D’importants actionnaires de Groupe TVA (Tor. TVA.B) parmi lesquels on retrouve Jarislowsky Fraser et le gestionnaire torontois Chou Associates, ont demandé à l’Autorité des marchés financiers (AMF) d’enquêter sur la récente acquisition de Vision Globale par la filiale de Québecor, une transaction qui comporte à leur avis des conflits d’intérêts. TVA soutient que les allégations sont non-fondées.

Tel que le révélait LesAffaires.com le 20 novembre dernier, certains actionnaires espéraient que Québecor (Tor., QBR.B, 30,28 $) ferme le capital de Groupe TVA. Or, elle a plutôt choisi de réinvestir dans sa filiale pour qu'elle réalise deux autres acquisitions, dont celle de Vision Globale au coût de 113M$ le 13 novembre, gonflant potentiellement de 50% le nombre d'actions en circulation à un moment où le titre de TVA touchait un nouveau bas annuel. «Nous ne pouvons pas commenter avant d'avoir vu les détails de l'émission envisagée, mais à 100 M$, la dilution serait énorme», nous avais dit Denis Durand, associé principal de Jarislowsky Fraser, deuxième actionnaire en importance de TVA, à la suite de l'annonce de l'achat de Vision Globale.

Les principaux gestionnaires de portefeuille se sont ensuite rencontrés et se sont donc unis pour monter au front. Ainsi, Jarislowsky Fraser, Gestion d'actifs Lester, Chou Associates, Gestion capital Coerente et Gestion d'actifs Burgundy, qui détiennent ensemble environ 5,6 millions d'actions de Groupe TVA représentant 48 % des actions de catégorie B détenues par les actionnaires minoritaires, et 23 % du total des capitaux propres de TVA, demandent à l’AMF d’enquêter sur des conflits d’intérêts potentiels et sur les transactions entre personnes apparentées.

Coerente a été fondée par deux ex-dirigeants de Jarislowsky, Fraser.

Les plaignants indiquent dans un communiqué que les activités de TVA comportent «un grand nombre d'opérations importantes entre parties apparentées» intervenues entre elle-même et diverses entités contrôlées par QMI et Québecor.

«Le 31 juillet 2014, Québecor a annoncé la création de son Groupe Média dans le cadre de laquelle les opérations de TVA ont été entièrement intégrées à diverses autres activités appartenant à QMI, résultant en l'acquisition de facto de TVA par QMI sans le consentement des actionnaires minoritaires de TVA, ni versement de quelque compensation que ce soit à ces derniers», déplorent ces actionnaires.

En outre, ces derniers soulignent que de nombreux membres de la haute direction de TVA, de QMI et de Québecor sont des employés de ces trois sociétés à la fois. «Depuis la création récente du Groupe Média de Québecor, la structure organisationnelle de TVA est devenue confuse à ce point que cette dernière ne fonctionne plus comme entité indépendante.»

Ces actionnaires ajoutent que de nombreux membres de la haute direction de TVA détiennent des options d'achat d'actions de QMI, l'actionnaire de contrôle de TVA. À leurs yeux, cela représente des incitatifs financiers «qui peuvent être sources de sérieux conflits d'intérêts entre les intérêts de la direction de TVA et ceux de ses actionnaires minoritaires».

Cette intervention de gestionnaires de portefeuilles bien connus constitue un des rares cas d’activisme observé au sein du Québec Inc. au cours des dernières années.

Au moment de mettre en ligne, le titre de TVA prenait 0,14$ à 7,14$. Il a perdu 26% de sa valeur depuis le début de l’année et plus de 65% depuis cinq ans.

L'acquisition de Vision Globale motivée par les ambitions politiques de PKP?

Le 13 novembre, TVA a annoncé l'acquisition projetée des actifs de Vision Globale pour la somme de 118 millions de dollars. «L'acquisition des studios de cinéma, des services de postproduction et d'équipement de location n'apparait pas alignée stratégiquement sur les opérations de diffusion de TVA et ne semble pas offrir une synergie significative avec celles-ci. Il s'agit également d'une transformation importante de la nature de TVA qui accroît considérablement son profil de risque», notent les plaignants.

Selon eux, l'acquisition projetée «semble également avoir été motivée par d'autres raisons que le bon sens des affaires, notamment par les motifs largement publicisés liés aux ambitions politiques de l'actionnaire de contrôle de Québecor, Pierre Karl Péladeau, et ceux qui sont affichés sur sa page Facebook».

«Par ailleurs, compte tenu de la piètre performance financière de Vision Globale, le prix d'achat de ses actifs est nettement exagéré et semble avoir été calculé pour dédommager certains de ses actionnaires», lit-on dans le document. Les actionnaires qui ont déposés la demande d'enquête auprès de l'AMF ont par ailleurs demandé au conseil d'administration de TVA de soumettre l'acquisition projetée et son financement à l'approbation d'une majorité de la minorité des porteurs d'actions de catégorie B de TVA.

L'AMF confirme réception

Du côté de l'Autorité des marchés financiers, on confirme la réception de la demande d'enquête des actionnaires du Groupe TVA. Le porte-parole Sylvain Théberge soutient que la plainte sera traitée, comme toutes les autres, dans les meilleurs délais. «Le dossier sera analysé par nos équipes. Il faut bien comprendre que nous analysons le contenu de la demande d'enquête en ce moment, nous n'avons pas lancé d'enquête», raconte-t-il. L'AMF n'a pas d'autre commentaire en lien avec ce dossier pour le moment.

Des allégations non-fondées, réplique TVA

Le Groupe TVA a émis en milieu d'après-midi un communiqué pour répondre aux actionnaires mécontents: «À la suite du communiqué de presse émis ce matin par certains actionnaires minoritaires de Groupe TVA faisant état du dépôt d'une plainte, la société tient à mentionner que les arguments soulevés dans ce communiqué de presse sont non-fondés», lit-on dans le court document.

La direction de TVA affirme que sa stratégie a toujours eu comme objectif de créer de la valeur pour l'ensemble de ses actionnaires.