L' année du chou-fleur (et de la déconfiture du huard)


Édition du 23 Janvier 2016

L' année du chou-fleur (et de la déconfiture du huard)


Édition du 23 Janvier 2016

Une caricature qui circule depuis quelques jours sur Facebook traduit bien l'humeur actuelle des consommateurs. On y aperçoit un couple en train de discuter avec son banquier. «Nous aimerions financer l'achat d'un chou-fleur», lui demandent-ils...

C'est amusant, certes, mais aussi représentatif des préoccupations des gens qui souffrent des répercussions de notre huard déplumé. Le prix des aliments ne cesse d'augmenter, surtout celui des fruits et des légumes frais qu'on importe. La facture pâtit en raison du taux de change défavorable. Le chou-fleur est devenu le symbole de cette inflation qui inquiète parce que les revenus réels, eux, ne bougent à peu près pas. L'Institut de la statistique du Québec vient d'indiquer que le revenu disponible, au Québec, a progressé de 0,1 % en 2015, la plus faible augmentation des neuf dernières années.

Et si, pour reprendre le cliché, on transformait le problème en occasion d'affaires ? Si on en profitait pour intensifier la production locale d'aliments afin de réduire notre dépendance aux exportations et à la volatilité des prix ?

Pas besoin de viser l'autosuffisance, comme le défunt ministre de l'Agriculture, Jean Garon - qui proposait de remplacer le jus d'orange par le jus de pomme -, mais bien de miser sur nos ressources et sur des technologies toujours plus performantes afin d'offrir des produits concurrentiels aux consommateurs.

Et c'est un défi que nous pouvons relever.

«Nous pourrions doubler la production québécoise en cinq ans, tout en demeurant concurrentiels», soutient André Mousseau, président du Syndicat de producteurs en serre du Québec, qui regroupe aujourd'hui 700 entreprises.

Étonnamment, leur nombre a sensiblement diminué au fil des ans. On en a déjà compté plus de 1 000. Il y a eu de l'élagage ; bien des gentlemen-farmers qui ne s'étaient pas rendu compte à quel point le métier était exigeant ont lâché prise. Mais les marchés volatils, couplés à des politiques tarifaires moins accommodantes d'Hydro-Québec, n'ont pas aidé. Malgré ce repli, l'industrie emploie encore 7 000 personnes.

Jadis producteur laitier, André Mousseau est propriétaire du Cactus Fleuri, à Sainte-Madeleine, en Montérégie, une des plus importantes sources de cactus et de plantes grasses du Québec. La majorité des producteurs en serre québécois se spécialisent d'ailleurs dans les plantes ornementales, mais on en dénombrerait environ 150 qui produisent des fruits et des légumes, dont une trentaine plus structurés qui vendent au-delà de leur région immédiate.

S'ils étaient en mesure d'augmenter leur production et de proposer des prix abordables, on peut imaginer que la demande suivrait, d'autant «que nous n'utilisons pas, ou presque pas, de pesticides», dit André Mousseau. Au Québec, on utilise surtout des insectes prédateurs pour contrôler les bestioles nuisibles. Les produits se veulent donc plus sains.

Il faudrait aussi assurer un volume régulier. Les acheteurs qui veillent à l'approvisionnement des supermarchés exigent de la constance.

Pourquoi ne pas recourir au Fonds vert

Ce serait possible, pourvu que les conditions gagnantes soient réunies pour que les producteurs investissent en conséquence. Par exemple, les dépenses en énergie représentent de 20 à 30 % des coûts totaux des producteurs.

Il fut un temps où Hydro-Québec offrait des tarifs réduits de moitié, comme on le fait pour les grands consommateurs industriels.

Mais ce programme, appelé BT (pour basse température), exigeait des producteurs qu'ils se débranchent du réseau, les jours d'hiver, quand la température tombait sous un certain seuil et qu'Hydro avait besoin de l'ensemble de sa puissance. On y retournait la nuit quand la demande globale chutait. Entre-temps, les producteurs recouraient à d'autres sources, comme le mazout, le gaz naturel ou la biomasse, par l'intermédiaire de systèmes biénergie.

«Ça fonctionnait très bien, c'était pour nous le meilleur programme, mais il était géré à distance par télécommande, un peu comme les compteurs intelligents. Il y a eu des failles techniques, et Hydro-Québec a tout arrêté», explique André Mousseau.

Dommage. Aujourd'hui, Hydro-Québec nage dans les surplus, et la demande qu'on entrevoyait n'est pas à la veille de se matérialiser. Parallèlement, le Québec cherche à diminuer son empreinte carbone, et tout ce qui n'a pas à être transporté d'un bout à l'autre du continent peut y contribuer. Son Fonds vert, quasi milliardaire, pourrait servir à bon escient. Il pourrait financer la transformation des modes de chauffage des serres vers l'électricité ou la biomasse.

Lutter contre les changements climatiques, encourager le développement durable, qui pourrait s'y opposer ?

D'autant qu'économiquement les bénéfices sont faciles à envisager. Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) vient de lancer une campagne de publicité pour encourager l'achat local en reprenant les conclusions d'une enquête récente de Léger. Si chaque Québécois augmentait de 20 $ ses achats locaux par semaine, les retombées pourraient atteindre huit milliards de dollars par année et créer 96 000 emplois !

«La promotion de l'achat local s'inscrit dans la démarche que nous avons entreprise l'an dernier pour accroître la prospérité du Québec», dit Yves-Thomas Dorval, le pdg du CPQ.

Oui, rien ne vaudra jamais les savoureuses tomates des champs. Mais l'hiver arrive vite au Québec, et même s'il convient alors de privilégier les légumes de saison, une bonne salade fait tellement de bien... Faut-il éternellement dépendre de la Californie pour se nourrir ?

De mon blogue

Taux de change

Dollar faible : O. K. pour les exportateurs, mais un K.-O. pour les familles

Au-delà de l'alimentation, c'est tout ce qui nous lie au Sud, en commençant par les très légitimes projets d'évasion au coeur de l'hiver, qui s'en trouve compromis. Parfait pour les exportateurs qui finiront par en profiter s'ils jouent bien leurs cartes. Avec un peu de chance, et d'intégrité de leur part, leur bonne fortune finira par rejaillir sur l'ensemble de la communauté. Mais en attendant, on fait quoi pour soulager les citoyens qui doivent composer avec un coût de la vie toujours plus élevé ? Vrai, les statistiques sur l'inflation sont pour l'instant rassurantes, mais dans ces conditions, les chiffres risquent de gonfler et de faire mal au quotidien... MM. Poloz et cie y ont-ils songé ?

Suivez René Vézina sur Twitter @vezinar

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