Marijuana : le marché est-il dopé?

Offert par Les Affaires


Édition du 16 Juin 2018

Marijuana : le marché est-il dopé?

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Édition du 16 Juin 2018

Par Dominique Beauchamp

[Photo: 123RF]

Avec plus de 80 sociétés inscrites en Bourse dont la valeur totale est déjà de 30 milliards de dollars, l'industrie canadienne de la marijuana a d'énormes attentes à satisfaire.

Les transactions entre producteurs attisent la spéculation. Les conférences de courtiers se multiplient. Les investisseurs institutionnels mettent l'orteil à l'eau. Chaque entreprise affirme avoir la bonne stratégie pour se démarquer du lot. Le marché serait-il dopé ?

Canopy Growth, une première de classe très chère

WEED, 39,17 $
Valeur boursière : 7,8 G $
Gain depuis 12 mois : 433 %
Revenus prévus en 2019 : 766,5 M $
Bénéfice d'exploitation prévu en 2019 : 157 M $
Multiple du bénéfice d'exploitation 2019 : 49 fois

La doyenne de l'industrie, avec une valeur boursière de 7,3 G $, a pris une bonne longueur d'avance à plusieurs égards, mais sa riche évaluation dérange.

Le copropriétaire des Serres Vert Cannabis, à Mirabel, est le préféré des gros investisseurs pour sa taille, son accès aux capitaux, sa plateforme nationale de production de premier plan, sa part de 30 % du marché médical et sa diversification internationale.

Canopy a pris pied en Allemagne, au Brésil, au Chili et en Australie.

Ces atouts lui procurent un avantage concurrentiel indéniable pour mener l'industrie tel qu'elle l'ambitionne, croit Jason Zandberg, de PI Financial, qui prévoit un gain d'encore 24 %, à 45 $.

Canopy comptera 13 établissements de culture autorisés dans sept provinces et d'importants stocks de cannabis séché (la moitié du total de l'industrie) pour répondre à la demande dès que les ventes récréatives seront autorisées.

Son espace de croissance autorisé, actuellement de 2,4 millions de pieds carrés, pourrait grimper à 5,6 millions.

Cette avance pourrait lui valoir de loyaux clients, signale Douglas Waterson, gestionnaire du Fonds Ninepoint-UTI Alternative Health Fund.

L'ontarienne a aussi conclu des ententes pour vendre son cannabis à l'étranger, ententes qui lui seront utiles pour écouler sa marijuana si la demande canadienne se révélait inférieure aux prévisions.

« Canopy est vraiment la pionnière : première inscription en Bourse, première à entrer au S&P/TSX et au New York Stock Exchange, première à réaliser des acquisitions et à percer à l'étranger, première à attirer un investisseur stratégique en Constellation Brands, etc. Par contre, son multiple de 51 fois le bénéfice d'exploitation que je prévois est tout simplement trop élevé », écrit Russell Stanley, d'Echelon Partners, qui recommande de vendre le titre.

Neil Maruoka, de Canaccord Genuity, suggère de conserver le titre pour lequel il a un cours cible à 27,50 $.

Aurora Cannabis, une fonceuse qui multiplie les achats à fort prix

ACB, 8,40 $
Valeur boursière : 4,7 G $
Gain depuis 12 mois : 287 %
Revenus 2020,1 : 846,3 M $
Bénéfice d'exploitation 2020,1 : 297,2 M $
Multiple du bénéfice d'exploitation 2020, : 25,0 fois

Aurora Cannabis n'a pas froid aux yeux. L'entreprise dirigée par l'audacieux Terry Booth boucle deux grosses transactions milliardaires coup sur coup pour tenter de coiffer sa grande rivale Canopy Growth.

Après l'achat en cours du deuxième producteur de cannabis médical MedReleaf pour 3,2 G $, et celui, en janvier, de CanniMed pour 1,1 G $, Aurora deviendra le premier producteur mondial, avec une capacité de 570 000 kg, se targue-t-elle.

À un prix de 4 $ à 5 $ le gramme, cette production générerait des revenus de 2,3 G $ à 2,8 G $ par année.

Sa valeur boursière passera à 7 G $, ce qui surpasse la valeur de 5,7 G $ du cannabis consommé au Canada en 2017, selon Statistique Canada.

Si les actionnaires approuvent la transaction MedReleaf en juillet, l'entreprise d'Edmonton élargira considérablement son offre, en particulier les huiles, capsules et crèmes à base de cannabis, qu'elle compte vendre à Shoppers Drug Mart et exporter en Allemagne, en Italie, au Brésil et en Australie.

MedReleaf détient 20 % du marché du cannabis médical au pays.

Si sa stratégie de masse critique et de diversification est claire, certains financiers n'apprécient pas le prix fort payé pour ces deux achats.

Aurora a payé un multiple de 24-25 fois le bénéfice d'exploitation pour MedReleaf et CanniMed, note Douglas Paterson, gestionnaire du Fonds Ninepoint-UTI Alternative Health Fund.

L'entreprise, présente à Pointe-Claire et à Lachute, prend aussi les bouchées doubles en intégrant deux producteurs, en plus de construire deux serres de grande superficie en Alberta, ce qui accroît nettement le risque d'exécution, croit-il.

« Avec MedReleaf, Aurora met la main sur un exploitant réputé pour la qualité et le bon rendement de ses récoltes. Toutefois, nous doutons que le marché international puisse absorber toute la production de la société combinée », affirme Martin Landry, de GMP Valeurs mobilières.

Au prix fort payé de huit fois les revenus, M. Landry ne peut imaginer un rendement de plus de 5 % sur cet investissement.

L'analyste augmente son cours cible de 7,50 $ à 8 $, mais il recommande de conserver le titre, sans plus.

Aphria, un cultivateur efficace sous-estimé

APH, 12,17 $
Val. boursière : 2,5 G $
Gain depuis 12 mois : 123 %
Revenus prévus en 2019 : 449,7 M $
Bénéfice d'exploitation prévu en 2019 : 189,8 M $
Multiple du bénéfice d'exploitation 2019 : 17,9 fois

Aphria ne joue pas dans la même ligue que les géants Canopy et Aurora. Sa démarche s'apparente davantage à celle d'un cultivateur efficace, ce qui plaît à Douglas Paterson, de Faircourt Asset Management.

Le troisième fournisseur de cannabis médical produit à faible coût dans des serres extérieures et bénéficie d'un accès facile aux fournisseurs agricoles locaux. Il en coûte 55 $ le pied carré pour ériger ses serres, par rapport aux serres intérieures, qui coûtent de 250 $ à 300 $, note Martin Landry, de GMP Valeurs mobilières.

Grâce à la lumière naturelle, ses coûts en électricité sont le douzième de ceux des serres intérieures ; ses dépenses en engrais sont à peine 2 % de celles de ses semblables. Sa marge brute atteint 74 %. Aphria a d'ailleurs enfilé dix trimestres de flux de trésorerie positifs. Les analystes prévoient que sa marge d'exploitation passera de 31 % à 42 % entre 2018 et 2019.

L'entreprise s'appuie sur cette réputation pour émettre 225 M $ d'actions. Le hic : le prix de 11,85 $ est 7 % inférieur au cours de l'action, avant ce financement. Le PDG, Vic Neufeld, a dirigé le fabricant de vitamines Jamieson Wellness entre 1993 et 2014. « Il est donc très familier avec les détaillants, dont Shoppers Drug Mart et Southern Glazer, à qui l'entreprise vendra ses produits médicaux », évoque M. Paterson.

L'international n'est pas en reste, avec un importateur en Allemagne qui compte implanter un réseau de cliniques ; un laboratoire à Malte qui servira de tremplin pour vendre en Europe ; un partenariat pour exporter et importer en Colombie et en Argentine ; un intérêt de 33 % dans le producteur australien Althea et un partenariat en Afrique du Sud.

M. Landry a une cible à 20 $ pour ce futur fournisseur de la SAQ.

Hydropothecary, un producteur émergent bien positionné au Québec

THCX, 4,88 $
Valeur boursière : 928 M $
Gain depuis 12 mois : 181 %
Revenus prévus en 2019 : 191,6 M $
Bénéfice d'exploitation prévu 2019 : 62,3 M $
Multiple du bénéfice d'exploitation 2019 : 14,3 fois

Le seul producteur autorisé établi au Québec estime qu'il raflera 8 % du marché d'ici trois ans grâce à son contrat d'approvisionnement de cinq ans auprès de la Société des alcools.

Il affirme être le producteur le plus économique, affichant des coûts au comptant de 0,97 $ le gramme, bien que la majorité de ses serres ne soient pas encore fonctionnelles.

Hydropothecary veut faire passer sa production de 3 600 à 108 000 kg d'ici 2019, en érigeant deux nouvelles serres et lorgne des acquisitions, ce qui pose des risques d'exécution.

La société dispose tout de même d'une encaisse de 267 millions de dollars pour mener à bien ses projets.

Douglas Waterson, gestionnaire du Fonds Ninepoint-UTI Alternative Health Fund, apprécie surtout sa capacité à concevoir des produits distinctifs tels que le premier vaporisateur bucal d'huile de cannabis au pays, Elixir, et la poudre de marijuana activée Decarb Micro.

D'ailleurs, le PDG Sébastien St-Louis a confié à l'agence de publicité Sid Lee le lancement de la nouvelle marque HEXO, créée spécifiquement pour le marché récréatif. Ses ventes en ligne seront sous la responsabilité du spécialiste Shopify.

La société de Gatineau espère bientôt graduer de la Bourse de croissance à la Bourse de Toronto, après avoir déposé une demande à cet effet.

« Son évaluation devrait en profiter puisque les producteurs de la Bourse de Toronto s'échangent à un multiple de 24,3 fois le bénéfice d'exploitation, 75 % de plus que le multiple moyen de 13,9 fois des fournisseurs inscrits à la Bourse de croissance », indique Russell Stanley, d'Echelon Partners.

L'analyste accole au titre une recommandation « achat spéculatif ». Son cours cible de 6,75 $ est 26 % de plus que le cours actuel.

Martin Landry, de GMP Valeurs mobilières, est plus généreux, avec une cible à 8,50 $.

 

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