Pourquoi préférons-nous les actions de notre propre pays?

Publié le 11/06/2014 à 10:19

Pourquoi préférons-nous les actions de notre propre pays?

Publié le 11/06/2014 à 10:19

« On n'est jamais aussi bien que chez soi. » Le vieux dicton peut servir à décrire le désir et la tendance qu'ont les investisseurs à concentrer leurs placements, particulièrement en actions, dans leur propre pays, et parfois, dans des pays avoisinants avec lesquels les liens sont étroits. La prédilection pour son pays d'origine est un véritable phénomène que l'on observe non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Alors, pourquoi les investisseurs ont-ils tendance à privilégier les actions de leur pays par rapport aux actions étrangères?

D'un point de vue pratique, le penchant que l'on a pour son pays d'origine peut être justifié par des raisons comme des craintes liées à la devise et des coûts plus élevés associés à l'investissement à l'étranger. Si les investisseurs individuels détiennent des actifs financiers, c'est pour s'acquitter d'obligations telles que régler leurs dépenses ou financer leur revenu de retraite. La grande majorité de ces obligations sont payables dans la devise du pays d'origine de l'investisseur et fluctuent selon les taux d'intérêt du pays, donc conserver une portion de ses actifs en devise locale permet de protéger son portefeuille contre les fluctuations indésirables de la devise et des taux d'intérêt. Bien qu'on puisse avoir recours à une couverture contre le change, pour atténuer ces risques, une stratégie de couverture bien pensée peut s'avérer complexe et chère à exécuter, ce qui amène les investisseurs à privilégier les actifs qui se négocient et versent leurs distributions en devise locale.

Les coûts associés à la détention de titres extérieurs à son pays d'origine (sous forme de ratio de frais de gestion et d'impôts) peuvent être importants et dissuader quelqu'un d'investir à l'étranger. Pour les investisseurs canadiens, les fonds d'actions étrangères sont généralement plus coûteux que les fonds d'actions canadiennes. Les RFG des fonds d'actions étrangères sont en moyenne d'environ 20 points de base (0,2 %) de plus que ceux des fonds d'actions canadiennes. Cela constitue un obstacle de taille qui peut faire que les placements étrangers, qui pourraient par ailleurs être considérés attrayants, n'en valent pas la peine. Les sociétés étrangères peuvent faire l'objet d'une double imposition, ajoutant une autre série de coûts et dissuadant encore davantage les investisseurs de détenir des placements étrangers.

Une plus grande familiarité avec les marchés locaux et un meilleur accès à l'information les concernant permettent aussi d'influencer la décision des investisseurs qui doivent choisir entre les actions de leur pays et les actions étrangères. Les marchés développés tels que le Canada et les États-Unis, où l'on exige que les sociétés cotées en bourse communiquent régulièrement les renseignements importants à leurs commissions des valeurs mobilières respectives, facilitent l'accès aux informations. Ces mêmes informations sont plus difficiles à obtenir dans les marchés moins développés tels que les marchés émergents et les marchés frontières.

Les fantaisies de la nature humaine et de ses raisonnements influencent la façon dont les investisseurs choisissent leurs placements, souvent sans en être conscients. L'affect heuristique, terme utilisé par le lauréat du prix Nobel Daniel Kahneman, fait référence à la manière dont le jugement d'un individu est guidé par des sentiments d'approbation ou de rejet sans rationalité profonde. L'affect heuristique aide à comprendre le penchant que l'on a pour son pays d'origine car nous avons tendance à entretenir des sentiments positifs envers les pays et les sociétés que nous connaissons et à nous sentir généralement moins à l'aise avec les placements qui nous sont moins familiers ou inconnus. Même l'investisseur le plus chevronné est susceptible d'adopter ce comportement inné.

La plupart des produits de placement élaborés au Canada intègrent un penchant inhérent pour ce pays. Pour ceux qui investissent dans un fonds de placement « préfabriqué » composé de catégories d'actifs multiples, il y a une bonne chance pour qu'une portion importante des actifs de ce produit soient investis au Canada. Si l'on examine les avoirs des 182 fonds de la catégorie Équilibrés mondiaux neutres, la répartition moyenne est de 19,1 % dans les actions canadiennes, 17,6 % dans les actions américaines et 13,9 % dans les actions internationales, le restant étant investi dans des obligations (principalement canadiennes) et des liquidités. Cela représente une surpondération importante d'actions canadiennes, sachant que le marché boursier canadien représente seulement 4 % de la capitalisation totale du marché boursier mondial, selon l'Indice MSCI Monde (tous pays).

Au cours des dix dernières années, les investisseurs canadiens qui ont choisi de conserver dans leur pays leurs placements en actions ont été bien récompensés. La solidité de la croissance mondiale, particulièrement en Chine, a alimenté le prix des marchandises et le cours du dollar canadien en raison d'un engouement insatiable pour les matières premières énergétiques et les marchandises. L'Indice composé S&P/TSX a obtenu un rendement moyen de 8,8 % au cours des dix années se terminant le 30 avril 2014, faisant du Canada l'un des pays les plus performants et surpassant de nombreux marchés étrangers, y compris celui des États-Unis où l'Indice S&P 500 a connu une hausse de seulement 5,3 % (en dollars canadiens). Mais bien que les chiffres fassent la part belle à long terme aux actions canadiennes, le marché canadien a ces douze derniers mois été à la traîne des marchés américains et mondiaux, alors que les prévisions d'une croissance mondiale léthargique ont fait baisser le cours des marchandises et entraîné dans leur chute les actions canadiennes.

Un portefeuille comportant une proportion importante d'actions canadiennes pourrait apporter une forte volatilité. Notre marché est extrêmement concentré dans trois secteurs, à savoir les services financiers, l'énergie et les matériaux, qui constituent ensemble plus de 70 % de l'indice boursier. Pendant la crise financière mondiale, les investisseurs qui avaient un fort penchant pour les actions canadiennes ont souffert d'un manque de diversification. Entre mai 2008 et février 2009, l'Indice composé S&P/TSX a chuté de plus de 43 % tandis qu'un indice plus diversifié comme le S&P 500 n'a baissé que de 32 %. La diversification en dehors du Canada permet d'élargir son univers de placement à des secteurs sous-représentés dans notre marché comme les soins de la santé, la technologie de l'information et la consommation.

Au moment de bâtir un portefeuille bien diversifié, il est important de reconnaître ses tendances naturelles et de s'efforcer de minimiser l'impact négatif d'un penchant pour son pays d'origine. Même si investir au pays s'est avéré fructueux pour les investisseurs canadiens par le passé, particulièrement en périodes de boum des marchandises, la détention de placements étrangers est profitable à long terme du point de vue de la gestion du risque et de la diversification.

Par Iris Mak, consultante en placements et gestionnaire de portefeuille pour le groupe consultatif sur les placements de Morningstar Investment Management.

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