Comment éviter de perdre de l'argent (quand ça brasse)

Publié le 21/02/2018 à 06:00

Comment éviter de perdre de l'argent (quand ça brasse)

Publié le 21/02/2018 à 06:00

Si vous vous attendez à ce que je vous présente une liste de titres à fuir à tout prix dans le cadre de cette chronique, arrêtez immédiatement de me lire. Ce n'est pas là mon intention. La correction survenue en février m'amène plutôt à exposer des comportements qui mènent tout droit à l'appauvrissement.

Il n'y a rien comme une longue période prospère en Bourse pour nourrir les pires péchés capitaux de l'investisseur. J'en ai observé de multiples au cours des derniers mois.

Peu avant les fêtes, j'ai publié un blogue intitulé «Le pire moment pour commencer à investir». Pas parce que les actions m'apparaissaient surévaluées, mais parce que des comportements irrationnels ont nourri mes craintes.

La plupart de mes lecteurs possèdent d'excellentes connaissances financières. Mes conseils ne leur serviront pas directement, mais les aideront à repérer les signes qui incitent à relever sa garde... et à profiter des occasions quand il y a des secousses.

Succomber à la tentation du gain rapide

Ne cherchez pas à prendre des raccourcis pour vous enrichir, l'investissement est un long marathon. Les probabilités que des paris audacieux vous permettent de réaliser des gains élevés et rapides sont infimes. La seule façon de vous bâtir un avenir prospère est de maximiser votre épargne et de laisser la magie des intérêts composés faire son oeuvre sur une longue période.

Malheureusement, trop de néophytes du placement ont tenté ces derniers mois de faire un coup d'argent en investissant dans les cryptomonnaies et les titres des producteurs de marijuana. Des lumières rouges se sont notamment allumées quand ma coiffeuse m'a dit que son beau-frère [qui connaît vraiment ça] lui a acheté des bitcoins, et qu'un proche qui s'y connaît peu en Bourse m'a demandé le meilleur titre pour s'enrichir avec le pot. Ces deux véhicules à la mode ont été de grandes victimes lors de la correction de février. Tout investissement, aussi prometteur soit-il, doit être avant tout évalué en fonction des risques auxquels il s'expose.

Jouer à l'alchimiste financier

De nombreux investisseurs - professionnels comme individuels - ont tenté de faire la passe en spéculant que le contexte dépourvu de volatilité des deux dernières années allait se poursuivre encore un temps.

Ils ont fait appel à des fonds négociés en Bourse (FNB) qui reflètent l'inverse du rendement quotidien de l'indice de volatilité VIX, aussi appelé l'indice de la peur. Tel le FNB contrats à terme S&P 500 VIX à rendement quotidien inverse de Betapro (HVI, 2,26 $). Ce produit, qui se négocie comme une action à la Bourse de Toronto, a généré un rendement de 175 % en 2017 et de 73 % l'année précédente. Renversant n'est-ce pas ? Justement, la tendance s'est abruptement inversée et a anéanti la quasi-totalité des gains en un temps éclair. Au moment d'écrire ces lignes, il avait effacé 91 % de sa valeur en 2018.

Un lecteur - avec un grand sens du synchronisme dois-je admettre - m'a demandé, quelques jours avant la correction de février, s'il était approprié de placer une partie de son portefeuille dans un fonds qui s'apprécie lorsque la volatilité grimpe en Bourse. Son objectif : se doter d'une police d'assurance « anti-effondrement » des marchés.

Bien des investisseurs cherchent la solution miracle qui affiche une corrélation faible ou négative avec les actions. Les produits comme le FNB contrats à court terme S&P 500 VIX, de Betapro (HUV, 7,29 $), ont une mécanique fort complexe et sont conçus pour être négociés sur une base quotidienne uniquement.

Ce type de véhicule implique donc d'avoir une boule de cristal bien astiquée pour prédire LE jour où la Bourse chutera. C'est sans compter les frais de négociation et de gestion. Pour toutes ces raisons, il vaut mieux éviter ces produits au mode d'emploi nébuleux.

Écouter les prophètes de malheur

Quand on suit les marchés financiers au quotidien, on est exposé à un vaste éventail de prédictions plus ou moins valables pour celui dont la stratégie repose sur le long terme.

En période tumultueuse, les commentateurs annonçant un cataclysme imminent envahissent les ondes. Les médias spécialisés raffolent des Jim Rogers et des Nouriel Roubini de ce monde, champions des phrases-chocs si précieuses dans cette quête obsessive de l'attention.

M. Rogers, 75 ans, a affirmé au début février à Bloomberg que le prochain marché baissier serait le pire de sa vie. Or, comme le dit Mike Evans, président d'Alibaba Group, cela fait 30 ans que M. Rogers prédit une redoutable correction. À force de le marteler, il finira peut-être par avoir raison.

C'est tout comme le gestionnaire-vedette montréalais Stephen Jarislowsky, qui a longtemps répété que le marché immobilier canadien allait lourdement chuter. Il y a huit ans, par exemple, il a écrit que les prix des maisons allaient dégringoler de la même façon qu'aux États-Unis. Ce qui n'a pas eu lieu.

Je ne dis pas qu'il a tort d'affirmer que le marché immobilier canadien est surévalué, mais ceux qui voulaient s'acheter une propriété à l'époque et qui ont attendu ladite correction doivent débourser nettement plus cher aujourd'hui.

Baser sa stratégie de placement sur les prévisions des prophètes de malheur est une méthode perdante. Comme le souligne Steven Check, éditeur de la lettre financière Blue Chip Investor, l'histoire montre que les Bourses ont 80 % de probabilités de s'apprécier dans une année donnée. Plutôt que de vous soucier de ce que feront les indices, consacrez votre précieux temps à recenser des entreprises extraordinaires que vous payerez à un prix raisonnable. Peu importe les conditions de marché.

Bouleverser sa stratégie au gré des fluctuations

Le phénomène qui m'a le plus interpellé lors du récent recul des Bourses, est le fait que de nombreux sites de courtier en ligne ont planté. Voilà ce qui arrive quand trop de petits investisseurs qui n'ont pas connu de périodes troubles cherchent à vendre leurs placements sous l'effet de la panique. Nous avons pourtant connu d'inoffensives turbulences après une ascension trop rapide.

Cette ruée vers la sortie met en relief l'incapacité d'un grand nombre d'investisseurs à subir les fluctuations. Une répartition trop élevée en actions les incite à vendre aux pires moments. Ce qui est réjouissant pour les investisseurs au comportement rationnel, qui peuvent ainsi saisir les occasions qui se présentent.

yannick.clerouin@tc.tc

À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin