La collusion tranquille, celle qui ne fait pas la manchette


Édition du 05 Décembre 2015

La collusion tranquille, celle qui ne fait pas la manchette


Édition du 05 Décembre 2015

Imaginez une ville de banlieue type, avec d'innombrables entrées de garage.

Même si le climat est déréglé, il finira bien par neiger, et les déneigeurs entameront leur saison. Tout le monde n'est pas équipé d'une souffleuse, et les pelles sont moins populaires qu'elles ne l'étaient.

Mais voilà, un territoire morcelé n'est pas si payant que ça pour un entrepreneur. Dans ce domaine, les déplacements incessants d'un secteur à l'autre coûtent temps et argent. L'idéal, c'est de pouvoir faire affaire avec des clients regroupés dans un quartier. C'est plus productif.

Oui, mais les citoyens ont la déplaisante habitude de magasiner leur déneigeur pour obtenir les meilleures conditions. Que faire, alors, si un ou des concurrents finissent par venir jouer dans les meilleures talles ?

Facile : il suffit de s'entendre entre entrepreneurs importants pour se répartir les territoires. «Tu ne viens pas de mon côté et je ne vais pas de ton côté.»

Si quelqu'un d'autre tente de s'immiscer dans cet accord, on va lui compliquer la vie, sans nécessairement user de violence, mais en lui faisant comprendre qu'il n'a pas d'affaire là. Et si on n'exagère pas trop sur le prix, si le service rendu est correct, les clients ne s'en formaliseront pas.

À supposer qu'il leur prenne l'envie d'appeler quelqu'un d'autre, ils se feront répondre que le carnet de contrats est déjà plein, ou d'autres excuses du genre pour éviter de rompre l'entente tacite entre les entrepreneurs.

C'est la collusion tranquille.

Elle ne fait pas de grosses vagues, n'inspire pas de grandes manchettes, ne provoquera pas la tenue d'une sorte de commission Charbonneau ou l'intervention d'enquêteurs pour tirer les choses au clair.

Mais en ce moment, ce stratagème a bel et bien cours dans la région de Montréal, probablement ailleurs au Québec tout comme dans d'autres villes du Canada. D'ailleurs, il ne date pas d'hier. Bien sûr, il ne se situe pas au plus haut sur l'échelle des pratiques douteuses. Mais c'est quand même une plaie, une corruption du principe de la libre concurrence et du libre choix des consommateurs. Ces pratiques douteuses faussent le jeu. C'est pourquoi elles ne devraient pas être tolérées. Oui, mais comment les combattre ?

Comme le tort apparent n'est pas immense et que la justice a bien d'autres chats à fouetter, elles passent sous le radar. Les citoyens, pas nécessairement au courant de la manoeuvre, ne portent pas plainte. Mais les nouveaux venus dans le métier n'ont pas la chance de se faire valoir. C'est injuste.

Et qu'on ne vienne pas dire que, dans le fond, ce n'est pas grave. C'est précisément à force d'avoir haussé les épaules et détourné le regard de pratiques abusives que nous nous sommes retrouvés collectivement floués en ce qui concerne l'attribution et la gestion de contrats publics.

Tôt ou tard, la collusion devient moins tranquille, et une fois l'habitude prise, il devient difficile de la renverser. Mieux vaudrait veiller à ce qu'au départ, elle n'ait pas la chance de s'incruster.

Le garçon qui criait au loup, version climat

Dès l'ouverture la Conférence de Paris sur le climat, la COP 21, la délégation indienne a plaidé pour les pays pauvres, qui seront proportionnellement plus touchés que les autres par les dérèglements du climat, en réclamant une meilleure «justice climatique». C'est louable. En même temps, il faut encore rallier de larges pans de la population mondiale, notamment nord-américaine, à un plan concerté de lutte contre le réchauffement de la planète.

Voyez-vous, le plus dur de la partie se déroule loin de chez nous.

Bien sûr, les sondages d'opinion montrent que nous sommes - ou nous nous disons - profondément préoccupés par cet enjeu. Mais, pour l'instant en tout cas, nous ne sommes pas exposés aux mêmes malheurs, ou aux mêmes menaces, qui guettent déjà les îles de l'océan Indien et les régions semi-désertiques de l'Afrique. Le sentiment d'urgence n'est pas le même.

Les citoyens les plus éveillés à ces questions ont suivi avec attention les débats et sont déjà gagnés aux mesures qu'il importe de prendre sans tarder. Que les taxes sur l'essence, par exemple, continuent de grimper pour améliorer l'offre de transport en commun leur semble tout à fait légitime.

Mais ils ne sont pas nécessairement en position majoritaire. Et je ne suis pas sûr que les stratégies, qui consistent à nous ensevelir d'images plus désolantes les unes que les autres sur ce qui risque d'arriver à la planète, soient efficaces pour convaincre les indécis.

Vous vous rappelez la fable du petit garçon qui criait au loup, juste pour faire accourir les villageois ? Le jour où le loup est réellement venu en menaçant de le croquer, personne ne s'est dérangé. On ne croyait plus le petit garçon.

L'image est partiellement inexacte dans la mesure où le loup, en matière de dérèglement climatique, se manifeste déjà. Mais la réaction de bien des gens risque d'être la même que celles de villageois si on leur sert toujours le même discours et les mêmes images, ad nauseam.

Le message devrait être plus simple : des millions de gens souffrent en raison de nos façons de faire, et il importe de les modifier au plus vite. Au lieu d'adresser des blâmes, on devrait désormais réclamer une plus grande solidarité.

De mon blogue

Aéronautique De beaux espoirs, même si...

Bonne nouvelle : tout indique un marché en nette augmentation pour l'industrie aéronautique mondiale au cours des prochaines décennies. Moins bonne nouvelle : l'industrie se retrouvera parallèlement au banc des accusés en raison de ses émissions de gaz à effet de serre. Elle devra travailler fort pour les réduire, sans quoi ces belles perspectives en souffriront. Ces analyses découlent de quelques événements et rapports récents qui n'ont pas fait la manchette, mais qui sont pourtant lourds de conséquences potentielles pour l'économie québécoise.

Suivez René Vézina sur Twitter @vezinar

À la une

Les nouvelles du marché du mardi 23 avril

Mis à jour il y a 7 minutes | Refinitiv

General Motors dépasse ses objectifs de résultats trimestriels et relève ses prévisions.

Bourse: ce qui bouge sur les marchés avant l'ouverture mardi 23 avril

Mis à jour il y a 32 minutes | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les Bourses mondiales en hausse, entre résultats d'entreprises et indicateurs.

Les jeunes votent de plus en plus pour... Trump

Il y a 18 minutes | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Les Américains âgés de 18 à 29 ans préfèrent Biden à Trump par seulement 3 points de pourcentage.