«Cela se voit rarement, constate Patrice Bernard. Il faut oeuvrer dans une niche très spécifique. Normalement, la grande entreprise connaît beaucoup de fournisseurs. Si elle ne vous choisit pas, ce sera un autre.» Au mieux, on peut solliciter un acompte sur la commande.

8 Comment rassurer les financiers ?

L'entreprise doit prouver que ce beau contrat est réellement positif pour elle. «Un grand nom sur un bon de commande, cela donne confiance, mais ce n'est pas suffisant», tempère Patrice Bernard. Les financiers savent qu'un contrat important n'est pas toujours rentable, car on peut se laisser aveugler par le montant des revenus durant la négociation, au détriment de la rentabilité. «Maintenant, il faut montrer que la réalité va suivre», prévient le premier vice-président de la BDC.

C'est pourquoi «la PME doit être capable de présenter le plan d'affaires de la transaction», recommande Micheline Renault. Si on sous-traite une partie de la production, cela occasionne des coûts supplémentaires. «On devrait arriver avec le schéma complet de la transaction et de ce que cela représente en matière de coûts et de risque», croit-elle.

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