Temps d'investir dans la quincaillerie ?


Édition du 21 Mai 2016

Temps d'investir dans la quincaillerie ?


Édition du 21 Mai 2016

Par François Normand

[Photo : 123RF/Juan Pablo Gonzalez]

Les quincailliers profiteront de la démographie aux États-Unis

La population des États-Unis croîtra de manière importante d'ici 2050. Cette tendance lourde ne fait pas les manchettes, mais elle donnera un sérieux coup de pouce à long terme aux détaillants de produits de quincaillerie et de décoration au Canada et aux États-Unis.

Les États-Unis comptent 321 millions d'habitants. En 2050, cette population devrait grimper à 398 millions, soit un bond de 24 %, selon les projections du U.S. Census Bureau.

Ce sont 77 millions d'habitants de plus, soit deux fois la population du Canada. Il va sans dire qu'il faudra construire des logements, des copropriétés et des maisons pour loger toutes ces personnes. Cela, sans parler du parc immobilier actuel qu'il faudra entretenir et rénover.

La population du Québec et du Canada progressera aussi dans des proportions importantes. Par exemple, de 2015 à 2050, la population québécoise augmentera de 20 %, pour passer de 8,2 à 9,8 millions d'habitants, selon les projections de l'Institut de la statistique du Québec. Il s'agit de 1,6 million d'habitants de plus.

Pour sa part, la population du Canada bondira de 28 % d'ici 2050, selon les projections de Statistique Canada (dans son scénario moyen). Ainsi, le nombre de Canadiens passerait de 36 à 46 millions, soit 10 millions de plus ou l'équivalent de la population du Portugal.

Au Canada, ce gain démographique à long terme pourrait toutefois être atténué par une tendance socioéconomique à moyen terme, d'après Richard Darveau, président du Conseil canadien de détail de matériaux de construction.

«Les mises en chantier ont tendance à diminuer, tout comme la taille des maisons», explique M. Darveau, qui est aussi président et chef de la direction de l'Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction.

Les plus récentes prévisions économiques et financières du Mouvement Desjardins semblent confirmer cette tendance.

En 2015, il y a eu 196 000 mises en chantier au Canada. En 2020, Desjardins estime qu'il y en aura 175 000.

1. Lowe's

(LOW, 75,40 $ US)

En bref - La multinationale américaine a un réseau de plus de 1 855 magasins aux États-Unis, au Mexique et au Canada.

Le quincaillier Lowe's est l'un des géants de l'industrie de la construction et de la rénovation en Amérique du Nord.

En 2015, la société a réalisé des ventes de 59,1 milliards de dollars américains (75,1 G$ CA), en hausse de 5 % par rapport à 2014. La marge du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) s'est établie à 12,1 %, soit le même niveau qu'en 2014. Il s'agit de la marge la plus élevée depuis cinq ans.

Ces derniers mois, le principal déploiement de la stratégie de Lowe's a été l'offre d'achat de 3,2 G$ CA pour la québécoise Rona et son réseau de 500 magasins d'entreprise, affiliés au Canada.

Les raisons d'être optimiste

Les analystes de Morningstar estiment que la stabilité du marché immobilier aux États-Unis est très favorable à Lowe's. «Cela pourrait générer des flux de trésorerie cumulatifs de 23 G$ US dans les cinq prochaines années», écrivent-ils.

Le vaste système logistique de Lowe's procure aussi plusieurs avantages à l'entreprise, dont un pouvoir d'achat immense auprès des fournisseurs. Ce qui permet à Lowe's d'offrir des rabais aux consommateurs et d'accroître potentiellement sa clientèle.

Les sources d'inquiétude

Lowe's fait face à plusieurs défis à moyen terme.

Comme l'entreprise dépend en grande partie des dépenses des consommateurs, la faiblesse momentanée de la consommation aux États-Unis au premier trimestre est préoccupante.

Le PIB a progressé de 0,5 %. Pour l'ensemble de 2016, le Mouvement Desjardins a d'ailleurs ramené de 2,2 % à 2 % sa prévision de croissance du PIB américain en raison de la faiblesse enregistrée au premier trimestre.

L'intégration du réseau de Rona au cours des deux prochaines années représente aussi tout un défi pour Lowe's, selon Morningstar. Au Canada, la multinationale exploite 43 magasins, mais aucun au Québec. Le défi sera d'avaler les quelque 236 magasins d'entreprise de Rona au Canada (l'ex-société québécoise compte aussi plus de 260 magasins affiliés exploités par des marchands indépendants).

L'enjeu est de taille. Une mauvaise intégration pourrait empêcher Lowe's de produire les synergies promises qui ont justifié de payer 3,2 G$ CA pour acheter Rona en février.

Les recommandations des analystes

Conserver 7

Achat 11

Surperformance 10

Cible moyenne : 83,70 $ US

2. Quincaillerie Richelieu

(RCH, 23,54 $)

En bref - L'entreprise québécoise importe, distribue et fabrique des produits de quincaillerie spécialisée et des produits complémentaires. Elle ne les vend pas au détail, mais à plus de 70 000 clients commerciaux (manufacturiers, quincailleries, grandes surfaces de rénovation).

Richelieu est un acteur important dans le secteur de la quincaillerie au Canada.

L'entreprise de Montréal (arrondissement Saint-Laurent) a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 749,7 millions de dollars canadiens, en hausse de 15,9 % par rapport à 2014.

La marge du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) s'est établie à 11,7 % en 2015, soit son plus faible niveau en cinq ans. En 2011, la marge était de 12,8 %.

Richelieu est sur le mode de l'acquisition. Depuis cinq ans, l'entreprise a acheté 13 sociétés au Canada et aux États-Unis, dont Cabnetware (Floride) et CourterCo Savannah (Géorgie).

Aujourd'hui, elle exploite 66 centres, y compris des salles de montre et deux usines de fabrication en Amérique du Nord. L'action a été consolidée le 3 mars 2016 (à raison de trois contre une), ce qui a permis de multiplier la valeur du titre par trois, à 22,50 $.

Les raisons d'être optimiste

Les analystes de Desjardins Marché des capitaux soulignent que la direction est constante et disciplinée pour ce qui est de l'exécution de sa stratégie. «Nous sommes impressionnés par son habileté à ignorer les distractions potentielles à court terme», écrivent-ils.

Ces derniers sont d'ailleurs très optimistes quant à la capacité de l'entreprise d'enregistrer des revenus de 1 milliard de dollars en 2021. Ces cinq dernières années, les revenus de Richelieu ont progressé en moyenne de 11 % par année.

Autre facteur positif : même si l'entreprise fait beaucoup d'acquisitions, elle affiche une «croissance interne impressionnante», souligne la Financière Banque Nationale.

Au premier trimestre de 2016, la croissance interne a été de 11,8 % au Canada (et de 10,3 % aux États-Unis), soit la plus haute depuis des années. Selon la FBN, cette performance tient principalement aux efforts de la direction pour développer de nouveaux marchés.

Les sources d'inquiétude

Comme c'est le cas pour toutes les entreprises en affaires aux États-Unis, le taux de change influe sur les résultats de Richelieu, dévoilés en dollars canadiens. Depuis le 1er janvier, le huard s'est apprécié de 10 % par rapport au dollar américain. Ainsi, au premier trimestre de 2016, le BAIIA a augmenté de 6,4 %, pour atteindre 16,7 M$. Un niveau inférieur aux attentes de la Banque Scotia, qui tablait plutôt sur un bénéfice de 17,2 M$.

«La pression sur les marges est due à l'impact du taux change sur le coût d'achat de certains produits avant qu'ils ne soient vendus à des prix ajustés», expliquent les analystes de la Scotia. L'acquisition de sociétés ayant elles-mêmes des marges plus faibles a également joué un rôle dans le déclin des marges de Richelieu.

Parmi les autres risques potentiels, Desjardins Marché des capitaux souligne le départ potentiel des membres de la direction de Richelieu.

Les recommandations des analystes

Surperformance 2

Cible moyenne : 25,25 $

3. Canadian Tire

(CTC.A, 145,37 $)

En bref - Le détaillant canadien vend notamment des produits de quincaillerie dans plus de 1 700 magasins (y compris des postes d'essence), d'un bout à l'autre du Canada.

Canadian Tire a connu une année 2015 modérée. Le détaillant a enregistré des revenus de 12,3 milliards de dollars canadiens, un recul de 1,5 % par rapport à 2014.

Par contre, l'entreprise a réussi à augmenter sa marge du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA). Elle s'élève à 12,4 % en 2015, soit son plus haut niveau en cinq ans.

Ces cinq dernières années, l'action de l'entreprise s'est appréciée de 132 %. Comme plusieurs détaillants, Canadian Tire a commencé à faire des acquisitions. Et la prochaine cible sera probablement dans le commerce électronique, affirmait en février le pdg, Michael Medline.

Les raisons d'être optimiste

Les analystes de Desjardins Marchés des capitaux affirment que la valeur de l'action (145 $) est attrayante, du point de vue de l'évaluation.

L'entreprise récompense également bien ses actionnaires, souligne Marchés mondiaux CIBC. «Le dividende a augmenté de 22 % au cours des cinq dernières années.»

Au chapitre de sa stratégie d'affaires, l'entreprise poursuit «agressivement» son processus d'innovation dans le commerce électronique et ses activités traditionnelles, font remarquer les analystes de la CIBC.

«Nous avons visité les nouveaux magasins de Canadian Tire et de Sport Chek (propriété de Canadian Tire). Nous avons constaté les efforts de l'entreprise, de la disposition des produits à l'utilisation des données, pour offrir une meilleure expérience aux consommateurs afin de stimuler la croissance des ventes.»

L'appréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine est un autre facteur positif, car elle réduit les coûts d'importation de Canadian Tire aux États-Unis, où sont situés plusieurs de ses fournisseurs.

Les sources d'inquiétude

Canadian Tire est victime des difficultés économiques de l'Alberta, qui souffre de la faiblesse des prix du pétrole. La Financière Banque Nationale estime d'ailleurs que les ventes de pétrole du détaillant ont chuté de 7 % au quatrième trimestre de 2015.

Autre faiblesse : la société a fait uniquement deux acquisitions en 15 ans. Les analystes de Desjardins estiment que le détaillant devrait en faire davantage afin de poursuivre sa croissance, au premier chef dans le commerce électronique.

Parmi les risques de Canadian Tire, Desjardins identifie d'ailleurs une potentielle incapacité à accélérer les initiatives numériques pour améliorer l'efficacité de sa chaîne logistique.

Les grands détaillants nord-américains - dont les quincailliers - multiplient les acquisitions pour se positionner dans ce secteur. Illustration du phénomène, la Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC, 14,89 $) a acheté le détaillant de mode Gilt.com pour 250 millions de dollars américains (318 M$ CA), en janvier. Pour sa part, DSW Shoes, une société à capital fermé, a payé 62,5 M$ US (en plus de futures redevances) pour acquérir le détaillant en ligne de chaussure Ebuys.

Les recommandations des analystes

Conserver 3

Achat 1

Surperformance 8

Sous-performance 1

Cible moyenne : 147 $

4. Home Depot

(HD, 134,19 $ US)

En bref - La multinationale américaine a un réseau de 1 977 magasins aux États-Unis, en plus de 297 établissements ailleurs dans le monde (au Canada et au Mexique).

Home Depot est le plus important quincaillier des États-Unis.

L'an dernier, l'entreprise a enregistré des revenus de 88,5 milliards de dollars américains (112,4 G$ CA), soit une hausse de 6,4 % par rapport à 2014.

La marge du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) s'est établie à 15,6 % l'an dernier, comme en 2014. Il s'agit de la marge la plus élevée en cinq ans.

En juillet 2015, Home Depot a fait une acquisition majeure en mettant la main sur Interland Brands au coût de 1,6 G$ US. Cette transaction lui permet de prendre de l'expansion dans sa division PRO, qui s'adresse aux constructeurs et aux entrepreneurs en construction.

Les raisons d'être optimiste

Les investisseurs ont plusieurs raisons d'être optimistes, selon J.P. Morgan.

L'une d'elles est la stratégie de la direction visant à créer un one-stop shop (point de vente multiservice) pour le segment de marché MRO (l'acronyme anglais pour maintenance, repair et operations) au sein du réseau d'Interland Brands.

Ainsi, Home Depot pourrait vendre ses produits à cette clientèle par l'intermédiaire de ce réseau. «Cette acquisition permet à Home Depot de tirer profit de la croissance dans le segment des maisons multifamiliales», soulignent les analystes de J.P. Morgan.

Les efforts de l'entreprise pour améliorer l'efficacité de sa chaîne d'approvisionnement constituent un autre facteur positif. Par exemple, le quincaillier peut livrer directement 90 % de ses produits aux consommateurs en deux jours ouvrables.

Home Depot veut aussi réduire les délais entre la fabrication des produits par ses fournisseurs et leurs ventes sur ses tablettes. Actuellement, le délai moyen est de 11 jours. Le quincaillier veut le réduire à environ 5 jours.

Enfin, Home Depot pourrait faire d'autres acquisitions.

Les sources d'inquiétude

Le quincaillier n'est pas non plus à l'abri d'un ralentissement dans le secteur de la construction aux États-Unis, même s'il montre des signes d'amélioration ces dernières années. En 2014, la construction résidentielle a progressé de 1,8 %. L'an dernier, elle atteignait 8,9 %. Le ralentissement de la croissance économique au premier trimestre de 2015 (le PIB a seulement progressé de 0,5 %) est préoccupant.

Les recommandations des analystes

Conserver 8

Achat 11

Surperformance 9

Cible moyenne : 144,40 $ US

5. Wayfair

(W, 37,84 $ US)

En bref - Établi à Boston, Wayfair est le plus important détaillant américain en ligne en ce qui concerne les achats de meubles, d'articles d'ameublement et de décoration ainsi que de produits de quincaillerie du même type.

Wayfair a connu une très grosse année en 2015.

Ses revenus ont bondi de 77 % pour atteindre 2,3 milliards de dollars américains (2,9 G$ CA). Ils sont aussi en forte progression depuis trois ans, avec une croissance moyenne de 57 % par année.

Par contre, le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) est négatif depuis quelques années.

Selon les analystes, cette situation particulière tient au fait que Wayfair investit massivement pour augmenter sa présence à l'étranger et accroître sa clientèle, notamment au Canada et au Royaume-Uni.

La société a fait par le passé des acquisitions pour grandir, dont celle de DwellStudio, en 2013. Dans son rapport annuel 2015, la direction de Wayfair affirme qu'elle poursuivra cette stratégie.

Les raisons d'être optimiste

Malgré un BAIIA négatif, les analystes sont optimistes pour l'avenir. Les ventes de l'entreprise ont explosé ces derniers mois. Au quatrième trimestre seulement, elles ont bondi de 81 % pour atteindre 740 millions de dollars américains.

«Un marketing efficace et une solide stratégie pour renforcer la fidélité des consommateurs continuent à stimuler les ventes», affirment les analystes de Canaccord Genuity.

De plus, pour la première fois depuis longtemps, le quatrième trimestre affiche un BAIIA positif de 3 M$ US.

Enfin, selon la firme Oppenheimer, la stratégie d'affaires de Wayfair fait en sorte que le détaillant est bien positionné pour profiter de la migration graduelle des consommateurs vers des plateformes d'achat en ligne.

Les sources d'inquiétude

L'entreprise investit beaucoup pour accroître ses parts de marché.

Les analystes d'Oppenheimer estiment qu'il faudra sans doute attendre le quatrième trimestre de 2016 pour revoir à nouveau un BAIIA positif, car la société embauche du personnel, étend ses opérations et fait beaucoup de marketing. Par ailleurs, Wayfair devra à terme remettre davantage de valeur aux actionnaires.

Depuis le début de 2016, la valeur du titre a fondu de 24 % à 36 $ US. Et sur une période de cinq ans, l'action ne s'est appréciée que de 12 %. Pendant ce temps, l'indice S&P 500 gagnait 51 %.

Enfin, selon Oppenheimer, Wayfair fait face à plusieurs risques potentiels pour ce qui est de ses opérations et, ultimement, de ses parts de marché.

Par exemple, le détaillant pourrait pâtir de la concurrence accrue de grandes sociétés comme Amazon (AMZN, 717,93 $ US) et Alphabet (GOOGL, 728,07 $ US). Il pourrait aussi mal allouer ses ressources et son capital, ce qui risquerait d'éroder sa rentabilité à long terme.

Les recommandations des analystes

Conserver 7

Achat 5

Surperformance 5

Cible moyenne : 55,65 $ US

Source des données : Thomson Reuters

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