Destruction créatrice : votre entreprise survivra-t-elle?


Édition du 20 Février 2016

Destruction créatrice : votre entreprise survivra-t-elle?


Édition du 20 Février 2016

Par Philippe Leblanc

[Photo : Shutterstock]

L'étude de Charlie Munger, partenaire de Warren Buffett, m'a incité à pousser mes lectures dans de nombreuses directions afin, comme le dit Munger, de me bâtir des modèles mentaux qui m'aideront à prendre de meilleures décisions d'investissement.

Un de ces modèles mentaux est lié à la biologie, domaine plutôt éloigné de la finance, mais qui propose des schémas d'analyse intéressants à l'investisseur. Il en va ainsi du concept de la «destruction créatrice», un des principes de l'évolution sur lesquels s'articule la théorie de la sélection naturelle de Charles Darwin.

Appliqué au monde économique, le concept peut se résumer ainsi : «Le monde est en constante mutation, et bien peu d'entreprises seront capables de survivre à long terme à de tels changements». C'est un phénomène identique à celui que révèle l'observation des espèces animales. Selon Charles Darwin, «ce ne sont pas les espèces les plus fortes qui survivent, ni les plus intelligentes, mais celles qui sont les plus aptes à s'adapter au changement».

Or, nous vivons dans une ère où les changements qui surviennent dans le monde des affaires sont tout simplement renversants. Internet, en particulier, a bouleversé de nombreux secteurs industriels. Le rythme auquel des entreprises échouent et sont remplacées par d'autres est de plus en plus rapide. Dans leur livre Creative Destruction, Richard N. Foster et Sarah Kaplan démontrent que la durée de vie moyenne d'une société faisant partie du S&P 500 est passée de 25 à 35 ans, dans les années 1950, à près de 15 ans aujourd'hui. Selon eux, on peut prévoir que cette durée «aura été réduite à environ 10 ans d'ici 2020».

Voyons quelques exemples de secteurs qui sont touchés de plein fouet par les possibilités, en apparence illimitées, qu'apporte Internet.

> Le commerce de détail. Les consommateurs peuvent acheter à peu près n'importe quel produit sur Internet à un prix inférieur à celui qu'ils payeraient dans un magasin. Une entreprise telle qu'Amazon a créé une révolution dans le commerce de détail et a du même coup décimé de nombreux détaillants traditionnels. Peu de segments du commerce de détail sont épargnés, et la tendance se poursuivra certainement au cours des années à venir.

> L'industrie du voyage. Si vous faites comme moi, vous achetez vos billets d'avion, vous louez vos voitures, vos chambres d'hôtel et vos maisons en ligne. Des sites Web comme Airbnb et Hotwire changent la donne considérablement pour les hôtels. En quelques clics, un voyageur peut comparer tous les prix des fournisseurs et prendre une décision éclairée.

> L'industrie du taxi. Uber fait les manchettes depuis plusieurs mois avec un modèle et des pratiques qui ne font certainement pas l'unanimité. Mais cette entreprise est en train de révolutionner l'industrie du taxi qui, en apparence, n'avait jamais connu de véritables changements depuis plusieurs décennies. D'autres modèles d'entreprise basés sur «le partage» ont aussi vu le jour au cours des 20 dernières années, dont Communauto. Il est tout à fait légitime de se demander quel sera leur impact à long terme sur l'industrie de l'automobile.

> Les communications. Le phénomène du cord cutting, selon lequel un nombre croissant de consommateurs se désabonnent du câble, du satellite et du téléphone traditionnel en faveur de diverses applications Web, renverse la situation pour de nombreuses sociétés de communications. Qui seront les éventuels gagnants de cette tendance de fond ?

> Le papier. Les gens sont de plus en plus nombreux à délaisser les journaux ou les livres à la faveur de la tablette. Où sera l'industrie du papier dans 10 ans ?

> Le secteur des logiciels et du matériel informatique. L'infonuagique ou le cloud computing, phénomène par lequel les données informatiques et les logiciels des entreprises et des consommateurs sont stockés sur des serveurs informatiques, est un autre changement qui bouleverse de nombreuses entreprises du monde informatique. Les sociétés de logiciels migrent de plus en plus vers des modèles de logiciel-service, en anglais software as a service (SAAS). Selon de tels modèles, les clients n'achètent plus de licences de logiciels mais accèdent à ces derniers en ligne selon un système de paiement par utilisation ou par abonnement.

> Le secteur bancaire et financier. Payez-vous vos comptes en ligne ? Déposez-vous vos chèques par voie électronique ? Magasinez-vous votre hypothèque en ligne ? Ces questions remettent en cause le modèle des grandes banques canadiennes qui reposent en bonne partie sur un réseau de succursales.

En général, les changements dans un secteur surviennent graduellement, un à la fois. Tellement lentement qu'il nous faut un recul de quelques années pour les reconnaître. Mais il survient à l'occasion des changements majeurs, des révolutions, qui peuvent rapidement déstabiliser les entreprises de nombreux secteurs. Celles qui sont assez agiles pour s'adapter réussiront à survivre, les autres sont appelées à disparaître.

C'est pourquoi les investisseurs ne doivent jamais oublier le phénomène de «destruction créatrice» qui guette toute entreprise. Charles Darwin n'en demanderait pas moins.

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine, et éditeur de la Lettre financière COTE 100, distribuée depuis 1988.

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