Les redevances minières : que faut-il faire?

Publié le 14/03/2013 à 09:50, mis à jour le 16/11/2016 à 11:19

Les redevances minières : que faut-il faire?

Publié le 14/03/2013 à 09:50, mis à jour le 16/11/2016 à 11:19

BLOGUE - (Extrait d’un rapport préparé le Forum sur les redevances minières qui se tiendra les 15 et 16 mars prochain le texte complet est disponible à http://forumredevancesminieres.gouv.qc.ca/pdf/yvan-allaire-document.pdf )

La mise en œuvre d’un nouveau régime fiscal s’avère toujours une opération délicate, un arbitrage entre le raisonnable et le possible. Partout, on remet en question les régimes de redevances et de taxes minières. Partout, on cherche comment combiner des rentrées fiscales maximales, des bénéfices économiques durables pour les citoyens et l’État propriétaires de la ressource avec le droit des sociétés minières à un juste rendement pour les risques assumés.

L’État dispose de diverses façons pour jouer pleinement son rôle de fiduciaire des ressources naturelles de la collectivité. La gamme des moyens dont dispose un gouvernement est étendue mais plusieurs de ces moyens soulèvent d’épineux et problématiques enjeux.

Dans les juridictions qui adhèrent aux principes d’une économie de marchés, les gouvernements tendent à intervenir surtout par une règlementation appropriée et le prélèvement de redevances et taxes sur l’activité minière.

Les avantages et inconvénients de quatre régimes différents sont décrits dans le texte. Leur impact financier sur les sociétés minières ainsi que sur le trésor public est établi selon trois scénarios : des prix du minerai similaires à ceux qui prévalent présentement; un contexte de prix du minerai très favorable; un contexte de prix très défavorable.

Ce rapport formule un certain nombre de recommandations au gouvernement; le gouvernement du Québec devrait :

1. Décréter qu’à compter de 2014 les paiements pour redevances et taxes minières versées au gouvernement du Québec par les minières soient rendus publics. La mise en application des dispositions de la loi américaine Dodd-Frank rendra cette divulgation obligatoire dès 2014 pour toute société inscrite à une Bourse américaine avec des exploitations minières au Québec (ou ailleurs au monde).

2. Prendre des participations au capital de sociétés minières que de façon parcimonieuse et en fonction de critères précis : par exemple, en échange de travaux d’infrastructure; pour rendre réalisable un projet important pour le Québec qui ne pourrait être réalisé selon les attentes de rendement des marchés privés; pour stimuler l’exploitation de certaines ressources nouvelles; pour agir comme maitre d’œuvre d’une stratégie de transformation du minerai au Québec.

3. Imposer une redevance ad valorem modulée (de 0% à 8%) selon le prix du minerai; cette redevance assure des rentrées de fonds au gouvernement dès que la mine affiche des revenus (à moins que les prix soient si déprimés que l’exploitation de la mine même soit compromise); cette redevance devient le prix de la « matière première » fournie par les propriétaires de la ressource.

4. Adopter un régime fiscal de partage de la rente économique avec les minières (en plus de la redevance variable selon le prix). Malgré la complexité de sa mise en place, ce régime comporte tellement d’avantages pour les gouvernements et pour les minières qu’il mérite la plus grande considération. Cependant, ce type de régime exige un appareil d’État suffisant en nombre et en compétence pour bien gérer les multiples facettes d’un tel régime.

5. Selon une perspective d’équité pour l’investisseur et afin de diminuer les risques pour des projets à longue échéance, signer des contrats d’invariabilité au moment de l’approbation de projets miniers.

Ce document soulève également un ensemble de questions auxquelles on doit apporter des réponses persuasives avant de procéder à un changement de régime fiscal :

- Un nouveau régime fiscal pour le secteur minier devrait-il prévoir des mesures transitoires permettant un ajustement graduel des entreprises du secteur minier?

 - Le nouveau régime fiscal devrait-il s’appliquer aux mines présentement actives ou seulement aux projets autorisés après la mise en place du nouveau régime?

 - Les petites mines devraient-elles être exemptées du nouveau régime et continuer d’être soumises au régime actuel?

 - Le Québec peut-il adopter un régime fiscal singulièrement différent des régimes en place dans le reste du Canada?

 - L’adoption par le Québec d’un nouveau régime fiscal aurait-il un effet d’entrainement sur les autres provinces canadiennes?

 - Puisque les ressources naturelles relèvent de la responsabilité des provinces, le gouvernement du Québec devrait-il revendiquer le droit d’approuver toute acquisition ou fusion d’une société exploitant une mine au Québec lorsque l’une des parties à la transaction est une société étrangère.

Partout, les gouvernements, c’est leur devoir, cherchent comment maximiser les bénéfices fiscaux provenant de l’exploitation de leurs ressources naturelles non renouvelables dans le respect de l’environnement et des droits des sociétés minières à un juste rendement. Cet objectif représente un défi que le gouvernement du Québec doit relever avec sagacité et fermeté.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.

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Yvan Allaire est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance (IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. Il est membre de la Société royale du Canada ainsi que du Council on Global Business Issues du World Economic. Professeur de stratégie pendant plus de 25 ans, il est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées, dont les plus récents coécrit avec le professeur Mihaela Firsirotu : Capitalism of Owners (IGOPP, 2012), Plaidoyer pour un nouveau capitalisme (IGOPP, 2010), Black Markets and Business Blues (FI Press, 2009), à propos de la crise financière et de la réforme du capitalisme.

 

À propos de ce blogue

Yvan Allaire, Ph. D. (MIT), MSRC, est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance(IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. M. Allaire est le co-fondateur du Groupe SECOR, une grande société canadienne de conseils en stratégie (devenue en 2012 KPMG-Sécor) et de 1996 à 2001, il occupa le poste de vice-président exécutif de Bombardier. Il fut, de 2010 à 2014, membre et président du Global Agenda Council on the Role of Business – Forum économique mondial (World Economic Forum). Profeseur Allaire est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Yvan Allaire

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