Robert Dutton stigmatise la Caisse de dépôt pour la vente de Rona

Publié le 05/04/2016 à 17:50

Robert Dutton stigmatise la Caisse de dépôt pour la vente de Rona

Publié le 05/04/2016 à 17:50

Quatre ans après avoir été évincé de la présidence de Rona, Robert Dutton vient de se vider le coeur. Ulcéré par la vente de Rona, il a mis directement en cause la Caisse de dépôt, à la fois pour son éviction comme président de Rona et pour la cession de l’entreprise à Lowe’s. Sa sortie, imprévue, est survenue au micro d’Alain Gravel, qui anime l’émission du matin à Radio-Canada Montréal et qui l’avait invité pour commenter la confirmation de la transaction.

Robert Dutton est un de nos commentateurs réguliers au journal Les Affaires depuis 2014. Il se prononce sur toutes sortes de sujets reliés à l’économie et à l’entrepreneurship, mais il s’était gardé un devoir de réserve quant à Rona.

Il venait de s'ouvrir une première fois dans le numéro du 2 avril, en faisant apparemment preuve de philosophie dans un texte intitulé «Rona, suite et…fin».

À lire: Rona, suite et...fin

Mais ce mardi matin, il est allé beaucoup plus loin durant cette émission à laquelle – en toute transparence- je participe quotidiennement. Je l’ai croisé à sa sortie du studio et il était manifestement encore sous le coup de l’émotion.

En deux mots, il rend la Caisse directement responsable du cours récent des événements. Malgré son amertume évidente, il est plausible qu’elle ait eu le bras long puisqu’elle était le principal actionnaire de Rona dont elle détenait 17% du capital. 

Elle aurait d'abord influencé son sort et son renvoi comme président de Rona.

Il a dit textuellement: «Monsieur Sabia m’a congédié le 2 novembre [2012]». Directement? Ou en envoyant un message sans équivoque au conseil d’administration?

En tout cas, à ses yeux, c’était clair, la Caisse et son président avaient décidé que mieux valait que Rona soit vendue et qu’il constituait, lui, un obstacle à cette vente à laquelle il se serait farouchement opposé.

Par la suite, soutient-il, on aurait travaillé à modifier le conseil d’administration de manière à ce qu’il s’y retrouve des gens plus ouverts à cette stratégie, et quand Lowe’s est revenue de nouveau à la charge après s’être fait dire non une première fois, la Caisse a saisi l’occasion pour faire le plein d’argent.

Que la transaction soit bonne pour les actionnaires, il en convient. Mais il s’inquiète du sort des employés du siège social et surtout, ce qu’il appelle «l’écosystème de Rona», largement profitable au Québec puisque 33000 personnes travaillent pour les équipementiers des quincailleries. Une véritable industrie manufacturière s’est développée ici avec Rona comme pivot.

Que va-t-il en arriver? Au-delà des assurances données, dans trois ans, cinq ans, que va décider Lowe’s qui a dorénavant les pleins pouvoirs? Et il tire à boulets rouges sur cette logique qui veut que ce soit les lois du marché qui l’emportent, l’explication donnée par le gouvernement Couillard pour avaliser la transaction.

Robert Dutton est allé jusqu’à demander une enquête de l’Autorité des marchés financiers sur ce qu’il perçoit comme une machination insidieuse, et, faut-il comprendre, malhonnête.

Ce ne sera pas évident.

On peut partager sa déception, et, à certains égards, sa colère. Rona est devenue depuis ses origines en 1939 une puissance, non seulement au Québec mais au Canada tout entier. Les décisions relèveront désormais ultimement de la Caroline du Nord.

À la Caisse de dépôt, quelques heurs plus tard, on marchait sur des œufs pour ne pas envenimer le débat, mais on m’a quand même suggéré de regarder la valeur de l’action de Rona avant 2012 – du temps de Robert Dutton– et après. Ce serait un argument.

Mais savez-vous, elle n’avait fait que sur place! Fin 2012, elle valait 10,42$ et le 11 janvier 2016, la veille de l’offre de Rona, elle n’était qu’à 11$. Évidemment, elle s’est alors envolée de plus du double mais la nouvelle direction n’avait pas entre temps accompli de miracle. Et Robert Dutton pointait du doigt, avec raison, que la crise de 2008 avait fait mal et que tout le secteur s’en était péniblement extirpé.

Bon, Rona s’était étirée d’un bout à l’autre du pays, se fragilisant, mais c’était dans le but de contrecarrer l’avancée de Home Depot et, précisément, de Lowe’s.

Pour la Caisse, à cet égard, l’issue était inévitable, l’assaut de ces deux géants se précisait et Rona ne pouvait éternellement tenir le coup. C’est du moins son opinion, et on me dit qu’on a cherché à mettre en place un consolidateur québécois, une entreprise qui aurait eu encore plus de coffre, rassemblant encore plus de joueurs, pour faire contrepoids, mais qu’on n’y est pas parvenu.

Robert Dutton a dû se faire servir cette explication, mais il n’y croit toujours pas. À ses yeux, les dés étaient pipés.

Mais cette stratégie, si elle a existé, et si elle a été occulte, vaut-elle une enquête? Non. À preuve de contraire, il n’y a pas eu malversations.

Mais elle relance le débat sur le double mandat déchirant de la Caisse de dépôt.

Lui faut-il privilégier le rendement, qui la rend fière et nous conforte, ou veiller au développement économique du Québec, en protégeant ses acquis et en travaillant à l’émergence de nouveaux champions, quitte à laisser passer des occasions de s’enrichir pour notre bénéfice?

En tout cas, la sortie émotive de Robert Dutton vient d’illustrer à quel point cette dualité ne peut que créer que des malaises tant et autant qu’on oscillera entre les deux options.

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