Une bonne histoire, svp !


Édition du 20 Octobre 2018

Une bonne histoire, svp !


Édition du 20 Octobre 2018

Tesla sera un succès boursier dans 10 ans seulement si, ­entre-temps, la société a su augmenter sensiblement sa production et réaliser des bénéfices importants.[Photo : Getty Images]

Notre cerveau est ainsi fait qu'on aime tous entendre une bonne histoire. C'est ce qui rend une présentation intéressante. C'est ce qui différencie un bon professeur d'un autre qui est ennuyeux. C'est aussi ce qui capte l'attention des investisseurs. Donnez-nous un titre boursier au sujet duquel on peut raconter une histoire simple et captivante, et 80 % de la vente est faite.

Des exemples ? Je pense à quelques vieilles histoires : «L'Internet est la voie du futur. Tout s'en va en ligne. Ceux qui n'investissent pas dans les titres Internet sont des dinosaures», ou bien «Les prix de l'immobilier ne peuvent que monter. C'est une façon presque certaine de s'enrichir», ou encore «Un titre qui procure un rendement du dividende de 6 % ne peut pratiquement pas baisser.» Enfin : «Tesla étant le premier acteur à avoir développé une gamme d'autos électriques, elle est la mieux placée pour dominer ce marché qui connaîtra une forte croissance au cours des nombreuses années à venir.»

Plus récemment, j'entends souvent cette belle histoire : «Avec sa légalisation du cannabis, le Canada développera une industrie et des acteurs qui domineront le vaste marché mondial du cannabis et de ses dérivés.» J'ai aussi écrit récemment sur le fait que les médias semblaient tous s'entendre pour dire que, après un marché haussier de 10 ans, une correction semblait inévitable - n'est-ce pas une autre belle histoire ?

Pourquoi sommes-nous tant influencés dans nos décisions par de telles histoires ? Dans son livre Sapiens, Yuval Noah Harari écrit : «Nous sommes les seuls mammifères qui peuvent coopérer avec de nombreux étrangers, car seulement nous savons inventer des histoires fictives, les diffuser et convaincre des millions d'autres personnes de les croire.»

Ces bonnes histoires l'emportent la plupart du temps sur les faits, ce que, en investissement, on appelle les données fondamentales. On se fait accrocher par cette belle histoire et le reste devient secondaire. Essayez de faire changer d'idée à un investisseur qui a été convaincu par une belle histoire.

De plus, une fois qu'on a pris la décision d'acheter, un autre biais psychologique vient prendre le relais pour nous convaincre qu'on a fait la bonne chose : le biais de confirmation. Il s'agit de cette tendance qu'on a de ne considérer que les informations qui viennent confirmer notre choix et d'ignorer ou de rejeter celles qui le remettent en cause. N'avez-vous jamais remarqué cette tendance chez les autres investisseurs ? (il est bien sûr difficile de le remarquer chez soi). L'investisseur qui a vendu toutes ses actions il y a quelques années parce qu'il croyait qu'une correction était imminente lit depuis ce temps quantité d'articles qui lui laissent croire que son raisonnement était bon.

«Show me the money !»

À mon avis, cette prédilection pour les bonnes histoires pourrait expliquer les évaluations souvent démesurées des titres de société de croissance. Des titres comme Tesla, Amazon ou Netflix présentent des histoires bien plus captivantes que celles des titres sous-évalués, délaissés des investisseurs et n'offrant rien de bien excitant.

Mais, à long terme, il faut bien plus qu'une belle histoire pour qu'un titre enrichisse les investisseurs; il faut surtout des bénéfices. Il faut que les finances finissent par suivre et qu'elles confirment les promesses de départ.

Tesla sera un succès boursier dans 10 ans seulement si, entre-temps, la société a su augmenter sensiblement sa production et réaliser des bénéfices importants. Avec une capitalisation boursière de 52 milliards de dollars acutllement, la commande est grosse.

J'en ai entendu, de belles histoires, depuis 1992 ! Rares sont celles qui ont réussi à confirmer ce qui semblait une idée initiale brillante. Vous rappelez-vous Orbite Technologies ? Cette société québécoise promettait au départ un procédé révolutionnaire pour extraire l'alumine de la bauxite, puis produire des métaux rares à même les rebuts miniers. Même chose pour Petrolia, qui promettait de produire du pétrole au Québec.

J'en suis venu à la conclusion que les plus belles histoires sont celles que nous racontent les faits, les chiffres et les feuilles de route des entreprises. Ce succès se traduit par des bénéfices importants et croissants et par un rendement élevé du capital investi. Couche-Tard, un des plus grands succès boursiers québécois des 30 dernières années, ne présentait pas une histoire particulièrement excitante à ses débuts - qui aurait été attiré par l'histoire d'un simple exploitant de dépanneurs québécois ?

On veut vous raconter une belle histoire ? Répondez que vous ne vous laissere

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