De Clinton à Ackman, l'effondrement de Valeant

Publié le 17/03/2017 à 07:30

De Clinton à Ackman, l'effondrement de Valeant

Publié le 17/03/2017 à 07:30

Par lesaffaires.com

-95%. Un véritable écroulement. Plus de 98 milliards de dollars évaporés en dix-huit mois. Voici le cours de l'histoire.

Les marchés souffrent parfois de trous de mémoire. Les générations d’investisseurs se succèdent, certaines sans avoir révisé les leçons du passé. Les Affaires vous propose alors de jalonner l’histoire récente d’une entreprise cotée. Une ascension fulgurante. Une descente aux enfers. Un retour d'entre les morts.

Nous passons en revue aujourd'hui le cours de l’action phare de l’été 2015 qui brillait au sommet de la Bourse canadienne: Valeant (Tor., VRX). La pharmaceutique de Laval affichait à l'époque une capitalisation de marché de plus de 110 milliards $, soit plus que la Banque Royale. À l'heure d'écrire ces lignes, elle ne pèse plus «que» 5 milliards. 

Dernier événement en date, Pershing Square, le fonds spéculatif de l'investisseur activiste américain Bill Ackman, a liquidé l'intégralité de sa participation dans le groupe (8%) ce lundi. Il faut dire qu'Ackman, défenseur de la stratégie de Valeant, subit aussi des pressions quant aux perfornances de sa firme d'investissement. Mais il a choisi un moment vraisemblablement discutable pour jeter l'éponge. L'action du laboratoire est lourdement tombée à Toronto.

La spirale négative a en fait commencé avec un tweet, dont l'actuel président américain n'a pas le monopole. L'ancienne Première Dame des États-Unis et politicienne chevronnée Hillary Clinton réagit à vif à un article du New York Times relatif à l'augmentation démentielle d'un médicament sur le marché depuis des décennies. Valeant se fait happer par le courant baissier.

À partir de cette saillie politique, le modèle d'affaires de Valeant va essuyer des attaques tous azimuts, notamment après que la firme spécialisée dans la vente à découvert Citron Research eut publié un rapport incisif sur l'augmentation marquée des prix de plusieurs de ses médicaments.

Les mots employés par les rapporteurs ne s'embarrassent d'aucune nuance: «Valeant est une tumeur maligne pour le système de santé américain qui doit être retirée avant qu'elle n'infecte les compagnies saines».

Dix-huit membres de la Chambre des représentants réclament alors une comparution du président de Valéant pour le sommer d'intervenir sur les pratiques commerciales. Les analystes espèrent alors que l'orage politico-médiatique va passer et que le marché va se recentrer sur les fondamentaux. Toutefois, la pression ne fera qu'augmenter.

Citron Research revient à la charge peu de temps après, comparant Valeant à un «Enron pharmaceutique», du nom du géant déchu de l'énergie au coeur d'un scandale au début des années 2000. La société de spéculation accuse Valeant d'entente illégale avec le spécialiste des commandes postales Philidor. Citron affirme que les deux entités ont créé un réseau entier de pharmacies fantômes qui permet de générer de fausses ventes de médicaments ou d’éviter tout simplement l’attention des auditeurs.

«Les déclarations trompeuses à l'endroit de Valeant ressemblent à une tentative visant à manipuler le marché afin de faire baisser le prix de l'action, écrit une porte-parole. Nous réitérons (...) notre respect des règles comptables et des lois», déclare l'entreprise.

Hospitalisé, le président et chef de la direction de Valeant, Michael Pearson, s'absente. Les rênes de l'entreprise sont alors confiées à trois de ses hauts dirigeants.

L'année 2016 ne démarre pas sous de meilleurs auspices: des élus américains dévoilent des documents qui détaillent comment Valeant a gonflé les prix de certains médicaments utilisés pour traiter des patients avec des problèmes cardiaques, le sida ou le cancer. Valeant gèle rapidement les prix, ajoutant que les hausses seraient moins marquées dans l'avenir.

Après un congé de maladie de neuf semaines, Pearson réapparait à la tête de l'entreprise. Cependant, la pharmaceutique confirme qu'elle est sous enquête du gendarme financier américain. Le 15 mars 2016, Valeant perd 15 milliards $ en valeur boursière en une séance après la présentation de résultats décevants. La semaine suivante, le départ définitif de Michael Pearson est annoncé ainsi que l'arrivée au sein du conseil d'administration de Bill Ackman.

Entretemps, le navire accueille un nouveau capitaine: le vétéran de l'industrie qui était jusqu'à tout récemment aux commandes de la société irlandaise Perrigo, Joseph Papa, hérite d'une société en grande difficulté, à la limite de ses conventions de crédit.

Des documents révèlent que Michael Pearson recevra près de 1 million $ US pour continuer de conseiller la controversée pharmaceutique au moins jusqu'à la fin de 2017. Ce montant s'ajoutant à l'indemnité de départ de 9 millions $ US. Sans oublier qu'il était un an auparavant le PDG le mieux rémunéré au Canada, après avoir empoché 183 millions $ grâce à des bonus de 2,56 millions $ et à des gains de 179 millions $ en actions.

En ce mois de mars 2017, Valeant continue de faire face à plusieurs vents contraires, telle la perte d'exclusivité sur plusieurs produits pharmaceutiques ou la forte concurrence sur quelques médicaments majeurs comme le Xifaxan, un antibiotique qui combat les infections dans les intestins. La société serait en mesure de payer ses échéances de dette en 2017, mais la dette préoccupe car d'imposantes échéances en 2018 laissent prédire à certains que Valeant va devoir la restructurer.

 

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