N'écartez pas la Bourse américaine, malgré un automne chaud

Offert par Les Affaires


Édition du 18 Juin 2016

N'écartez pas la Bourse américaine, malgré un automne chaud

Offert par Les Affaires


Édition du 18 Juin 2016

Photomontage: Louise Rouleau

Projetons-nous en janvier 2017. Donald Trump est le nouveau président des États-Unis, le Royaume-Uni a voté en faveur d'une sortie de l'Union européenne, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé ses taux d'intérêt une autre fois. La probabilité que tous ces événements se concrétisent est peut-être inférieure à 50 %, mais elle n'est pas nulle. Est-ce le moment de tout vendre avant que la Bourse ne s'effondre ?

Je ne répondrai jamais oui à une telle question, car, même si les nombreux facteurs d'inquiétude qui pèsent sur les marchés depuis un bon moment se réalisent, il est impossible de prévoir la façon dont les investisseurs y réagiront.

Le comportement des marchés depuis la fin de 2015 constitue une preuve éclatante de la difficulté de se prêter au jeu des prédictions. Qui aurait pu parier que la Bourse de Toronto afficherait la meilleure performance parmi les 24 principaux marchés développés du monde à l'approche de la mi-année ?

Pas moi. Le scénario que j'avais anticipé dans notre édition spéciale sur les perspectives de 2016 publiée à la mi-décembre ne s'est pas matérialisé jusqu'à présent. Contrairement à plusieurs stratèges canadiens, j'avais prévu que la Bourse de Toronto allait rester à la traîne de sa contrepartie américaine pour une sixième année consécutive.

Mon hypothèse reposait entre autres sur le fait que les producteurs de matières premières allaient connaître une autre année de misère, compte tenu de la faible croissance économique mondiale, et que les banques allaient subir les contrecoups de l'effondrement du prix des ressources et de la torpeur de l'économie canadienne.

Au moment d'écrire ces lignes, l'indice S&P/TSX affichait un gain de 8,4 % depuis le début de 2016, par rapport à une hausse de 2,9 % pour le S&P 500. L'indice torontois a profité du rebond spectaculaire des producteurs pétroliers et miniers, ainsi que de la vigueur des télécommunications et des fournisseurs de services aux collectivités. Et en dépit de la hausse des provisions pour pertes sur prêts des banques, le secteur financier a aussi contribué au rebond de Toronto, quoique dans une moindre mesure.

Plusieurs stratèges, dont Brian G. Belski, de BMO Marchés des capitaux, ont anticipé avec justesse le rebond marqué de la Bourse de Toronto. M. Belski, comme Martin Roberge, de Canaccord Genuity, et Clément Gignac, de l'Industrielle Alliance, est d'avis que la Bourse canadienne continuera sur sa lancée d'ici la fin de l'année et devancera sa contrepartie américaine.

Ce qui peut mêler les cartes

Les statistiques jouent en faveur d'un tel dénouement. L'indice S&P/TSX n'a jamais enregistré une performance inférieure au S&P 500 six années de suite. Et habituellement, la Bourse de Toronto surpasse nettement le marché américain après une longue période de rendements inférieurs comme cela a été le cas de 2011 à 2015, fait valoir M. Belski.

De son côté, Martin Roberge prévoit que l'élan haussier des producteurs de matières premières se poursuivra pendant plusieurs mois et contribuera ainsi à soutenir la Bourse de Toronto.

D'autres facteurs jouent en faveur du Canada, selon ces financiers. M. Belski note que les actions canadiennes demeurent sous-représentées dans la majorité des portefeuilles des gestionnaires internationaux.

Le stratège croit aussi que l'incertitude croissante entourant les élections américaines sera favorable aux titres canadiens. La probabilité que Donald Trump soit élu est plus élevée qu'en début d'année, ce qui pourrait limiter le potentiel haussier de la Bourse américaine, estime Clément Gignac, économiste en chef et gestionnaire de portefeuille pour l'Industrielle Alliance. Ce dernier considère le résultat d'une élection comme un facteur de risque majeur pour la première fois de sa carrière, m'a-t-il précisé.

«Si M. Trump est élu et qu'il fait ce qu'il dit, nous évoluerons dans un contexte totalement différent», dit M. Gignac. De façon défensive, il a relevé le niveau d'encaisse de ses portefeuilles et a fait place à des fonds négociés en Bourse investissant dans de l'or physique.

Malgré toutes ces épées de Damoclès, les Bourses américaines pourraient nous surprendre et afficher une meilleure performance que la Bourse canadienne en 2016.

Les actions canadiennes plus chères que les actions américaines

La Bourse canadienne a monté vite depuis son creux de janvier dernier. Peut-être trop vite. Certains titres semblent avoir devancé l'amélioration des facteurs fondamentaux. Plusieurs producteurs d'or, à l'instar de Mines Richmont(Tor., RIC), ont plus que doublé depuis le début de l'année. Les producteurs de pétrole ont aussi bondi. L'ascension a également été marquée parmi les titres appréciés pour leur rendement du dividende élevé. Valener(Tor., VNR), l'instrument d'investissement de Gaz Métro, s'est par exemple apprécié de 26 % à ce jour en 2016.

Résultat: les actions canadiennes sont présentement plus chères que les actions américaines, si l'on se fie au ratio cours/bénéfice des 12 derniers mois achevés.

Un autre élément qui pourrait favoriser la Bourse américaine est le fait que les investisseurs individuels n'ont jamais été aussi peu optimistes en 10 ans. L'indice de l'Association américaine des investisseurs individuels (AAII) a récemment touché un creux de 17,75 %. Or, en moyenne, le S&P 500 a gagné 19,97% un an après que l'indicateur de l'AAII eut reculé sous la barre des 20 %. Le S&P 500 a aussi affiché des rendements positifs 96,3 % du temps.

Peu importe qui sera élu à la présidence des États-Unis, si la Grande-Bretagne se retire de l'Europe et si la Fed hausse ses taux, les investisseurs qui suivent une stratégie à long terme continueront de faire ce qu'ils font toujours : chercher à cibler les meilleures occasions de placement. Comme les aubaines se font rares des deux côtés de la frontière, rien ne presse avant de mettre vos liquidités à l'oeuvre. Je vais personnellement profiter de l'accalmie estivale pour réévaluer l'ensemble de mes titres et optimiser mon portefeuille en fonction des meilleures idées qui se présentent.

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin