Miser sur l'immigration pour créer davantage de richesse


Édition du 19 Mars 2016

Miser sur l'immigration pour créer davantage de richesse


Édition du 19 Mars 2016

[Photo : Shutterstock]

Un peu partout au Québec se pose la question du maintien, voire du développement des services de proximité essentiels aux collectivités. On a toujours besoin de boulangeries, de garages, de salons de coiffure, d'épiceries... mais la relève commence à faire défaut.

Parmi les immigrants qui arrivent ici, plusieurs pourraient prendre le relais, tout comme ils pourraient imaginer de nouvelles entreprises dans la mesure où ils seraient bien accompagnés, bien conseillés, bien accueillis. Encore faudrait-il que leur contribution devienne un enjeu collectif. Mais nous n'en sommes pas encore là, si on se réfère à la nouvelle politique sur l'immigration présentée par le gouvernement du Québec, le 7 mars.

La dernière politique remontait à 1990. Il était largement temps qu'on la dépoussière. Les attentes étaient élevées.

Le nouveau message est clair : on vise un meilleur arrimage entre les immigrants et le marché du travail. Idéalement, les candidats (sauf dans le cas des réfugiés) seraient en mesure de se faire valoir par leurs compétences. C'est légitime. Mais l'approche est incomplète.

Des débats ont surgi immédiatement. On a remis en cause la hausse du nombre d'immigrants que le gouvernement souhaite recevoir, d'autant que bon nombre d'entre eux maîtrisent mal le français, voire pas du tout, même une fois arrivés ici.

Peu de voix se sont cependant élevées pour demander qu'on élargisse la vision voulant que les nouveaux arrivants soient d'abord de bons employés : pourquoi ne les encourageait-on pas tout autant à devenir de bons entrepreneurs ?

«Au fond, pour être conséquent, ce ministère devrait s'appeler le ministère de l'Immigration et du Développement économique, car les deux vont ensemble», dit Monsef Derraji.

Ce dernier est bien placé pour en parler, à plus d'un égard. Depuis septembre dernier, il préside le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ), après avoir occupé des postes de cadre au sein de l'industrie pharmaceutique pendant 14 ans. Il s'apprête à laisser la présidence du Congrès maghrébin au Québec qu'il assume depuis 2009. Originaire du Maroc, il est arrivé au Québec en 2002.

Le RJCCQ compte 10 000 membres répartis dans 37 chambres dispersées au Québec, dont certaines sont liées à des communautés culturelles, comme la Jeune Chambre de commerce haïtienne. La question de l'intégration des immigrants fait partie de ses préoccupations, tout comme leur éventuel établissement en région.

«Ce serait réducteur de simplement les limiter à occuper des emplois. L'immigration peut devenir un moteur de développement économique et de création de richesse, si on s'y prend bien», poursuit Monsef Derraji. Il ajoute que les régions, qui ont besoin de renfort, en seraient bénéficiaires. Autrement dit, il y a là un intéressant bassin d'entrepreneurs à mettre en valeur.

De par sa vaste présence sur le terrain, le RJCCQ pourrait apporter sa contribution en aidant les immigrants à se lancer en affaires et en sensibilisant les municipalités à leur potentiel. «Mais il faudrait prendre le temps de dire aux immigrants qu'il existe beaucoup d'occasions d'affaires», dit-il.

Le RJCCQ pense entre autres à des séjours de deux ou trois jours pour que les aspirants entrepreneurs découvrent le Québec et se familiarisent avec les communautés. Au passage, ils rencontreraient les acteurs socioéconomiques, les élus et la population en général, ne serait-ce que pour désamorcer de possibles préjugés.

C'est ce à quoi s'emploie, à sa mesure, Jonathan Chodjaï, qui tient ce patronyme de sa mère, d'origine iranienne et franco-suisse. Lui-même né en France, il est arrivé au Québec et 1998 et s'est rapidement lancé en affaires. Il a notamment fondé les Éditions Neopol, qui publient une large collection de guides. De plus, il a créé l'organisme Immigrant Québec il y a 10 ans et a mis sur pied le Salon de l'immigration et de l'intégration au Québec, qui en sera à sa cinquième édition les 25 et 26 mai prochain, à Montréal.

Il est le portrait-type de l'entrepreneur issu de l'immigration. Et il n'est pas convaincu que les orientations actuelles aideront les futurs immigrants à se faire pleinement valoir, tout comme il craint que leur déploiement en région reste un voeu pieux. «Compte tenu de l'évolution de l'économie, les emplois à pourvoir se trouvent d'abord dans le secteur tertiaire, celui des services, concentrés dans les grandes villes. Ces immigrants ne seront donc pas portés à s'installer en périphérie, en région.»

De plus, en insistant pour qu'ils répondent d'abord à des besoins immédiats, on ne leur laisse pas vraiment la chance de se faire valoir comme entrepreneurs, boulangers, coiffeurs ou autre, comme ces métiers évoqués plus haut.

Malgré son flair entrepreneurial et sa débrouillardise, dans ces conditions, Jonathan Chodjaï obtiendrait-il des points supplémentaires dans l'étude de sa demande d'immigration s'il devait la présenter aujourd'hui ? Pas sûr.

Merci à Québec pour cette mise à jour de la politique touchant les immigrants. Mais au-delà des querelles sur la langue, pourrait-on également prendre en compte leur potentiel entrepreneurial pour qu'ils en arrivent à le faire valoir un peu partout au Québec ?

De mon blogue lesaffaires.com/rene-vezina

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Suivez René Vézina sur Twitter @vezinar

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