Le marché de la montre ne sera pas facile pour Apple


Édition du 07 Mars 2015

Le marché de la montre ne sera pas facile pour Apple


Édition du 07 Mars 2015

Plaire à une clientèle aisée. Voilà le principal défi que devra surmonter Apple avec sa montre intelligente, à propos de laquelle on devrait en savoir davantage le 9 mars. Les montres suisses représentent moins de 3 % du volume des ventes annuelles de montres, alors qu'elles rapportent 54 % des revenus et une plus grande partie des bénéfices. Les grandes sociétés horlogères de cette industrie génèrent de faibles volumes et des marges très élevées. Tout un contraste avec l'industrie de la technologie, qui carbure à un volume de production accéléré, tout en enregistrant une marge de bénéfices mince.

Les raisons qui poussent un consommateur à acheter une montre allant de quelques centaines à quelques milliers de dollars dépassent largement le caractère utile de l'objet.

La clientèle féminine désire la plupart du temps un bel accessoire à son poignet, qui s'agencera mieux à sa tenue vestimentaire au quotidien. La montre doit aussi être de petite taille, pour convenir à un poignet plus petit. Cette caractéristique élimine d'emblée les montres intelligentes. Pour l'instant, la technologie permet peu de miniaturisation. Au final, madame s'intéressera à certaines fonctionnalités technologiques de la montre, mais jamais au détriment du facteur mode. Ceci rendra l'adoption d'une Apple Watch beaucoup plus lente chez les femmes.

La clientèle masculine se compose de deux segments : d'une part, l'homme plus âgé et plus aisé cherche d'abord dans une montre le symbole de réalisation qu'elle procure. Un bijou de valeur au poignet est synonyme de réussite, tout comme la voiture de luxe. James Bond, qui porte toujours une montre à la mode et conduit un véhicule dernier cri, en est l'emblème parfait.

D'autre part, il y a le jeune homme de 20 à 30 ans. Il ne voit aucune utilité à posséder une montre. Il n'en a jamais porté, car dès l'adolescence, son baladeur numérique lui donnait l'heure. Pour ce jeune adulte, l'Apple Watch revêt un attrait particulier. Il est soudainement attiré par cet objet qui lui offre de nouvelles fonctionnalités technologiques à son poignet. C'est ce dernier segment de clientèle qu'Apple rejoindra d'abord et avant tout.

Plusieurs contraintes

Les études de la firme de recherche Euromonitor montrent que l'appétit des hommes pour les montres s'aiguise au fil du temps. À mesure que cette génération passera l'étape des 30 ans, il est moins certain qu'Apple parviendra à la convaincre de garder sa Apple Watch.

Apple veut ratisser très large, et ce, dès le départ, avec sa Apple Watch Edition. C'est normal, car c'est à ce moment-là que la majorité des bénéfices se trouvent. Cette montre intelligente en or 18 carats vise une clientèle aisée. Certains spécialistes pensent que cette montre pourrait coûter jusqu'à 10 000 $. Si tel est le cas, Apple jouera dans la cour des montres de luxe. Nous croyons qu'il sera très difficile de rejoindre ce segment de la population.

D'abord, Apple aura un problème de distribution. Nous voyons mal un homme d'affaires se présenter dans un Apple Store, et encore moins un magasin d'électronique comme Future Shop pour acheter une montre de plusieurs milliers de dollars. Cette clientèle souhaite faire une expérience particulière lors de son achat. Nous ne sommes pas sûrs que ces acheteurs potentiels apprécieront l'idée d'acheter une montre là où des adolescents achètent leur iPod. Par conséquent, Apple devra rapidement développer un nouveau canal de distribution. On pourrait penser par exemple à des boutiques de montres spécialisées qui offrent uniquement la Apple Watch.

L'autre embûche, avec la clientèle aisée, c'est qu'elle veut un produit unique. Ce désir se marie très mal avec la logique de production de masse qui domine l'industrie de la fabrication d'appareils technologiques. Apple a bien sûr fait des pieds et des mains pour offrir différents boîtiers et bracelets, laissant l'impression qu'il est possible d'être unique avec sa montre. Nous craignons que ce soit insuffisant.

Une bonne façon d'y arriver serait de convaincre dès le départ une communauté d'artisans de fabriquer des boîtiers uniques pour la clientèle aisée. Un peu de la même façon que Apple a réussi à convaincre les développeurs à offrir leurs applications sur la boutique App Store. Ce serait le meilleur moyen de déjouer la logique de production de masse à laquelle la société de Cupertino est subordonnée. Cela exigerait toutefois d'Apple qu'elle ouvre son écosystème horloger à des partenaires externes. L'histoire montre qu'elle sera récalcitrante à cette idée dès le départ.

La bonne nouvelle pour Apple et ses actionnaires, c'est que le géant américain n'a pas grand-chose à perdre à s'attaquer à l'industrie de la montre. L'iPhone rapportait à la société près de 70 % de ses revenus totaux au dernier trimestre, et reste le produit phare de l'entreprise. Le segment des téléphones intelligents est appelé à croître pour encore plusieurs années.

Pierre-Olivier Langevin est gestionnaire de portefeuille adjoint chez MEDICI, une firme de Saint-Bruno.

Pierre-Olivier Langevin est gestionnaire de portefeuille adjoint chez MEDICI, une firme de Saint-Bruno.

Les clients et les associés de MEDICI possèdent des actions de Apple.

À la une

Les profits d’Alphabet bondissent

17:08 | AFP

La maison mère de Google a été portée par la publicité, le cloud et l’IA.

Microsoft fait mieux que prévu au premier trimestre

17:19 | AFP

Dans les échanges électroniques postérieurs à la clôture de la Bourse, l’action Microsoft gagnait près de 5%.

Les prévisions d’Intel déçoivent

Il y a 35 minutes | AFP

Les prévisions pour la période en cours ont hérissé le marché.