Éthique et marketing: c'est FCKDUP

Publié le 09/03/2018 à 08:38

Éthique et marketing: c'est FCKDUP

Publié le 09/03/2018 à 08:38

(Photo: Josie Desmarais, Journal Métro)

BLOGUE INVITÉ. Depuis le décès tragique de la jeune Athéna Gervais à la suite de l’ingestion d’une quantité importante de boisson alcoolisée sucrée, je ne peux m’empêcher de penser à la responsabilité des professionnels du marketing dans la mise en marché de produits aussi dangereux.

Mettre son talent au service du marketing, c’est travailler avec une arme chargée entre les mains. Dans le cas de la boisson FCKDUP, les publicitaires ont utilisé leur pouvoir de convaincre au mépris de l’éthique. En développant un univers de marque pour séduire les adolescents, ils ont accepté de traverser une importante ligne morale. Utiliser une stratégie qui profite du sentiment d’invincibilité des ados et de leur propension à défier l’autorité afin de vendre un produit toxique pouvant causer un coma éthylique est révoltant. Malheureusement, ce n’est pas illégal puisque le produit lui-même n’est supposément pas vendu aux jeunes. Je crois cependant que cela viole le code d’éthique du NCP (normes canadiennes de la publicité) qui stipule, à l’article 13 concernant la publicité destinée aux mineurs, que :

«Les produits dont la vente aux mineurs est interdite, ne doivent pas être annoncés de manière à être particulièrement attrayants aux personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge adulte légal.»

Pourtant, ce produit et toutes les autres boissons de cette catégorie ont été commercialisés sans problème, malgré une mise en marché visant clairement les ados. Cherchez l’erreur.

Un encadrement déficient

Le marketing est un domaine qui est très peu régi. Il n’existe pas d’ordre professionnel ou même de titre professionnel officiel qui serait encadré par une association (comme l'Ordre des CRHA, par exemple).

Il existe bien un organisme regroupant 70 agences québécoises (l’Association des agences de communication créative), mais il s’agit d’un regroupement autoréglementé dont le code de déontologie fait une grande place à la protection de l’industrie elle-même, comme le démontre cet extrait:

«Bien qu’un dialogue public sur l’état de l’industrie ou sur son orientation soit sain, certaines déclarations publiques peuvent être néfastes et injustes pour l’industrie. De tels propos doivent être considérés par les membres comme une pratique non conforme à l’éthique.» 

Un examen de conscience s’impose

Comme spécialiste marketing, il serait facile de se défiler et de rejeter toute responsabilité dans la commercialisation de produits dangereux. Il est vrai que ce ne sont pas les publicitaires qui inventent ces produits ou qui en tirent un bénéfice commercial. Comme professionnel, nous sommes simplement rémunérés pour accomplir un mandat de service. Un peu comme un avocat qui défendrait un tueur en série, on ne fait que notre travail. 

Vraiment? Oui et non.

Inspirer, attirer et convaincre des personnes majeures et consentantes, oui.

Manipuler de jeunes esprits vulnérables, non.

Si les normes en place ou l’encadrement professionnel existant s’appliquent mal aux zones grises, notre éthique personnelle devrait compenser. À chacun de faire son examen de conscience.

À propos de ce blogue

Stéphanie Kennan est présidente de Bang Marketing, une agence de branding et de marketing Web située à Montréal. Elle travaille auprès des PME québécoises depuis 1998 et se spécialise en marketing B2B. Stéphanie Kennan est également auteure du livre Mon site web chez le psy publié aux Éditions Transcontinental.

Stéphanie Kennan

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