Fini les belles paroles, Alstom sort maintenant son monde


Édition du 03 Mai 2014

Fini les belles paroles, Alstom sort maintenant son monde


Édition du 03 Mai 2014

La veille des élections, il t'appelait son fiston, le lendemain, comme de raison, il avait oublié ton nom»...

Ces mots de la chanson Attends-moi, ti-gars, de Félix Leclerc, évoquent les amis éphémères qui s'éclipsent dès qu'ils ne voient plus d'avantages à maintenir les liens. Et on devrait aller la chanter sous la fenêtre des dirigeants français d'Alstom qui ont décidé de sabrer l'effectif de leur centre d'excellence de Saint-Laurent.

Alstom a fait savoir à la fin d'avril qu'elle allait transférer en France, d'ici la fin de 2014, quelque 150 postes sur les 260 que compte le centre. Raison officielle : elle pourra ainsi plus facilement servir ses clients européens. Raison officieuse et vraisemblable : maintenant qu'achève le contrat de fabrication des voitures du métro de Montréal, elle n'a plus besoin de se montrer aussi enracinée au Québec. Comme par hasard, la STM a pris possession le 28 avril de sa toute première voiture Azur.

De belles paroles pour gagner des appuis

L'entreprise ne s'était pourtant pas gênée pour brandir son appartenance québécoise, en 2007, lorsqu'elle s'était adressée à la Cour supérieure du Québec pour obtenir une injonction bloquant l'entente conclue de gré à gré entre Bombardier et le gouvernement du Québec. Alstom exigeait le droit, probablement légitime en vertu de ses compétences, de poser sa candidature pour le contrat. Elle avait également invoqué sa présence historique au Québec. Une campagne de relations publiques avait été menée en parallèle pour souligner l'importance des retombées économiques qui suivraient, assurait-elle, si son argumentaire était retenu. Elle avait usé de toutes les belles paroles de son répertoire pour gagner des appuis. Et la cour lui a donné raison.

Déjà qu'on voyait venir les retards relativement à la livraison des voitures, originalement prévue pour 2010... Pour activer les choses, le gouvernement Charest a fini par retenir une proposition conjointe des deux firmes rivales, et le consortium Bombardier-Alstom est né à l'automne 2008, spécifiquement pour le contrat du métro. On a partagé le travail entre La Pocatière (Bombardier) et Sorel-Tracy (Alstom), où travaillent toujours une soixantaine de personnes. À peine. Maintenant que le travail tire à sa fin, on n'a plus besoin de belles paroles.

C'est vrai qu'après le contrat du métro, l'horizon des commandes est incertain au pays. Peut-être un prolongement du métro de Toronto... peut-être aussi quelques trains de banlieue, un ou deux circuits de tramway et autres développements du genre, mais ce ne sera pas pour demain et il est loin d'être certain que le client acceptera alors l'offre d'Alstom. Dans ces conditions, hop, mieux vaut faire ses valises et déménager.

D'autant plus que les années récentes ont été laborieuses et que son bilan financier n'est pas reluisant. Alstom veut manifestement réduire ses coûts là où la possibilité de revenus immédiats semble plus aléatoire que jamais.

D'accord. Mais pourquoi avoir sorti le grand jeu en 2007 ? Pourquoi cette campagne de charme pour le contrat du métro ? On devait fort bien savoir que la suite était problématique et que le potentiel était mince. Alstom voulait sa part du contrat qui passait, soit. Elle était alors empressée d'afficher ses couleurs québécoises. Elle est maintenant tout aussi empressée de les ranger dans le placard.

General Electric dans le portrait

Est-ce que cette hâte aurait quelque chose à voir avec la cour que lui mène présentement GE ? Le conglomérat américain veut mettre la main sur tout le secteur énergétique d'Alstom, qui vaudrait de 15 à 20 G$, mais pourrait finir par gober la française au complet s'il y trouvait son compte. Mieux vaudrait, dans ce cas, se faire plus intéressante par une cure minceur.

Le gouvernement français froncerait certainement les sourcils - à cet égard, le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg a évoqué une «vigilance patriotique» - mais il n'est pas sûr qu'il pourrait intervenir.

Curieux retour des choses : il y a trois ans, de passage à Montréal, le ministre français de l'Industrie dans le gouvernement Sarkozy, Éric Besson, nous avait dit souhaiter que la France devienne le premier partenaire commercial du Québec, même devant les Américains ! Les promesses du Plan Nord l'avaient sans doute impressionné, lui qui venait alors d'effectuer une tournée rapide dans le Nord.

La commande semblait imposante, et elle le devient davantage maintenant qu'un poids lourd comme Alstom va dans le sens contraire en réduisant ici sa présence. Oui, des mégaentreprises comme Veolia ou Keolis ont accru la leur, et Ubisoft continue d'attribuer des mandats à ses studios de Montréal et de Québec.

Un grand dossier publié dans ce journal le 19 avril soulignait avec raison que les PME françaises étaient de plus en plus nombreuses à débarquer au Québec, notamment pour échapper à la morosité qui sévit dans l'Hexagone. Mais il faut toujours des locomotives, c'est-à-dire de grandes entreprises, à la tête du convoi. Celle d'Alstom vient de perdre une bonne partie de sa puissance. C'est bien dommage.

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