Les misères des villes et la dictature de l'impôt foncier


Édition du 13 Septembre 2014

Les misères des villes et la dictature de l'impôt foncier


Édition du 13 Septembre 2014

La situation financière des municipalités québécoises est précaire.

On s'en doutait, mais une série de billets que publie l'Association des économistes québécois (ASDEQ) depuis le début de septembre en présente à la fois l'ampleur et les causes. Et on comprend, à leur lecture, que la partie sera difficile.

L'auteur de ces notes n'est pas le premier venu. Mario Lefebvre, lui-même économiste, occupe maintenant le poste de pdg de l'Institut de développement urbain, après avoir fait carrière au Conference Board du Canada, où il s'est fait valoir grâce à ses analyses fouillées des défis qu'affrontent les villes canadiennes.

Ses nouveaux textes tombent à point, alors que les débats sur la pérennité des régimes de retraite municipaux mettent en évidence la question bien plus large de la fragilité des finances municipales. À cet égard, la discussion sur les retraites s'apparente à la pointe d'un iceberg : ce qui se trouve en dessous est encore plus menaçant. Nos villes ne disposent pas des ressources suffisantes pour dispenser les services toujours plus nombreux qu'elles doivent assurer.

Comment en est-on arrivé là ?

La faiblesse des revenus est indéniable. Les villes québécoises dépendent avant tout de l'impôt foncier, bien plus que les villes canadiennes, américaines ou européennes. Et on ne peut pas accentuer indéfiniment la pression sur les contribuables. Un citron continuellement pressé finit par ne plus donner de jus...

En moyenne, l'impôt foncier compte donc pour 61 % des revenus des municipalités du Québec, par rapport à 53 % pour celles de l'ensemble du Canada, 43 % pour celles des États-Unis et 28 % pour celles de l'Europe. Pour commencer, elles auraient avantage à aller chercher davantage d'argent en droits d'utilisation de toutes sortes (pour les services rendus), principe largement utilisé aux États-Unis.

Cela dit, la question des transferts gouvernementaux paraît particulièrement épineuse. C'est avec l'Europe que la comparaison est la plus douloureuse. En effet, la proportion de ces transferts est assez semblable au Québec et dans l'ensemble des autres milieux urbains canadiens (17 % des revenus par rapport à 19 %). Par contre, en Europe, ces transferts atteignent 50 % ! Qu'est-ce qui explique que les États européens soient si «généreux» à l'égard de leurs municipalités ?

Tout simplement parce qu'ils considèrent comme étant de leur devoir de financer les infrastructures urbaines, alors qu'ici, la tâche - et la facture - incombe aux municipalités. Les États européens paient souvent le coût entier des travaux, ce qui diminue la nécessité pour les élus municipaux d'en demander toujours plus à leurs citoyens. On dira qu'au bout du compte, ces États doivent eux aussi se financer et que les citoyens sont obligés de payer, d'une façon ou d'une autre. Mais au moins, les paliers supérieurs de gouvernement disposent de plusieurs sources de revenus potentiels. Ils peuvent théoriquement moduler les prélèvements. Pas les municipalités d'ici, qui vivent et meurent de l'impôt foncier.

«Un financement qui ne répond à aucune logique»

Mario Lefebvre souligne que cet impôt a été conçu à l'origine pour offrir des services liés aux propriétés, comme le déneigement et l'enlèvement des ordures. C'était leurs premiers mandats. Avec le temps, les municipalités ont augmenté le panier des services aux citoyens : soutien au logement social, intégration des immigrants, loisirs adaptés aux différents groupes d'âge... «Le financement de ces services par l'impôt foncier ne répond à aucune logique, puisqu'ils n'ont aucun lien direct avec la propriété», affirme M. Lefebvre.

On connaît la formule. Par exemple, les gouvernements prélèvent de plus en plus de taxes sur l'essence, en principe pour assurer l'entretien des routes, mais la tentation est forte d'aller puiser dans la cagnotte pour tous les motifs du moment, et pas seulement pour le financement du transport en commun.

C'est vrai que rien n'oblige les municipalités à se charger de fonctions comme l'accueil des nouveaux arrivants. La Conférence régionale des élus de Montréal, par exemple, a conçu un programme original, le Rendez-vous des Alliés : des dirigeants viennent y expliquer comment ils intègrent ces nouveaux travailleurs.

Garantir l'avenir des communautés

Dans le contexte du vieillissement de la population québécoise, ces efforts sont nécessaires pour garantir l'avenir des communautés. Le renforcement par l'immigration est vital. Or, les gouvernements supérieurs ne s'embarrassent pas de ce genre de détails : ils acceptent des immigrants sur leur territoire; aux autres de s'occuper de leur intégration. Ces «autres» ne reçoivent pourtant pas un rond de plus pour faire le travail...

Il faut donc toujours plus d'argent. Au cours des 20 dernières années, les revenus des gouvernements fédéral et provinciaux ont augmenté en moyenne de 4 % par année, grâce aux taxes, impôts et redevances de toutes sortes. «Pour un maire, augmenter l'impôt foncier de 4 % par année pendant 20 ans, tout en se faisant réélire, représente un défi titanesque», écrit Mario Lefebvre.

On a donc dû reporter d'importants investissements dans les infrastructures. De là les misères que celles-ci nous causent aujourd'hui. Ce déficit d'investissement ne se résorbera pas tout seul, dit l'auteur. Et cette mise en garde survient au moment où on se chicane sur le financement des régimes de retraite municipaux ! La pointe de l'iceberg, disions-nous ?

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