Le gouvernement et l'apprentissage de la gouvernance

Publié le 28/05/2013 à 10:03, mis à jour le 16/11/2016 à 11:03

Le gouvernement et l'apprentissage de la gouvernance

Publié le 28/05/2013 à 10:03, mis à jour le 16/11/2016 à 11:03

Comme presque tous les gouvernements du Québec avant lui, le présent gouvernement semble en mode d’apprentissage en matière de gouvernance des sociétés et organismes de l’État québécois. Pour le moment, il trébuche d’une mauvaise décision à une autre.

Les derniers jours nous ont donné deux exemples de méconnaissance des principes fondamentaux de la gouvernance.

La banque de développement économique

D’abord, ce fut la proposition d’une structure de gouvernance alambiquée pour la Banque de développement économique. L’arrangement proposé contrevenait à tous les principes de gouvernance, dont le premier : « Aucune société ne devrait être complexe à un point tel que son conseil d’administration ne puisse la gouverner efficacement » (Allaire et Firsirotu, 2010).

Or, la mission et la structure qui étaient proposées pour la Banque de développement économique, faite de conseils superposés et de multiples métiers financiers relevant du même conseil, en aurait fait un organisme ingouvernable, incapable de « livrer la marchandise ».  

Le CHUM

Puis, on apprend que le directeur général du CHUM est convoqué devant la commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale. Il semble que non seulement le gouvernement mais la députation, tout parti confondu, ignore que c’est au conseil d’administration et à son président qu’il revient de répondre aux questions de gouvernance de cette commission. 

La gouvernance de l’État du Québec

L’État du Québec compte sur plusieurs importantes sociétés d’État ainsi que sur des organismes de grande envergure comme le CHUM et le CUSM. Le bon fonctionnement de ces sociétés et organismes revêt une grande importance pour la bonne marche de l’État québécois.

Ces organismes doivent jouir d’une autonomie appropriée à leur mission. Cette autonomie doit cependant être enchâssée dans un cadre de gouvernance défini par le gouvernement et codifiée par des lois. Le gouvernement peut et doit demander des comptes par le truchement du conseil d’administration, mais le gouvernement doit respecter l’autonomie de l’organisme et la responsabilité du conseil.

Depuis quelques années, le gouvernement du Québec a inscrit dans des lois les règles de gouvernance de ses organismes ainsi que les devoirs et responsabilités des conseils d’administration.

Ainsi la loi sur la gouvernance des sociétés d’État stipule de façon expresse les responsabilités respectives du conseil et du gouvernement. Les principes qui y sont énoncés valent pour tous les grands organismes de l’État québécois.

En son article 14, la loi dit :

Le conseil d'administration établit les orientations stratégiques de la société, s'assure de leur mise en application et s'enquiert de toute question qu'il juge importante.

Le conseil est imputable des décisions de la société auprès du gouvernement et le président du conseil est chargé d'en répondre auprès du ministre.

À son article 15, la loi établit une longue liste des responsabilités du conseil, parmi lesquelles on lit :

  adopter le plan stratégique;

 2° approuver le plan d'immobilisation, le plan d'exploitation, les états financiers, le rapport annuel d'activités et le budget annuel de la société;

 3° approuver les règles de gouvernance de la société;

approuver les profils de compétence et d'expérience requis pour la nomination des membres du conseil;

approuver les critères d'évaluation des membres du conseil d'administration et ceux applicables au président-directeur général;

 …

 8° établir les politiques d'encadrement de la gestion des risques associés à la conduite des affaires de la société;

etc.

Il faut espérer que le gouvernement du Québec tirera les bonnes leçons des événements récents. Les principes pour une saine gouvernance des organismes de l’État québécois sont connus. Le défi consiste pour le gouvernement à les mettre en place et en maintenir une stricte observance même quand souffle la tourmente.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.

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Yvan Allaire est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance (IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. Il est membre de la Société royale du Canada ainsi que du Council on Global Business Issues du World Economic. Professeur de stratégie pendant plus de 25 ans, il est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées, dont les plus récents coécrit avec le professeur Mihaela Firsirotu : Capitalism of Owners (IGOPP, 2012), Plaidoyer pour un nouveau capitalisme (IGOPP, 2010), Black Markets and Business Blues (FI Press, 2009), à propos de la crise financière et de la réforme du capitalisme.

À propos de ce blogue

Yvan Allaire, Ph. D. (MIT), MSRC, est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance(IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. M. Allaire est le co-fondateur du Groupe SECOR, une grande société canadienne de conseils en stratégie (devenue en 2012 KPMG-Sécor) et de 1996 à 2001, il occupa le poste de vice-président exécutif de Bombardier. Il fut, de 2010 à 2014, membre et président du Global Agenda Council on the Role of Business – Forum économique mondial (World Economic Forum). Profeseur Allaire est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Yvan Allaire

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