La retraite des pdg vedettes, un danger pour votre portefeuille?

Offert par Les Affaires


Édition du 23 Avril 2016

La retraite des pdg vedettes, un danger pour votre portefeuille?

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Édition du 23 Avril 2016

Jean Coutu aura 89 ans en mai (photo: Bloomberg)

L'annonce du départ d'un pdg vedette comme Larry Rossy, de Dollarama (Tor., DOL), est un facteur d'incertitude pour les actionnaires, surtout quand il a une feuille de route aussi brillante que celle du fondateur du détaillant montréalais. Le successeur sera-t-il un aussi grand créateur de valeur?

Les souliers de Larry Rossy sont grands à chausser, mais la relève semble avoir été bien préparée chez Dollarama. Neil Rossy, qui prend le relais de son père, bosse au sein de l'entreprise depuis ses débuts, en 1992, et a touché à toutes ses sphères d'activité. Il a aussi joué un rôle clé dans plusieurs décisions stratégiques. En outre, l'homme de 46 ans sera épaulé par Larry, dorénavant président exécutif de la chaîne.

Comme investisseur, la question de la succession des dirigeants m'interpelle, car un nombre croissant des meilleurs patrons des sociétés québécoises inscrites en Bourse ont passé le cap de la soixantaine, voire celui de l'âge habituel de la retraite.

Voici des exemples : Jean Coutu, président du conseil de Groupe Jean Coutu (Tor., PJC.A), aura 89 ans en mai, Jean-Guy Desjardins, pdg de Fiera Capital (Tor., FSZ), aura 72 ans en octobre, Stanley Ma, pdg de Groupe MTY (Tor., MTY) a 69 ans, Jean-Marc Eustache, pdg de Transat A.T. (Tor., TRZ), Yves Des Groseillers, pdg de Groupe BMTC (Tor., GBT) et Claude Roy, pdg de Mediagrif (Tor., MDF), ont 68 ans, Alain Bouchard, président du conseil d'Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B), a 67 ans, Serge Godin, président du conseil de Groupe CGI (Tor., GIB.A), a 66 ans, Richard Lord, pdg de Quincaillerie Richelieu (Tor., RCH), aura 65 ans cette année, et Marcel Bourassa, pdg de Savaria (Tor., SIS), a 63 ans.

Plusieurs pdg mentionnés ci-dessus ont déjà passé le flambeau et continuent de jouer un rôle actif au sein de leur entreprise. Pensons à Jean Coutu, Alain Bouchard et Serge Godin. D'autres préparent le terrain, même s'ils prévoient rester encore longtemps au volant de leur entreprise. Marcel Bourassa, par exemple, m'a indiqué que son fils Sébastien, vice-président des opérations de Savaria en Chine et âgé 36 ans, devrait un jour s'élever à la tête du spécialiste d'ascenseurs.

Un plan bien préparé ne place pas nécessairement les actionnaires à l'abri de tous les risques liés à la succession.

Dans le cas d'entreprises contrôlées par une famille, l'investisseur doit toujours se demander si le conseil d'administration a eu les coudées franches pour choisir le meilleur candidat. Les enfants des dirigeants ne sont pas toujours les remplaçants idéaux. Souvenez-vous du retour de Jean Coutu à la tête du Groupe, en 2005, quand les choses avaient mal tourné aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui se sont demandé si François Jean avait l'étoffe de son père pour tenir les rênes de la chaîne.

Quand la succession pèse sur l'évaluation

Le choix du successeur d'un pdg bien établi peut avoir d'importantes conséquences sur la performance d'une entreprise, ou encore être un boulet pour un titre pendant de nombreuses années.

La bataille de succession qui se déroule ces jours-ci chez le constructeur de maisons PulteGroup (NY., PHM) nous en donne un bon exemple. Dans une lettre corrosive transmise aux membres du CA du groupe, le fondateur et principal actionnaire de l'entreprise, William J. Pulte, affirme avoir commis la «plus grave erreur de sa carrière» lorsqu'il a choisi Richard Dugas pour lui succéder en 2003. «Entre les mains de Richard Dugas, la création de valeur de PulteGroup veut dire destruction de valeur», a écrit l'homme de 83 ans.

M. Pulte, qui détient 8,8% des actions du constructeur, a déploré la piètre performance du titre depuis que M. Dugas lui a succédé. Il accuse aussi l'actuel pdg d'avoir laissé partir des dirigeants talentueux au profit de concurrents. Il fait pression pour que Richard Dugas quitte son poste, ce que le principal intéressé fera dans un an. L'affrontement à propos de la succession à la tête du troisième constructeur de maisons américain se poursuit et risque de peser sur le titre pendant encore un certain temps.

Un autre cas de relève d'une des superstars du Dow Jones a fait la manchette il y a quelques jours. Le plan de retraite de Robert Iger, président et chef de la direction de Walt Disney (NY., DIS), est parti en fumée en raison de la démission-surprise de son bras droit, Tom Staggs. Chef de l'exploitation et ami personnel de M. Iger, Tom Staggs était vu comme le remplaçant naturel du patron de Disney.

M. Iger, 65 ans, devait tirer le rideau sur sa carrière chez Disney en juillet. Mais, faute d'avoir trouvé un candidat de qualité pour le remplacer il y a deux ans et demi, le CA a reconduit son mandat jusqu'en 2018. Le départ de son dauphin pourrait le forcer à repousser encore sa date de retraite.

Ce scénario ne déplaira pas aux investisseurs, compte tenu de la performance exceptionnelle qu'a connue Disney sous le règne de M. Iger depuis 2005 (la valeur du titre a été multipliée par quatre).

Reste que l'incertitude entourant la succession au sein d'une entreprise peut jouer sur l'évaluation accordée au titre.

Cet enjeu devrait d'ailleurs être un des principaux sujets abordés par les actionnaires de la société de Warren Buffett, lors de l'assemblée annuelle de Berkshire Hathaway (NY, BRK.B), le 30 avril. Greggory Warren, analyste chez Morningstar, croit qu'une plus grande transparence à l'égard du plan de succession de Warren Buffett, 85 ans, aiderait à atténuer les craintes des investisseurs.

Cela dit, le manque de relève dans l'entourage d'un pdg qui est un actionnaire important peut aussi mener à la vente d'une entreprise.

C'est ce qui semble avoir incité Jean-Pierre Léger à céder le Groupe St-Hubert à Cara Operations (Tor., CAO). Ce scénario pourrait se produire parmi d'autres entreprises québécoises, telles Transat ou Fiera Capital. Je ne serais pas étonné de voir le grand dealmaker qu'est Jean-Guy Desjardins répéter dans quelques années ce qu'il a fait en 2001, lorsqu'il a vendu le gestionnaire d'actifs Tal Global à la Banque CIBC (Tor., CM).