Les «ennuyeuses», le meilleur antidote à l'incertitude

Offert par Les Affaires


Édition du 24 Octobre 2015

Les «ennuyeuses», le meilleur antidote à l'incertitude

Offert par Les Affaires


Édition du 24 Octobre 2015

Le producteur de jus Lassonde

Privilégier les sociétés «ennuyeuses» est le meilleur antidote à la cacophonie ambiante sur les marchés. Il y a en effet, en ce moment, une quantité assourdissante de bruits nuisibles aux investisseurs sérieux, tandis que les Bourses connaissent un de leurs passages les plus orageux depuis le début du marché haussier en mars 2009.

Une des recommandations d'experts qui m'ont fait sourciller récemment est celle qui invite à «miser sur la qualité» pour contrer la volatilité qui prévaut sur les Bourses. «Comme l'incertitude à propos de l'économie et des marchés a augmenté, il est souvent approprié d'accorder une plus grande place aux titres de sociétés qui dégagent des marges bénéficiaires élevées», a conseillé Jonathan Glionna, stratège chez Barclays.

Pour l'investisseur à long terme, la quête d'entreprises dont la rentabilité est supérieure à la moyenne et au bilan béton ne devrait-elle pas être l'ultime démarche en tout temps? Faut-il acheter des titres de qualité discutable lorsque les eaux sont calmes, puis les vendre quand la mer devient plus houleuse ? Laissez-moi vous dire que les titres d'entreprises de qualité moindre, dont les activités sont fortement liées aux cycles économiques et qui sont bardées de dettes, comme il y en a tant parmi les producteurs de matières premières, ont déjà été sévèrement punis depuis deux ans. Quand vos titres ont déjà fondu de moitié ou plus, il se fait tard pour prendre un virage qualité.

Mark Wilson, pdg de l'assureur britannique Aviva, m'a aussi fait sourire il y a quelques jours en affirmant sur les ondes de CNBC que «nous allons connaître de la volatilité [sur les marchés] jusqu'en 2019». Selon sa boule de cristal, les investisseurs internationaux vivront une période d'apprentissage, tandis qu'ils s'ajustent au ralentissement de l'économie chinoise. Le terme volatilité est utilisé à toutes les sauces et exploité dès qu'il y a une baisse lors de deux séances consécutives. J'exagère à peine. Mais n'est-ce pas le propre des Bourses que d'évoluer au gré des fluctuations ? N'est-ce pas ce qui permet à l'investisseur intelligent de profiter des périodes de névrose ou, au contraire, de se protéger lorsque l'euphorie devient omniprésente ?

J'allais presque oublier les prédictions apocalyptiques de certains analystes techniques. L'analyste vedette Louise Yamada a averti ces derniers jours que la hausse récente des marchés était insoutenable et qu'il fallait profiter de tout moment de vigueur pour «vendre ses actions». Il y a selon elle une «évidence technique» qu'un sommet à long terme a été formé au cours de la dernière année et que, par conséquent, un marché baissier nous pend au bout du nez.

Pas sexy, mais constantes

Je ne cherche pas à fermer les yeux sur le contexte actuel. Après un début d'année en fanfare, les Bourses ont connu des moments difficiles. Vous avez particulièrement souffert si une proportion élevée de votre portefeuille se trouve dans des producteurs de pétrole ou de métaux.

Le début de la saison des résultats du troisième trimestre aux États-Unis n'a en rien rassuré les investisseurs. Wal-Mart (NY, WMT, 58,89 $ US) a semé l'émoi en avertissant que son bénéfice allait reculer de 6 à 12 % au cours de l'exercice 2017. La chute de 10 % de son titre en une séance, sa pire en 15 ans, a amené des observateurs à dire que ce qui arrive à ce poids lourd du Dow Jones et du S&P 500 était une mauvaise nouvelle pour le marché dans son ensemble, en raison de sa grande influence.

Certes, les nouvelles négatives se multiplient. Mais plutôt que d'écouter les oiseaux de malheur et les grands devins, il vaut mieux méditer sur de sages conseils comme celui de la firme vancouvéroise Odlum Brown : «achetez les entreprises ennuyeuses».

«Tandis que l'appétit des investisseurs oscille entre l'appel mondain de la sécurité et le prochain thème de croissance à la mode, nous plaidons en faveur de ce qui est plate», écrit l'analyste Dan Hinks.

Autrement dit, même si ça brasse sur les Bourses, les entreprises dominantes et bien gérées continueront de croître et de profiter de leur solidité financière pour acheter des actifs à meilleur marché ou récompenser leurs actionnaires.

Pour M. Hinks, Berkshire Hathaway (NY, BRK.B, 133,81 $ US) est un bon exemple d'entreprise ennuyeuse, mais intéressante à détenir, «surtout compte tenu de son évaluation actuelle». Il souligne que le titre du conglomérat de Warren Buffett recule en général moins que le marché lors de périodes baissières. En outre, la direction s'est engagée à racheter des actions advenant le cas où elles descendraient à un ratio de 120 % de la valeur comptable, soit 120 $ US. Une promesse qui procure une certaine protection à la baisse, selon l'analyste d'Odlum.

Des exemples québécois

Des entreprises québécoises qu'on peut qualifier d'ennuyeuses ont aussi poursuivi leur ascension au cours des derniers mois en dépit des turbulences. C'est le cas d'Industries Lassonde (Tor., LAS.A, 165 $). On entend à peu près jamais parler du producteur de jus Oasis. Même qu'aucun analyste ne le suit. Pourtant, l'entreprise de Rougemont est un modèle de rentabilité et de croissance lente, mais régulière. Le titre du producteur de jus, certes peu liquide, a gagné 19 % dans les trois derniers mois pour se hisser à un sommet historique de 164,99 $ ces derniers jours.

Quincaillerie Richelieu (Tor., RCH, 70 $), qui a récemment dévoilé une hausse de 13% de son bénéfice à son troisième trimestre et touché dans la foulée un plus haut historique, fait aussi partie de ces sociétés qui évoluent dans un secteur peu sexy, mais dont la constance financière est exemplaire. Le fabricant de traverses de chemin de fer Stella-Jones (Tor., SJ, 43,84 $) ainsi que le fournisseur de services maritimes et environnementaux Logistec (Tor., LGT.B, 40,69 $) peuvent également porter l'étiquette d'«ennuyeuses, mais performantes».

Ces titres ne sont pas nécessairement des achats. Mais en cette période plus tumultueuse, ils constituent le genre d'antidote dont votre portefeuille a besoin.

Suivez Yannick Clérouin sur Twitter @Clerouin_Inc

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin