Où sont les activistes?


Édition du 20 Février 2016

Où sont les activistes?


Édition du 20 Février 2016

Par Dominique Beauchamp

[Photo : Shutterstock]

Le putsch spectaculaire orchestré par William Ackman chez Canadien Pacifique en 2012 n'a pas déclenché la vague d'activisme prévue au Canada, même si cet investisseur a quintuplé sa mise entre ce moment et mars 2015. Certains activistes restent toutefois bien actifs en coulisse et réclament des changements au sein des entreprises où ils ont investi dans l'espoir d'en extraire plus de rendement. Cinq cas d'activisme sous la loupe.

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ABSOLUTE SOFTWARE : LE SPÉCIALISTE DES LOGICIELS DE PROTECTION TENTE TOUJOURS DE SE REVALORISER

ACTIVISTE : ERIC ROSENFELD, CRESCENDO PARTNERS

HAUTEUR DE LA PARTICIPATION : 5,7 %

Eric Rosenfeld, de Crescendo Partners, est entré au conseil d'Absolute Software (ABT, 5,96 $) en décembre 2012 dans le but de mettre au jour sa valeur cachée.

Cet investisseur activiste de New York se targue d'une vingtaine d'interventions actives au Canada depuis 20 ans.

Plusieurs de celles-ci se sont soldées par la vente des entreprises. Com Dev, Pivotal, Matrikon, Geac, Emergis, Ad Opt et Dalsa n'en sont que quelques exemples.

Le cas d'Absolute, de Vancouver, s'avère toutefois plus laborieux que prévu pour le financier, qui conserve ses placements trois ans en moyenne.

Le petit fournisseur de logiciels qui servent à protéger les appareils mobiles du vol avait tous les ingrédients pour devenir un autre trophée de chasse de M. Rosenfeld : des liquidités au bilan, un créneau négligé par les grands acteurs de la technologie, des revenus récurrents, etc.

L'investisseur y a répliqué sa formule habituelle de mise en valeur : l'instauration d'un dividende dès son arrivée et des dividendes croissants depuis, de nouveaux hauts dirigeants, la vente de divisions superflues, une refonte de l'équipe de vente, ainsi qu'un important rachat d'actions.

« Nous gardons notre placement jusqu'à ce que son cours atteigne sa juste valeur », explique-t-il en entrevue.

Des bénéfices, un bilan sans dette, une encaisse de 1,91 $ par action et un dividende de 5,1 %, voilà de quoi faire patienter M. Rosenfeld plus longtemps.

À première vue, son évaluation de plus de 30 fois les bénéfices prévus semble déjà très généreuse, mais elle l'est moins en fonction de l'étalon de l'industrie. Son ratio cours/bénéfice d'exploitation est de 30 % inférieur à celui de son groupe repère canadien, et de moitié inférieur à celui d'autres fournisseurs américains de logiciels en tant que service (SaaS).

La relance d'Absolute tarde à donner des résultats en Bourse, reconnaissent les analystes. La mauvaise conjoncture, de même que la désaffection des investisseurs pour les actions canadiennes et les titres à faible capitalisation n'aident pas.

Trois d'entre eux ont néanmoins bon espoir que le recrutement d'un nouveau vice-président marketing, qui arrive de Symantec, et qu'un nouvel effort de mise en marché, commenceront à rapporter à partir du deuxième semestre de 2016.

Absolute cherche notamment à diversifier sa clientèle hors de son créneau d'origine de l'éducation, ainsi qu'à faire passer ses ventes à l'étranger de 12 à 40 % de ses revenus.

› Ratio cours/bénéfice 2016 : 30

› Recommandations des analystes

› Cible moyenne : 11 $

› Achat : 3

› Surperformance : 6

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BREUVAGES COTT : L'HISTOIRE RESTE PÉTILLANTE

ACTIVISTE : ERIC ROSENFELD, CRESCENDO PARTNERS

PARTICIPATION : 472 171 ACTIONS (PLACEMENT PERSONNEL)

Il y a déjà huit ans que Crescendo Partners joue son rôle d'activiste chez le fournisseur de boissons gazeuses Breuvages Cott (BCB, 13,18 $). L'investisseur a délogé les hauts dirigeants, tranché dans les dépenses farfelues et recentré la stratégie.

D'ailleurs, Crescendo a depuis distribué le bloc de 8 % des actions de Cott aux investisseurs dans ses fonds, mais M. Rosenfeld conserve un placement personnel.

L'action de Cott a plus que quintuplé depuis l'achat original de 2008, mais le financier estime que l'entreprise peut encore profiter de sa diversification, une diversification qui lui a notamment permis de devenir un important distributeur d'eau embouteillée et de café dans les bureaux et à domicile.

En décembre 2014, Cott a en effet acquis DS Services pour 1,25 milliard de dollars américains. En janvier, Cott a aussi mis la main sur le distributeur canadien d'eau embouteillée Aquaterra pour 62 millions de dollars.

Désormais, 75 % de son bénéfice d'exploitation provient de breuvages pour lesquels la demande est en croissance, que ce soit l'eau, le café ou les boissons énergisantes.

Comme l'explique Nik Modi, analyste chez RBC Marchés des Capitaux, le plan de Cott pour procurer du rendement à ses actionnaires repose essentiellement sur ses flux de trésorerie et sa culture économe.

Ses boissons gazeuses de marque privée sont en déclin, mais lui procurent encore des fonds annuels d'environ 100 M $ US qui financent ses acquisitions.

Les revenus de la distribution d'eau et de café croissent modestement de 3 à 4 % par an, mais des acquisitions annuelles de 10 à 20 M$ US peuvent ajouter de 3 à 6 M$ US au bénéfice d'exploitation.

DS Services peut notamment fermer des entrepôts superflus et densifier ses circuits de distribution.

Cott pourra aussi offrir ses boissons aux dépanneurs et aux petits magasins de quartier en se servant du réseau de transport de DS. À l'inverse, DS pourra à son tour ajouter les eaux aromatisées et les thés de Cott à son service de livraison aux entreprises et à domicile.

M. Modi prévoit donc que les flux de trésorerie progresseront de 144 à 185 M$ US d'ici 2018.

L'analyste espère que ce nouveau profil plus diversifié et plus stable de Cott, qui dépend moins qu'avant des détaillants, haussera davantage son évaluation au fil du temps.

› Ratio cours/bénéfice : 30

› Recommandations des analystes

› Cible moyenne : 14,50 $

› Achat : 4

› Conserver : 6

› Surperformance : 1

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MICROSOFT : LE VIRAGE INFONUAGIQUE DU NOUVEAU PDG COMMENCE À RAPPORTER

ACTIVISTE : MASON MORFIT, VALUEACT CAPITAL PARTNERS

ACTIONNARIAT : 56,6 MILLIONS D'ACTIONS, OU 0,7 %

Presque trois ans après l'investissement initial de deux milliards de dollars de ValueAct Capital Partners dans Microsoft (MSFT, 48,46 $ US), son nouveau président commence à transformer l'entreprise.

« C'est le type d'activisme qui nous plaît le plus, car les changements sont fondamentaux, bien visibles et s'étaleront sur plusieurs années », indique Larry Sarbit, gestionnaire du Fonds IA Clarington Catégorie Sarbit d'opportunités activistes.

Lancé en mars 2013 pour refléter les placements des grands activistes, ce fonds a modifié son approche en cours de route en raison de l'approche inégale des activistes qui sont souvent trop superficiels, pressés ou conflictuels.

« Ce qui crée de la valeur, ce n'est pas la réputation de tel ou tel activiste, mais bien la nature des moyens concrets entrepris ensuite pour mettre à jour l'entreprise », explique-t-il en entrevue.

Les pressions de ValueAct, qui siège toujours au conseil, ont fourni l'étincelle pour que Microsoft se recentre plus rapidement sur son avantage concurrentiel auprès des entreprises et répartisse mieux son capital.

Le virage vers l'informatique en nuage du pdg Satya Nadella, qui remplace les revenus de licences par des revenus d'abonnement, commence à rapporter. Même si la force du dollar américain masque la croissance à court terme.

Microsoft sera l'une des grands gagnantes de l'informatique en nuage, car les utilisateurs d'affaires de Windows, d'Outlook et d'autres logiciels de productivité sont des clients naturels qui migreront vers ses solutions dématérialisées Azure et Office365, croit M. Sarbit.

« La familiarité des logiciels et le coût énorme que représenteraient un changement de plateforme pour les entreprises procurent un net avantage à Microsoft », soutient le financier de Winnipeg.

Même si Microsoft a déjà surpassé la performance du S&P 500 de 38 % depuis un an et que son titre n'est plus une aubaine, il continuera d'être réévalué à mesure que les investisseurs comprendront que ses flux de trésorerie peuvent croître de 10 % par an, prévoit-il.

› Ratio cours/bénéfice : 19

› Recommandations des analystes

› Cible moyenne : 58,90 $ US

› Achat : 10

› Conserver : 9

› Vendre : 3

› Surperformance: 12

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GLACIER MEDIA : LA SOMME DES PARTIES DU HOLDING VAUDRAIENT PLUS QUE LE TOUT

ACTIVISTE : STEPHEN TAKACSY, GESTION D'ACTIFS LESTER

HAUTEUR DE PARTICIPATION : 2 %

Depuis deux ans, Stephen Takacsy, de Gestion d'actifs Lester, presse les dirigeants du petit holding de communication Glacier Media (GVC, 0,69 $) de mettre de l'ordre dans ses affaires afin de démasquer la valeur de ses actifs cachés.

La société de Vancouver a été trop lente à réagir, si bien qu'elle a raté l'occasion de vendre à juste prix des journaux communautaires, cite-t-il en exemple.

« Ils ont vendu un magazine ontarien et certains immeubles pour 55 M $. Ils ont aussi échangé des journaux avec Black Press. Les initiés achètent des actions depuis l'automne, mais ce n'est pas assez », soutient le gestionnaire de Montréal. La société devrait vendre d'autres journaux au Manitoba et d'autres immeubles et réduire sa dette pour relever sa valeur, fait-il valoir.

Déjà frappée par le déclin des médias et le plongeon du pétrole, Glacier Media a éliminé son dividende en août, et son action s'est enfoncée jusqu'à 0,55 $, en octobre.

Avant l'assemblée du mois de mai, M. Takacsy compte bien rappeler au président Jonathan Kennedy, soit par écrit, soit au téléphone, qu'il veille encore au grain.

Le financier reste convaincu que les composantes de Glacier valent plus que le tout.

« Le joyau est sans doute sa coentreprise FundData, qui collige les données sur les fonds communs de placement au pays. Elle vaut probablement à elle seule plus que la valeur boursière déprimée de 55 M $ de toute l'entreprise », dit-il.

Ses autres activités de valeur englobent des publications, des répertoires, des sites Web, des conférences et des banques de données qui servent les industries de l'énergie, de l'agriculture, des mines et de l'environnement.

Glacier exploite le portail immobilier REW.ca, en Colombie-Britannique, ainsi que le fournisseur d'informations météorologiques Weather INnovations, qui compte notamment 1 600 antennes de collecte de données au pays.

Sa filiale STP publie des guides techniques et réglementaires pour une foule de professions dans les domaines de la sécurité, de la santé, du transport, de l'environnement, de la gouvernance et de l'Internet.

Un autre chasseur d'aubaines réputé, Chou Associates, possède un peu plus de 500 000 actions de Glacier Media.

› Ratio cours/bénéfice : 10

› Recommandations des analystes

› Cible moyenne : 1 $

› Conserver : 6

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TRANSGLOBE ENERGY : LA CHUTE DU PÉTROLE CONTRECARRE LA CAMPAGNE

ACTIVISTE : CHRISTIAN GODIN, PLACEMENTS MONSTRUSCO BOLTON

HAUTEUR DE PARTICIPATION : 11,4 %

La déprime du pétrole n'est pas l'occasion idéale pour faire pression sur un producteur, mais depuis des mois, Christian Godin, de Placements Montrusco Bolton, demande à Trans-Globe Energy (TGL, 1,69 $) d'améliorer sa gouvernance et d'agir pour relever sa valeur.

La société de Calgary est un petit producteur de pétrole dont les puits se situent en Égypte et au Yémen.

Actionnaire depuis huit ans, M. Godin est de plus en plus frustré de voir la performance de la société tirer de l'arrière par rapport à son industrie, malgré des réserves et une production croissantes, de faibles coûts d'exploitation et un bon bilan.

Après des discussions avec les dirigeants, au début de 2015, deux de ses demandes ont été acceptées : un vote consultatif sur la rémunération et une période de préavis avant la nomination des administrateurs.

En revanche, deux autres propositions ont été rejetées à l'assemblée annuelle du 7 mai dernier, en dépit de la campagne de M. Godin pour convaincre d'autres actionnaires de l'appuyer.

L'une aurait donné le droit aux actionnaires de ratifier tout projet qui aurait dilué l'actionnariat de plus de 25 %. L'autre aurait exigé que la société obtienne l'approbation des actionnaires avant d'investir dans un pays qui ne respecte pas la règle de droit en vertu d'un classement de la Banque Mondiale.

M. Godin a donc renchéri en décembre en envoyant une lettre ouverte aux membres du conseil d'administration rappelant les manquements des dirigeants.

Il enjoignait le conseil de prendre diverses mesures pour revaloriser la société. Notamment : un rachat d'au moins 30 % des actions, l'obligation des dirigeants d'acheter des actions, ainsi que la nomination de nouveaux administrateurs plus aptes à améliorer la valeur de la société.

Finalement, il demandait au conseil d'initier un processus pour la mise aux enchères éventuelle de la société.

« C'est sûr qu'au cours actuel du pétrole, TransGlobe Energy n'est plus rentable et limite ses dépenses. Il n'en reste pas moins que l'action s'échange près de son niveau d'encaisse », explique M. Godin, visiblement mécontent de la tournure des événements.

Le courtier Canaccord Genuity a récemment placé TransGlobe dans sa liste des entreprises susceptibles d'être acquises.

› Ratio cours/bénéfice : s.o.

› Recommandations des analystes

› Cible moyenne : 3,90 $

› Achat : 2

› Conserver : 4

› Sousperformance : 1

› Surperformance : 4

Quelques chiffres

› 551 sociétés dans le monde ont été visées par des actionnaires activistes en 2015, 19 % de plus qu'un an plus tôt.

› 50,7 % des activistes ont réclamé des changements aux conseils en 2015

› 173 G $ US : actif mondial des activistes.

Source : Activist Insight

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