Un vrai test pour les investisseurs à long terme

Offert par Les Affaires


Édition du 08 Octobre 2016

Un vrai test pour les investisseurs à long terme

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Édition du 08 Octobre 2016

[Photo : Shutterstock]

Votre philosophie de placement a fait ses preuves. Depuis 2009, vous avez obtenu des rendements exceptionnels, supérieurs à 10 % à chacune des sept dernières années grâce à votre brillante sélection de titres. De quoi «se péter les bretelles». Mais voilà que le doute vous assaille. Aussi efficace soit-elle, votre approche ne mène nulle part depuis des mois. La tentation de faire faire un virage à 180 degrés à votre portefeuille vous envahit. Nul doute, vous passez un vrai test.

On se dit investisseur à long terme quand le soleil brille, mais lorsque le vent se lève, nos convictions sont vite ébranlées. Lors des marchés haussiers, tout le monde paraît brillant. Mais c'est lors de marchés plus hostiles qu'on découvre les investisseurs qui ont les nerfs nécessaires pour réussir à long terme en Bourse.

Nous ne sommes pas dans un marché baissier, et pourtant, plusieurs investisseurs à qui je parle ou que je suis, autant professionnels qu'individuels, sont dans le même bateau en ce moment. Si vous n'avez pas investi dans la poignée de secteurs porteurs l'an dernier et cette année, votre rendement doit être plutôt décevant. Je me demande pourquoi je peine autant à surpasser les indices depuis un an, alors que cela avait été un jeu d'enfant au cours des dernières années.

Certains as de la sélection de titres de croissance au Canada souffrent aussi. Jason Donville, de Donville Kent Asset Management, dont le fonds Capital Ideas a enregistré des gains de 88 % en 2009, de 51 % en 2013 et de 22 % en 2014, affichait une baisse de 8,2 % après huit mois en 2016.

En fait, le deuxième trimestre a été terrible pour une grande majorité de gestionnaires de portefeuilles actifs. Seulement 17 % des gestionnaires canadiens de titres de grande capitalisation ont surpassé l'indice S&P/TSX au cours de la période de trois mois terminée en août, soit le pire score depuis le troisième trimestre de 1999, selon Russell Investments.

Il s'agissait du deuxième trimestre consécutif où les gestionnaires actifs étaient à la traîne du principal indice de la Bourse de Toronto. Cela s'explique par la forte concentration du TSX dans les secteurs de l'énergie et de l'or, tandis que la plupart des gestionnaires étaient sous-représentés dans ces deux catégories. Tous les styles de gestion - croissance, dividende et valeur - ont fait moins belle figure que l'indice.

Cette année est avant tout celle du rebond des matières premières et des titres bancaires canadiens. Si vous êtes comme moi, vous évitez les producteurs de pétrole, d'or, de charbon et compagnie, car leur rentabilité dépend de facteurs hors de leur contrôle. Je me tiens aussi à l'écart des banques canadiennes, non parce que ce ne sont pas de belles entreprises, mais parce que je vise des titres aux perspectives de croissance plus élevées.

Aux États-Unis, les titres regroupés sous l'acronyme FANG (Facebook, Amazon, Netflix, Google) ont été les locomotives de l'indice S&P 500 l'an dernier. Si vous n'aviez pas ces titres en portefeuille, les chances sont minces que vous ayez battu le S&P 500, en excluant l'effet de la devise. Facebook (FB, 128,27 $ US) et Amazon (AMZN, 837,31 $ US), qui ont toutes deux bondi de 23 % cette année, figurent encore dans le top cinq des gagnants de l'indice américain.

Restez fidèle à votre démarche

Quand notre style de placement ne fonctionne pas pendant un certain temps, la tentation peut être forte de modifier sa philosophie. Faire la girouette est toutefois une très mauvaise idée.

Si votre démarche a toujours été de favoriser des titres de croissance pour lesquels vous payez un prix raisonnable, par exemple, le moment est mal venu de jeter votre dévolu sur Amazon parce qu'elle a connu une lancée spectaculaire depuis deux ans. Le numéro un mondial du commerce en ligne affiche certes une solide performance financière, mais son évaluation est devenue très généreuse. Si vous avez toujours boudé le secteur aurifère, il n'est pas plus approprié de commencer à vous y intéresser après le rebond marqué des titres du secteur.

Comme je l'écrivais la semaine dernière, il est difficile de trouver des sociétés de qualité à un prix raisonnable en ce moment. Il faut rester discipliné à l'égard des prix que vous payez compte tenu du contexte de faible croissance dans lequel évoluent les entreprises.

Selon les analystes sondés par FactSet, les sociétés du S&P 500 devraient afficher un déclin de leurs bénéfices pour un sixième trimestre consécutif, pour la période de trois mois qui a pris fin en septembre. Il s'agirait de la plus longue séquence de recul des bénéfices depuis 2008, moment où la firme a commencé à compiler ces données. Il y a trois mois à peine, les experts anticipaient pourtant un retour de la croissance au troisième trimestre. Plusieurs facteurs qui ont miné les bénéfices des entreprises américaines, dont la faiblesse des prix pétroliers et la vigueur du billet vert, se sont estompés récemment. Mais pas assez pour requinquer leur rentabilité.

Les politiques monétaires généreuses des banques centrales continuent de soutenir les marchés et de faire grimper les valorisations des titres. Le S&P 500 se négocie à près de 20 fois les bénéfices réalisés au cours des 12 derniers mois, un ratio plus élevé que celui de 16 fois qu'il a commandé en moyenne au cours de la dernière décennie, selon les données de FactSet.

Dans ce contexte de faible croissance et d'évaluations relativement élevées, il est encore plus important de rester fidèle à une approche rationnelle qui repose sur les facteurs fondamentaux de vos titres - rentabilité, croissance, solidité du bilan, etc. - et, surtout, sur le prix que vous payez.

Un lecteur déçu

Jacques s'est dit déçu de ma récente chronique «Les planifications fiscales à la Apple, un danger pour l'investisseur ?», parce que je n'ai pas dénoncé les entreprises qui utilisent des stratégies fiscales audacieuses pour réduire leurs impôts. Mon objectif n'était pas d'entrer dans ce débat, mais de traiter d'un risque potentiel pour vos placements. Toute entreprise a le devoir fiduciaire de maximiser le rendement de ses actionnaires. Cela repose aussi sur l'optimisation fiscale, à condition que les règles en vigueur soient respectées et que les stratégies soient bien expliquées aux investisseurs.

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin