Le Canada s'apprête à imposer des tarifs douaniers aux exportations américaines

Publié le 29/06/2018 à 11:01

Le Canada s'apprête à imposer des tarifs douaniers aux exportations américaines

Publié le 29/06/2018 à 11:01

Par La Presse Canadienne

Quand le sénateur Patrick Toomey considère l'avenir du ketchup dans son État de la Pennsylvanie, il voit rouge. 

Dimanche, les droits de rétorsion canadiens de 16,6 milliards $ sur des douzaines de produits américains entreront en vigueur _ la réponse du pays aux tarifs imposés à l'acier et à l'aluminium par l'administration Trump.

Le ketchup est sur la liste préliminaire du Canada, et M. Toomey s'inquiète parce que Kraft Heinz a son siège social en Pennsylvanie. Quatre ans après que l'entreprise eut fermé ses portes à Leamington, en Ontario, éliminant 750 emplois au Canada, M. Toomey, un républicain, craint que les portes ne se referment maintenant au nez des travailleurs de son État.

«Leurs emplois sont menacés, a déclaré M. Toomey au secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, lors de son récent témoignage devant le Sénat. Je suis vraiment préoccupé par les représailles, qui n'ont même pas encore commencé à nous toucher, mais ça va frapper les gens qui fabriquent les produits Kraft et Heinz.»

L'impact des représailles du Canada s'étendra au-delà du ketchup, au-delà de la Pennsylvanie, au-delà de ses voisins, jusqu'aux autres États républicains du Midwest et du sud qui ont voté pour M. Trump, selon une analyse des exportations des États-Unis vers le nord réalisée par La Presse canadienne.

Les droits canadiens feront aussi mal à des États démocratiques comme New York, Washington et l'Illinois, préviennent les chiffres du gouvernement fédéral basés sur les données obtenues de Statistique Canada et du Bureau du recensement américain.

Peu de temps après que M. Trump eut annoncé les tarifs, le gouvernement Trudeau a menacé de percevoir une surtaxe de 10 pour cent sur des dizaines et des dizaines de biens de consommation américains _ à moins que les États-Unis ne reculent.

Washington ne donne aucun signe de vouloir fléchir, alors les représailles canadiennes devraient commencer dimanche, qui est aussi la fête du Canada. Le premier ministre Justin Trudeau marquera l'anniversaire du Canada en visitant deux endroits sur la ligne de front du conflit commercial: un grand affineur d'acier à Regina et la principale opération de mise en conserve et de transformation des aliments à Leamington abandonnée par Heinz.

Le Canada dévoilera vendredi la liste des produits qui seront taxés. En 2017, le Canada a importé pour environ 5 milliards $ de ces produits seulement de la Pennsylvanie, de l'Ohio, du Michigan, du Wisconsin et de l'Illinois.

L'Ohio, l'État qui détermine presque toujours qui gagne la présidence, est susceptible d'être le plus durement touché. Il a exporté pour environ 1,3 milliard $ de marchandises au Canada l'an dernier.

L'État est le principal exportateur d'une grande variété de produits au Canada qui feront probablement face à des tarifs douaniers. Sur la base des chiffres de 2017, la liste comprend: les machines à laver (131 millions $); le papier de toilette (91 millions $); un nettoyant pour le visage biologique (100 millions $); les tondeuses à gazon (83 millions $); les bougies (40 millions $); les désodorisants de salle (27,5 millions $); et la colle (23 millions $).

«L'Ohio, comme vous le savez, est frappé de façon disproportionnée et nous sommes plus durement frappés que les autres États par les tarifs de rétorsion canadiens», a récemment déclaré le sénateur Rob Portman, un républicain, au comité des finances du Sénat.

Mais il y a suffisamment de douleur pour tout le monde.

Parmi les articles ciblés, le Canada a importé près de 158 millions $ en jus d'orange de la Floride en 2017; près de 200 millions $ de café de l'État de Washington; environ 176 millions $ de papier toilette du Wisconsin et de l'Ohio réunis; et 112 millions $ en panneaux du Michigan pour les disjoncteurs et les fusibles.

Au chapitre du ketchup, la Pennsylvanie domine tous les États américains concernant les exportations vers le Canada avec 81 millions $ en 2017. Les ventes de l'État au Canada ont plus que doublé, passant de 45 à plus de 100 millions $ en 2015 _ l'année après le retrait de Kraft Heinz de Leamington .

Depuis 1994, avec l'arrivée de l'Accord de libre-échange nord-américain, Kraft Heinz affirme avoir développé des chaînes d'approvisionnement qui permettent au condiment de traverser le continent, y compris jusqu'au Mexique.

Av Maharaj, le vice-président des affaires juridiques et corporatives chez Kraft Heinz Canada, a déclaré à La Presse canadienne que l'entreprise était «manifestement déçue» par l'intensification de la lutte commerciale. Il insiste sur le fait que les droits de douane pourraient avoir un impact financier important sur l'entreprise, qui gagne 2 milliards $ par année au Canada. 

«Nous avons une chaîne d'approvisionnement très intégrée qui fonctionne à travers l'Amérique du Nord et nous ne croyons pas que les tarifs imposés par M. Trump ou le gouvernement canadien sont utiles pour les affaires», a déclaré M. Maharaj dans une interview.

«Nous commençons tout juste à bien saisir la situation, mais je peux vous dire que l'implication des tarifs sera (...) potentiellement de millions de dollars si nous ne faisons rien et nous regardons donc de toute évidence des deux côtés de la frontière et essayons de comprendre ce que nous pouvons faire du point de vue de la chaîne d'approvisionnement pour en minimiser les effets.»

La Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin se sont tous étroitement ralliés à M. Trump en 2016. Ces États comptent parmi ceux à qui les tarifs du Canada feront le plus mal.

Le gouvernement Trudeau assure qu'il a soigneusement évalué où placer ses contre-mesures.

«En dressant ces listes, le gouvernement et nos (...) fonctionnaires ont travaillé très fort pour trouver des listes qui auront le moins d'impact possible sur les Canadiens», a récemment déclaré la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, devant un comité parlementaire du commerce.

«Dans la mesure du possible, nous avons cherché à éviter les biens intermédiaires et à mettre des produits sur la liste qui peuvent être obtenus facilement auprès de fournisseurs canadiens ou d'autres fournisseurs non américains, a-t-elle ajouté. Le prix sera payé en partie par les consommateurs américains et par les entreprises américaines, et je pense que nous sommes tous d'accord qu'il est important que le Canada défende l'ordre international fondé sur des règles, et nous le ferons. Nous n'allons pas escalader et nous ne reculerons pas.»

Le président Trump s'est rendu au Wisconsin l'année dernière pour attaquer l'industrie laitière canadienne, qui est sous contrôle de l'offre, l'accusant de mettre les fermiers américains au chômage.

Au Wisconsin, les contre-mesures d'Ottawa visent un large éventail d'autres exportations importantes vers le Canada. Elles comprennent des mouchoirs, essuie-mains, serviettes et nappes (224 millions $); du papier de toilette (84,5 millions $); de la mayonnaise, de la vinaigrette et des condiments mixtes (72 millions $); et des sièges rembourrés en bois (66 millions $).

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